L’Encyclopédie/1re édition/CHAMBELLAN

La bibliothèque libre.

CHAMBELLAN, s. m. (Hist.) officier de la cour d’un souverain, dont la charge concerne principalement la chambre du prince, mais dont les fonctions varient suivant l’étiquette & le cérémonial des différentes cours. Il y en avoit autrefois plusieurs à la cour de nos rois, & dans les cours étrangeres ; mais on leur a substitué les gentilshommes ordinaires de la chambre, ou simplement gentilshommes ordinaires. Ce fut François I. qui les établit. Voyez Gentilshommes ordinaires.

Les rois de Perse avoient leur chambellan ; & il est mention dans les actes des apôtres d’un chambellan d’Hérode. Les empereurs Romains du haut & du bas empire, avoient aussi de semblables officiers, sous le titre de præpositi cubiculi ; & les derniers empereurs Grecs de Trébisonde ont conservé ce titre dans leur cour. Voyez ci-après Grand-Chambellan.

Chambellan, (grand) s. m. Hist. mod. en France, est un des grands officiers de la couronne qui a la surintendance sur tous les officiers de la chambre du roi.

Sa principale fonction étoit, dit-on, de coucher dans la chambre du roi, au pié du lit de sa majesté, lorsque la reine n’y étoit pas, comme on le remarque aux états des rois Philippe-le-bel & Philippe-le-long : c’est pourquoi aux lits de justice & à l’assemblée des états, le grand chambellan devoit gésir (c’est l’ancien terme) c’est-à-dire être couché aux piés du throne de nos rois.

Le grand chambellan, ou premier chambellan (car on a appellé aussi les valets-de-chambre du roi chambellans) étoit inférieur au grand chambrier : mais l’office de grand chambrier, après avoir beaucoup perdu de ses anciennes prérogatives, a enfin été supprimé par François I. en 1545. Voyez Chambrier.

Quand le roi s’habille, le grand chambellan lui donne sa chemise ; honneur qu’il ne cede qu’aux princes du sang & aux fils de France. Au sacre du roi il lui chausse ses bottines, & le revêt de la dalmatique & du manteau royal. Dans les autres cérémonies il a son siége derriere le throne ou fauteuil du roi, excepté au lit de justice, où il est assis aux piés de sa majesté sur un carreau de velours violet, couvert de fleurs-de-lis d’or. Lorsque le roi est décédé, il ensevelit le corps, étant accompagné des gentilshommes de la chambre. Les marques de sa dignité sont deux clés d’or, dont l’anneau se termine en couronne royale, passées en sautoir derriere l’écu de ses armes. On croit que cette charge est en France la plus ancienne charge de la couronne. Grégoire de Tours, & plusieurs autres historiens, parlent des chambellans & grands chambellans de nos rois sous la premiere & la seconde race. Mais on en a une suite bien complette depuis Gautier, seigneur de la Chapelle & de Nemours, qui remplissoit cette charge sous Louis-le-jeune & Philippe Auguste en 1200, jusqu’à Charles Godefroi de la Tour duc de Bouillon, qui la possede aujourd’hui. On compte quarante-deux grands chambellans. Le duc de Bouillon est le quatrieme de sa maison, dans laquelle cette charge est depuis 90 ans. C’est ce qu’on peut voir dans l’Histoire des grands officiers de la couronne.

Cette charge avoit autrefois beaucoup plus de prérogatives qu’elle n’en a aujourd’hui : le grand chambellan étoit du conseil privé ; il portoit le scel secret du roi ; & par ordonnance du roi Philippe-le-long, régent du royaume en 1316, il est dit que le grand chambellan ne pourra sceller ni signer lettres de justice, ni de bénéfice, ni aucune autre chose, sinon lettres d’état, ou mandement de venir. Il étoit exempt de payer les droits du scel royal, comme on le remarque dans une ordonnance du roi Charles VI. de l’an 1386. Il tenoit la clé du thrésor particulier, c’est-à-dire de la cassette. Tout vassal tenant son fief en hommage du roi, aussi bien que les évêques & abbés nouvellement pourvûs, devoient une certaine somme d’argent au grand chambellan & autres chambellans, comme il est porté dans l’ordonnance de Philippe III. ou le hardi, de l’an 1272 : aux hommages qui se faisoient à la personne du roi, le grand chambellan étoit à son côté, & avoit pouvoir de dire par écrit ou de bouche au vassal, ce qu’il devoit au roi comme son seigneur ; & après que le vassal avoit dit voire, oui, le grand chambellan parloit pour le roi, & marquoit que le roi le recevoit ; ce que le roi approuvoit. C’est ce que fit le vicomte de Melun, grand chambellan, à l’hommage du duché de Guienne, fait à Amiens en 1330 par le roi d’Angleterre Edouard III. au roi Philippe de Valois. Jean de Melun, comte de Tancarville, grand chambellan, fit la même chose lorsque Jean de Montfort, duc de Bretagne, fit hommage de son duché au roi Charles V. Jean bâtard d’Orléans, comte de Dunois, grand chambellan, continua la même fonction lorsque Pierre duc de Bretagne fit hommage au roi Charles VII. de son duché.

Le grand chambellan a long-tems prétendu avoir jurisdiction, mais elle lui fut ôtée par arrêt. Seul il avoit droit de porter manteau & chapeau ; l’un & l’autre lui étoient donnés chaque année aux dépens du roi ; au lieu que les autres chambellans n’en portoient pas. Les comtes de Tancarville, & après eux les ducs de Longueville issus du bâtard d’Orléans, ont prétendu que la charge de grand chambellan étoit héréditaire dans leur postérité ; mais ce fut une simple prétention sans titre. Cet article est de M. l’abbé Lenglet Dufrénoy & de M. l’Abbé Mallet.