L’Encyclopédie/1re édition/BOSTANGIS

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 339-340).
◄  BOSSY
BOSTON  ►

BOSTANGIS, s. m. (Hist. mod.) classe des azamoglans ou valets du serrail, occupés aux jardins du grand-seigneur. Quelques-uns cependant sont élevés à un degré plus haut, & occupés aux messages ou commissions du sultan ; c’est pourquoi on les nomme hassakis ou chassakis, c’est-à-dire messagers du roi.

Bostangi Bachi, chef des jardiniers ou surintendant des jardins du grand-seigneur. De simple bostangi ou jardinier, il parvient à cette dignité, qui est une des premieres de la porte, & qu’il ne quitte que pour être fait pacha à trois queues. Quoiqu’il soit inspecteur né des jardins du serrail & des maisons du sultan, son autorité ne se borne pas à cette fonction ; elle s’étend depuis le fond du port Kassumpacha, Galata, Top-Hana, & le détroit de Constantinople, jusqu’à la ville de Varne sur la mer Noire. Jour & nuit il fait la ronde dans tous ces lieux avec une gondole montée de trente bostangis pour veiller au feu, surprendre les ivrognes, & les femmes de mauvaise vie, qu’il coule quelquefois à fond, quand il les rencontre avec des hommes dans des bateaux. Il est encore grand maître des eaux & forêts, & capitaine des chasses des plaisirs du grand-seigneur. On ne peut faire entrer une seule piece de vin dans Constantinople sans sa permission ; ce qui lui donne une jurisdiction de police sur les cabarets. Il contrôle les vins des ambassadeurs, & fait arrêter leurs domestiques à la chasse, s’ils n’ont pas son agrément. Mais sa fonction la plus honorable est de soûtenir sa hautesse, lorsqu’elle se promene dans ses jardins, de lui donner la main quand elle entre dans sa gondole, d’être alors assis derriere elle, & de lui parler à l’oreille en tenant le timon, & de lui servir de marchepié le jour de son couronnement.

Quelquefois le bostangi bachi prend les devans avec son bateau, pour écarter tous ceux qui se rencontrent sur la route de l’empereur. Il doit connoître non-seulement toutes les variations que la mer cause sur son rivage ; mais encore tous les différens édifices qui ornent ses bords, & les noms de leurs propriétaires, afin de répondre exactement aux questions que le grand-seigneur peut lui faire ; desorte qu’il faut avoir couru long-tems les bords de cette mer, en qualité de simple bostangi, pour parvenir à celle de bostangi bachi : cet accès facile auprès du grand-seigneur, donne à cet officier un très-grand crédit, & le fait quelquefois devenir favori de son maître ; place dangereuse ; & qui dans les révolutions fréquentes à Constantinople, a plus d’une fois coûté la tête à ceux qui y étoient parvenus.

Comme les empereurs Ottomans vont quelquefois à Andrinople, ancienne capitale de la monarchie Turque, il y a aussi dans cette ville un bostangi bachi, comme à Constantinople. Leur rang est égal, mais leur jurisdiction & leur revenu sont fort différens. Celui d’Andrinople n’est chargé que du palais impérial, quand le sultan y fait sa résidence, & de la garde de ses fils ; au lieu que le bostangi bachi a une surintendance générale sur toutes les maisons de plaisance du prince, à peu près comme en France, le directeur général des bâtimens. Guer, mœurs & usages des Turcs, tom. II. (G)