L’Encyclopédie/1re édition/BOULET

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 363-364).
BOULETAN  ►

BOULET, en terme de guerre, est une grosse balle de fer dont on charge le canon.

Il y a des boulets de tous les calibres ; ils se mettent dans le canon sur la poudre, ou du moins sur le fourage, ou le tampon dont on couvre la poudre.

Ce que l’on cherche dans les boulets, est qu’ils soient bien ronds, bien ébarbés, & sans soufflures.

Bien ronds & bien ébarbés, afin qu’ils fassent leur chemin droit dans la piece, sans l’érafler, ni l’écorcher.

Sans soufflures, afin qu’ils ne piroüettent point en l’air, & que le vent ne s’y engouffre point.

Enfin qu’ils soient du poids dont ils doivent être, ces sortes de cavités étant quelquefois cause que les boulets pesent moins que leur calibre ne porte ; à quoi il faut prendre garde ; car le roi seroit lésé de payer un boulet sur le pié de 24 livres, qui n’en peseroit que 23. (Q)

Il seroit à desirer qu’ils ne fussent pas de fer aigre, car en les remuant ils le cassent facilement.

Voici la différence qu’il y a entre le calibre des pieces & celui que doivent avoir les boulets destinés pour y servir : cette différence vient du vent qu’il faut donner pour que les boulets puissent avoir plus de jeu dans la piece.

Table du calibre des Pieces, & du diametre des Boulets.
Calibre des Pieces. Diametre & poids
des Boulets.
Onces. Pouces. Lignes. Fract. Onces. Pouces. Lignes. Fract.
1. 0. 9. 1. 0. 9.
2. 0. 11. 2. 0. 11.
3. 1. 1. 3. 1. 1.
4. 1. 2. 4. 1. 2.
5. 1. 4. 5. 1. 3.
6. 1. 4. 6. 1. 4.
7. 1. 5. 7. 1. 5.
8. 1. 6. 8. 1. 6.
10. 1. 8. 10. 1. 7.
12. 1. 9. 12. 1. 8.
14. 1. 10. 14. 1. 9.
Onces. Pouces. Lignes. Fract. Onces. Pouces. Lignes. Fract.
1. 1. 11. 1. 1. 10.
2. 2. 5. 2. 2. 4.
3. 2. 9. 3. 2. 8.
4. 3. 1. 4. 3. 0.
5. 3. 4. 5. 3. 2.
6. 3. 6. 6. 3. 5.
7. 3. 8. 7. 3. 7.
8. 3. 11. 8. 3. 9.
9. 4. 0. 9. 3. 11.
10. 4. 2. 10. 4. 0.
11. 4. 4. 11. 4. 2.
12. 4. 5. 12. 4. 3.
13. 4. 7. 13. 4. 5.
14. 4. 8. 14. 4. 6.
15. 4. 9. 15. 4. 7.
16. 4. 11. 16. 4. 9.
17. 5. 0. 17. 4. 10.
18. 5. 1. 18. 4. 11.
19. 5. 2. 19. 5. 0.
20. 5. 3. 20. 5. 1.
21. 5. 4. 21. 5. 2.
22. 5. 5. 22. 5. 3.
23. 5. 6. 23. 5. 4.
24. 5. 7. 24. 5. 5.
25. 5. 8. 25. 5. 6.
26. 5. 9. 26. 5. 7.
27. 5. 10. 27. 5. 8.
28. 5. 11. 28. 5. 8.
29. 6. 0. 29. 5. 9.
30. 6. 1. 30. 5. 10.
31. 6. 1. 31. 5. 11.
32. 6. 2. 32. 6. 0.
33. 6. 3. 33. 6. 0.
34. 6. 4. 34. 6. 1.
35. 6. 4. 35. 6. 2.
36. 6. 5. 36. 6. 2.
37. 6. 6. 37. 6. 3.
38. 6. 6. 38. 6. 4.
39. 6. 7. 39. 6. 5.
40. 6. 8. 40. 6. 5.
41. 6. 9. 41. 6. 6.
42. 6. 9. 42. 6. 6.
43. 6. 10. 43. 6. 7.
44. 6. 10. 44. 6. 8.
45. 6. 11. 45. 6. 8.
46. 7. 0. 46. 6. 9.
47. 7. 0. 47. 6. 9.
48. 7. 1. 48. 6. 10.
49. 7. 1. 49. 6. 10.
50. 7. 2. 50. 6. 11.
55. 7. 5. 55. 7. 2.
60. 7. 7. 60. 7. 4.
64. 7. 10. 64. 7. 6.

On dira ici en passant, qu’il est rare de rencontrer toûjours bien juste les proportions dont on vient de parler, parce que quelquefois la piece se trouvera trop évasée, ou le boulet ne sera pas rond, ou l’instrument dont on se servira ne sera pas fait dans toute la régularité qui est à desirer, ou l’officier n’aura pas l’intelligence nécessaire pour prendre ses mesures : & cela fait que souvent deux officiers calibreront différemment une même piece, mais la différence ne doit pas être considérable.

