L’Encyclopédie/1re édition/CHIMERE

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CHIMERE, s. f. (Myth.) monstre fabuleux qui, selon les Poëtes, avoit la tête & le cou d’un lion, le corps d’une chevre, & la queue d’un dragon, & qui vomissoit des tourbillons de flamme & de feu. Bellérophon monté sur le cheval Pégase combattit ce monstre & le vainquit.

Le fondement de cette fable est qu’il y avoit autrefois en Lycie une montagne dont le sommet étoit desert, & habité seulement par des lions ; le milieu rempli de chevres sauvages ; & le pié marécageux, plein de serpens ; ce qui a fait dire à Ovide :

Mediis in partibus hircum,
Pectus & ora leæ, caudam serpentis habebat.

Bellérophon donna la chasse à ces animaux, en nettoya le pays, & rendit utiles les pâturages qu’ils infestoient auparavant ; ce qui a fait dire qu’il avoit vaincu la chimere. D’autres prétendent que cette montagne étoit un volcan ; & Pline même assûre que le feu qui en sortoit s’allumoit avec de l’eau, & ne s’éteignoit qu’avec de la terre ou du fumier ; que Bellérophon trouva le moyen de la rendre habitable ; d’où les Poëtes ont pris occasion de le chanter comme vainqueur de la chimere.

M. Freret donne une autre explication à cette fable : il prétend que par la chimere il faut entendre des vaisseaux de pyrates Solymes qui ravageoient les côtes de la Lycie, & qui portoient à leurs proues des figures de boucs, de lions, & de serpens ; que Bellérophon monté sur une galere qui portoit aussi à sa proue la figure d’un cheval, défit ces brigands.

Et selon M. Pluche, dans l’histoire du ciel, cette chimere composée d’une tête de lion, d’un corps de chevre, & d’une queue de serpent, n’étoit autre chose que la marque ou l’annonce du tems ou l’on faisoit les transports de blé & de vin, savoir, depuis l’entrée du soleil dans le signe du lion, jusqu’à son entrée dans celui du capricorne. Cette annonce de provisions nécessaire étoit agréable aux Lyciens, que les mauvaises nourritures & la stérilité de leur pays obligeoient de recourir à l’étranger. Bellérophon & son cheval aîlé, ajoûte-t-il, ne sont qu’une barque, ou le secours de la navigation qui apportoit à la colonie Lycienne des rafraîchissemens & des nourritures saines. Hist. du ciel, tome l. p. 317. (G)