L’Encyclopédie/1re édition/CARROUSEL

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 705-706).
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CARROUSEL, s. m. course de charriots & de chevaux, ou fête magnifique que donnent des princes ou des grands seigneurs dans quelque réjoüissance publique ; elle consiste en une cavalcade de plusieurs seigneurs superbement vêtus & équipés à la maniere des anciens chevaliers ; on se divise en quadrilles ; on se rend à quelque place publique : là se font des joûtes, des tournois, & d’autres exercices convenables à la noblesse. Voyez Joûte & Tournoi.

Ce mot vient de l’Italien carosello, diminutif de carro, charriot.

Tertullien attribue à Circé l’invention des carrousels ; il prétend qu’elle les institua en l’honneur du soleil, dont les Poëtes l’ont fait fille ; de sorte que quelques-uns croyent que ce mot vient de carrus solis.

Les Maures y introduisirent les chiffres & les livrées dont ils ornerent leurs armes & les housses de leurs chevaux, &c. Les Goths y ajoûterent l’usage des aigrettes & des cimiers, &c.

On distinguoit dans les carrousels plusieurs parties ; 1°. la lice ou le lieu où devoit se donner le combat, terminé par des barrieres à ses deux bouts, & garni dans toute sa longueur de chaque côté d’amphithéatres pour placer les dames & les principaux spectateurs ; 2°. le sujet qui est une représentation allégorique de quelqu’évenement fameux pris dans la fable ou dans l’histoire, & relatif au prince en l’honneur de qui se fait le carrousel ; 3°. les quadrilles ou la division des combattans en plusieurs troupes qui se distinguent par la forme des habits & par la diversité des couleurs, & prennent quelquefois chacune le nom d’un peuple fameux : ainsi dans un carrousel donné sous Louis XIV. il y avoit les quadrilles des Romains, des Perses, des Turcs, & des Moscovites ; 4°. l’harmonie soit militaire, soit douce, usitée dans ces sortes de fêtes ; 5°. outre les chevaliers qui composent les quadrilles, tous les officiers qui ont part au carrousel, comme le mestre de camp & ses aides, les hérauts, les pages, les estafiers, les parrains & les juges ; 6°. la comparse ou l’entrée des quadrilles dans la carriere, dont elles font le tour en ordre pour se faire voir aux spectateurs ; 7°. enfin les différentes especes de combats, qui sont de rompre des lances les uns contre les autres, de les rompre contre la quintane ou figure de bois ; de courre la bague, les têtes, de combattre à cheval l’épée à la main, & de faire la foule, c’est-à-dire, de courir les uns après les autres sans interruption. Ces combats qui tenoient de l’ancienne chevalerie, furent introduits en France à la place des joûtes & tournois sous le regne d’Henri IV : il y en a eu quelques-uns sous Louis XIV : mais ces divertissemens ont cessé d’être de mode. (G)