L’on trouvera, en faisant quelques inventaires, des boulets creux, des boulets à l’ange ou à chaîne, des boulets a deux têtes, des messagers, & d’autres boulets qui portent des noms extraordinaires. Comme toutes ces sortes de boulets ne sont pas présentement d’usage, j’en dirai peu de chose ; il suffit seulement de savoir, que ce qu’on appelle boulets creux sont certaines boîtes de fer longues, dont le diametre est du calibre d’une piece telle que l’on veut, & longues de deux calibres & demi ou environ. Ces boîtes sont véritablement creuses, & renferment de l’artifice & des balles de plomb, des clous, & de la mitraille de fer : l’on faisoit entrer dans ces boîtes, par le bout qui touchoit à la poudre dans l’ame de la piece, une fusée de cuivre entrant à vis dans un écrou, chargée comme celle des bombes, qui s’allumoit par le feu de la piece, & qui le portant ensuite à l’artifice de ces boîtes ou boulets creux, les obligeoit à crever dans l’endroit où ils tomboient ; ces boulets devoient faire un grand fracas ; & même l’effet d’une fougasse ou espece de mine aux endroits où ils seroient entrés. On observoit de ne mettre sur ce boulet que la moitié du fourrage ordinaire.

Un boulet creux du calibre de vingt-quatre, pesoit

en fer 60 liv.
Et chargé de plomb 79 liv.

Il contenoit 6 livres de poudre.

Sa fusée avoit de longueur 6 pouces ; son diametre par la tête 15 lignes, réduit par le bas à 10 lignes ; la lumiere 4 lignes de diametre. On frottoit la tête du boulet de terébenthine pour y faire tenir le poulverin, afin que le feu se communiquât plus promptement à la fusée.

Mais toutes les fois que l’on en a fait l’épreuve, ou ces boulets ont crevé en l’air, ou ils ne sont allés frapper la butte ou le blanc que par leur largeur & de travers, & non par leur pointe ; ou les fusées n’ont point pris, ou elles se sont éteintes ; & leur effet par conséquent est devenu entierement inutile.

Ce que l’on appelle boulets messagers, sont des boulets creux dont on se servoit autrefois pour porter des nouvelles dans une place de guerre, & l’on ne mettoit qu’une foible charge de poudre pour les faire tomber où l’on vouloit ; & ces sortes de boulets étoient pour l’ordinaire couverts de plomb, & la plûpart étoient de plomb sans mélange de fer.

Les boulets à l’ange, à chaine, & autres, étoient pour faire plus d’exécution, ou dans une ville ou dans un camp.

Mais quelques inventions que l’on ait imaginées jusqu’à présent, il en faut toûjours revenir à l’ancien usage, qui est le plus sûr & le moins embarrassant.

Un ancien officier d’artillerie a proposé pour la mer un boulet : ce boulet a deux têtes & est garni au milieu, de la même composition dont l’on charge les carcasses ; on l’enveloppe d’une toile ou drap soufré qui prend feu par celui du canon, & qui le porte dans les voiles des vaisseaux.

Ce boulet est percé à l’une des têtes pour y mettre la fusée qui a communication à la charge du canon, & le boulet avec son enveloppe tient lieu de fourrage, afin que la charge du canon se communique à la fusée du boulet. S. Remy, mem. d’Artillerie.

Boulets barrés, ce sont deux boulets, ou plûtôt deux moitiés de boulets jointes ensemble avec une barre de fer, qui servent à couper les mâts, les voiles, &c. chargés à mitraille. Voyez Mitraille.

Boulet coupé ou séparé, est une espece de boulet de canon dont on se sert quelquefois sur mer : pour en donner une idée, il faut s’imaginer un boulet de fer ou de plomb coupé en deux & creusé en dedans, & deux barres de fer qui forment les diametres de chaque demi boulet, & qui ont un trou au milieu où passe & s’attache une chaîne de fer longue de deux piés. Cette chaîne pouvant se racourcir, & entrer dans le creux des demi boulets, on les coule aisément dans le canon comme un simple boulet entier. Ces deux demi boulets, en sortant de la bouche du canon, se séparent & s’étendent de toute la longueur de la chaîne, volent en tournoyant, coupent les agrès des vaisseaux ennemis, & font un effet considérable. Cette sorte de boulet n’est point connu en France.

Boulet rouge, est un boulet qu’on fait rougir pour mettre le feu dans les maisons de la ville qu’on attaque.

On creuse une place en terre, & on y allume une grosse quantité de charbon de bois ou de terre.

On met dessus une forte grille de fer.

Quand ce feu est dans toute sa force, on met les boulets sur la grille, & ils y rougissent en très-peu de tems.

On a des tenailles ou des cuillieres de fer pour les prendre.

On les porte dans la piece qui n’en doit point être éloignée, après que l’on a mis de la terre glaise, s’il se peut, sur la poudre dont la piece est chargée, & qu’on l’a extrèmement refoulée avec le refouloir. On ne met point de fourrage sur le boulet. On met le feu promptement à la lumiere de la piece : le coup part, & partout où passe le boulet, s’il rencontre quelques matieres combustibles, il les allume, & il porte l’incendie.

Lorsque les tranchées sont devant les batteries de boulets rouges, on bourre la poudre avec du fourrage, parce que si on y mettoit de la terre glaise, les morceaux pourroient aller blesser & tuer les travailleurs.

Les boulets rouges ne se tirent qu’avec des pieces de huit & de quatre ; parce que si les pieces étoient d’un plus fort calibre, les boulets seroient trop difficiles à servir. S. Remy, Mem. d’Artillerie. (Q)

Boulet, (Maréchallerie.) jointure qui est à la jambe du cheval au dessous du paturon, qui tient lieu d’un second genou à la jambe du devant, & d’un second jarret à chaque jambe de derriere. Les entorses se font au boulet ; c’est au boulet que le cheval se coupe, c’est-à-dire, qu’il est entamé par le côté d’un de ses fers. Boulet qui suppure ; boulet gorgé, c’est-à-dire enflé. Il vient des crevasses au-dessous des boulets. Etre sur les boulets, est la même chose qu’être bouleté. Voyez Bouleté. (V)