L’Encyclopédie/1re édition/CATIR

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 778-779).
◄  CATIN
CATISSOIRE  ►

CATIR, v. act. Les Tondeurs se servent de ce terme pour signifier une sorte d’apprêt qu’ils donnent aux étoffes de laine sous une presse, pour les rendre plus fermes & leur donner un plus bel œil.

Il y a deux manieres de catir les étoffes ; l’une à froid, & l’autre à chaud.

La premiere maniere de catir les étoffes qu’on appelle à froid, se fait de cette sorte. Après que l’étoffe a eu toutes ses façons, on la plie quarrément par plis égaux, en observant de mettre entre chaque pli une feuille de vélin ou de carton bien fin, ou bien lisse, & par-dessus le tout un plateau ou une planche quarrée ; puis on la place sous une presse que l’on serre bien fort par le moyen d’une vis que l’on fait descendre perpendiculairement sur le milieu du plateau à force de bras & de leviers. Lorsque l’étoffe est restée un tems suffisant sous la presse, & qu’on en a ôté les cartons ou vélins, l’on y fait quelques points d’aiguille avec de la menue ficelle ou du gros fil pour arrêter le manteau, c’est-à-dire, le côté du chef qui sert comme d’enveloppe ou de couverture à toute la piece pour empêcher qu’elle ne se déplie.

Il faut remarquer que quelques-uns ne se servent point de presse à vis pour catir à froid, se contentant seulement de mettre l’étoffe sur une table solide après l’avoir pliée & cartonnée ; ensuite ils mettent dessus le tout un plateau qu’ils chargent d’un poids plus ou moins fort.

Pour catir à chaud ; quand l’étoffe a reçu toutes ses façons, on la mouille, ce qui s’appelle donner une eau en Languedoc & dans quelques autres provinces ; on l’arrose avec de l’eau un peu gommée que l’on souffle dessus avec la bouche du côté de l’endroit ; ensuite on la plie & on la cartonne comme pour catir à froid ; & de six en six plis, & au-dessus du tout, on met une plaque de fer ou d’airain que l’on a bien fait chauffer dans un fourneau fait exprès : après cette opération, on met l’étoffe sous une presse, & l’on fait descendre dessus avec violence par le moyen d’une longue barre de bois une vis semblable à celle d’un pressoir à vin. On met sous cette presse jusqu’à cinq ou six pieces d’étoffe à la fois toutes cartonnées, & garnies de plaques de fer ou d’airain chaudes. Lorsque ces plaques sont refroidies, on retire les pieces de dessous la presse pour en ôter le carton, les plaques, & les pointer, ce qui se fait de la même maniere qu’en catissant à froid.

Cette derniere maniere de catir les étoffes est tout-à-fait mauvaise & pernicieuse, n’ayant été inventée par les Manufacturiers & ouvriers que pour couvrir les défauts de leurs étoffes, & s’exempter de leur donner tous les lainages & les teintures qui leur seroient nécessaires pour les rendre parfaites & d’une bonne qualité : aussi a-t-elle toujours été défendue par les ordonnances de nos rois.

Celle de Louis XII. donnée à Rouen le 20 Octobre 1508, art. 6. porte que les draps ne seront pressés ni à fer, ni airain.

Celle de Charles IX. donnée aux états d’Orléans en 1560, art. 147, défend de presser à fer d’airain.

Celle de Henry IV. donnée à Fontainebleau le 8 Juin 1601, fait défense de se servir de presse à fer.

Enfin l’arrêt du Conseil d’état du 3 Décembre 1697, sur ce que le reglement général des manufactures du mois d’Août 1669, ne rappelloit pas l’éxécution de ces anciens reglemens, a ordonné qu’ils seroient éxécutés, & fait défense aux manufacturiers, tondeurs, &c. d’avoir chez eux aucunes presses à fer, airain, & à feu, & de s’en servir pour presser aucune étoffe de laine ; & aux marchands de commander & d’exposer en vente aucunes étoffes pressées à chaud, sous les peines portées par ledit arrêt. Voyez l’article Draperie.

L’opération de catir est d’usage chez les Bonnetiers & chez d’autres ouvriers en laine.

Catir, en terme de Doreur, c’est appliquer l’or dans les filets comme ailleurs, au moyen du catissoir qu’on appuie sur du coton ou du linge très-fin. Voyez Catir, & la fig. 12 Pl. du Doreur.