L’Encyclopédie/1re édition/CHANTRE

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CHANTRE, s. m. ecclésiastique, ou séculier qui porte alors l’habit ecclésiastique, appointé par les chapitres pour chanter dans les offices, les récits, ou les chœurs de musique, &c. On ne dit jamais chanteur, que lorsqu’il s’agit du chant profane ; (Voyez Chanteur. ) & on ne dit jamais chantre, que lorsqu’il s’agit du chant d’église. Les chantres de la musique des chapitres sont soûmis au grand-chantre, qui est une dignité ecclésiastique : ils exécutent les motets, & chantent le pleinchant, &c. On donnoit autrefois le nom de chantres aux musiciens de la chapelle du roi : ils s’en offenseroient aujourd’hui ; on les appelle musiciens de la chapelle.

Ceux mêmes des chapitres qui exécutent la musique, ne veulent point qu’on leur donne ce nom ; ils prétendent qu’il ne convient qu’à ceux qui sont pour le pleinchant, & ils se qualifient musiciens de l’église dans laquelle ils servent : ainsi on dit les musiciens de Notre-Dame, de la sainte-Chapelle ; &c.

Pendant le séjour de l’empereur Charlemagne à Rome en l’an 789, les chantres de sa chapelle qui le suivoient ayant entendu les chantres Romains, trouverent leur façon de chanter risible, parce qu’elle différoit de la leur, & ils s’en moquerent tout haut sans ménagement : ils chanterent à leur tour ; & les chantres Romains, aussi adroits qu’eux pour le moins à saisir & à peindre le ridicule, leur rendirent avec usure toutes les plaisanteries qu’ils en avoient reçues.

L’empereur qui voyoit les objets en citoyen du monde, & qui étoit fort loin de croire que tout ce qui étoit bon sur la terre fut à sa cour, les engagea les uns & les autres à une espece de combat de chant, dont il voulut être le juge ; & il prononça en faveur des Romains. Le P. Daniel, hist. de Fr. tome I. p. 472.

On voit par-là combien les François datent de loin en fait de préventions & d’erreurs sur certains chapitres : mais un roi tel que Charlemagne n’étoit pas fait pour adopter de pareilles puérilités ; il semble que cette espece de feu divin qui anime les grands hommes, épure aussi leur sentiment, & le rend plus fin, plus délicat, plus sûr que celui des autres hommes. Personne dans le royaume ne l’avoit plus exquis que Louis XIV. le tems a confirmé presque tous les jugemens qu’il a portés en matiere de goût.

On dit chantre, en Poésie, pour dire poëte : ainsi on désigne Orphée sous la qualification de chantre de la Thrace, &c. On ne s’en sert que rarement dans le style figuré, & jamais dans le simple. (B)

Chantre, s. m. (Jurispr.) en tant que ce terme signifie un office ou bénéfice, est ordinairement une des premieres dignités d’un chapitre. Le chantre a été ainsi nommé par excellence, parce qu’il est le maître du chœur.

Dans les actes latins il est nommé cantor, præcentor, choraules. Le neuvieme canon du concile de Cologne, tenu en 1620, leur donne le titre de chorévêques, comme étant proprement les evêques ou intendans du chœur. Voyez tome XI. des conciles, p. 789. Le concile tenu en la même ville en 1536, canon iij. leur donne le même tire : cantores qui & chorepiscopi, tome XIV. des conciles, p. 510. Dans la plûpart des cathédrales & collégiales, le chantre en dignité est surnommé grand-chantre, pour le distinguer des simples chantres ou choristes à gages.

Le concile de Mexique tenu en 1585, ch. v. regle les fonctions du chantre, & dit qu’il doit faire mettre toutes les semaines dans le chœur un tableau où l’ordre du service divin soit marqué.

Le chantre porte la chape & le bâton cantoral dans les fêtes solennelles, & donne le ton aux autres en commençant les pseaumes & les antiennes ; tel est l’usage de plusieurs églises ; & Choppin dit que c’est un droit commun, de sacr. polit. lib. I. tit. iij. n. 10.

Il porte dans ses armes un bâton de chœur, pour marque de sa dignité. Dans quelques chapitres où il est le premier dignitaire, on l’appelle en latin primicerius ; & dans quelques autres on lui donne en françois le titre de précenteur, du latin præcentor.

C’étoit lui anciennement qui dirigeoit les diacres & les autres ministres inférieurs, pour le chant & les autres fonctions de leurs emplois.

Dans le chapitre de l’église de Paris, le chantre, qui est la seconde dignité, a une jurisdiction contentieuse sur tous les maîtres & maîtresses d’école de cette ville. Cette jurisdiction est exercée par un juge, un vicegérent, un promoteur, & autres officiers nécessaires. L’appel des sentences va au parlement. M. le chantre a aussi un jour marqué dans l’année auquel il tient un synode pour tous les maîtres & maîtresses d’école de cette ville.

La jurisdiction contentieuse du chantre de l’église de Paris a été confirmée par plusieurs arrêts, des 4 Mars, 28 Juin 1685, 19 Mai 1628, 10 Juillet 1632, 29 Juillet 1650, 5 Janvier 1665, 31 Mars 1683. Voy. les mém. du clergé, édit de 1716, tome I. p. 1049 & suiv.

Les Ursulines ne sont pas soûmises à sa jurisdiction. Ibid.

Il y a eu aussi arrêt du 25 Mai 1666 pour les curés de Paris contre M. le chantre, au sujet des écoles de charité. Voyez le recueil de Decombes greffier de l’officialité, part. II. ch. v. p. 805.

Dans quelques églises, le chantre est la premiere dignité ; dans d’autres il n’est que la seconde, troisieme ou quatrieme, &c. cela dépend de l’usage de chaque église. Voyez le trait. des mat. bénéfic. de Fuet, liv. II. ch. jv. (A)