L’Encyclopédie/1re édition/CHORÉGRAPHIE

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CHORÉGRAPHIE, s. f. ou l’art d’écrire la danse comme le chant, à l’aide de caracteres & de figures démonstratives : c’est un de ceux que les anciens ont ignorés, ou qui n’a pas été transmis jusqu’à nous. Aucun auteur connu n’en fait mention avant le dictionnaire de Furetiere : il y est parlé d’un traité curieux fait par Thoinet Arbeau, imprimé à Langres en 1588, intitulé Orchésographie. Thoinet Arbeau est le premier & peut-être le seul qui ait pensé à transmettre les pas de la danse avec les notes du chant : mais il n’a pas été fort loin. Son idée est la chose qui mérite le plus d’éloge. Il portoit l’air-sur des lignes de musique à l’ordinaire, & il écrivoit au-dessus de chaque note les pas qu’il croyoit qu’on devoit exécuter : quant au chemin qu’il convenoit de suivre, & sur lequel ces pas devoient être exécutés successivement, ou il n’en dit rien, ou il l’explique à-peu-près en discours. Il ne lui vint point en pensée d’en faire la figure avec des lignes, de diviser ces lignes par des portions égales correspondantes aux mesures, aux tems, aux notes de chaque tems ; de donner des caracteres distinctifs à chaque mouvement, & de placer ces caracteres sur chaque division correspondance des lignes du chemin, comme on a fait depuis.

L’ordre que nous suivrons dans cet article est donc déterminé par l’exposition même de l’art. Il faut commencer par l’énumération des mouvemens, passer à la connoissance des caracteres qui désignent ces mouvemens, & finir par l’emploi de ces caracteres, relatif au but qu’on se propose, la conservation de la danse.

Dans la danse on se sert de pas, de pliés, d’élevés, de sauts, de cabrioles, de tombés, de glissés, de tournemens de corps, de cadences, de figures, &c.

La position est ce qui marque les différentes situations des piés posés à terre.

Le pas est le mouvement d’un pié d’un lieu à un autre.

Le plié est l’inflexion des genoux.

L’élevé est l’extension des genoux pliés ; ces deux mouvemens doivent toûjours être précédés l’un de l’autre.

Le sauté est l’action de s’élancer en l’air, ensorte que les deux piés quittent la terre : on commence par un plié, on étend ensuite avec vîtesse les deux jambes ; ce qui fait élever le corps qui entraîne après lui les jambes.

La cabriole est le battement des jambes que l’on fait en sautant, lorsque le corps est en l’air.

Le tombé est la chûte du corps, forcée par son propre poids.

Le glissé est l’action de mouvoir le pié à terre sans la quitter.

Le tourné est l’action de mouvoir le corps d’un côté ou d’un autre.

La cadence est la connoissance des différentes mesures & des endroits de mouvement le plus marqués dans les airs.

La figure est le chemin que l’on suit en dansant.

La salle ou le théatre est le lieu où l’on danse : il est ordinairement quarré ou parallélogramme, comme on voit en ABCD, figure prem. de Chorégraphie. AB est le devant ou le vis-à-vis des spectateurs placés en M ; BD, le côté droit ; & AC, le côté gauche : CD est le fond du théatre ou le bas de la salle.

La présence du corps, qui a quatre combinaisons différentes par rapport aux quatre côtés de la salle, est désignée dans la Chorégraphie par les caracteres qu’on voit dans la même figure ; a est le devant du corps, d le dos, c le bras droit, & b le bras gauche. Dans la premiere de ces quatre sortes de présence, le corps est vis-à-vis le haut AB de la salle ; dans la seconde, il regarde le bas CD ; dans la troisieme, il est tourné du côté droit BD ; & dans la quatrieme, il regarde le côté gauche AC.

Le chemin est la ligne qu’on suit : cette ligne peut être droite, courbe, & doit prendre toutes les inflexions imaginables & correspondantes aux différens desseins d’un compositeur de ballet.

Des positions. Il y a dix sortes de positions en usage ; on les divise en bonnes & en fausses. Dans les bonnes positions qui sont au nombre de cinq, les deux piés sont placés régulierement, c’est-à-dire que les pointes des piés soient tournées en-dehors.

Les mauvaises se divisent en régulieres & en irrégulieres ; elles different des bonnes en ce que les pointes des piés sont ou toutes deux en-dedans ; ou que s’il y en a une en-dehors, l’autre est toûjours en-dedans.

Cette figure ! marquera celle du pié.

La partie faite comme un o représente le talon ; le commencement de la queue joignant le zéro, la cheville ; & son extrémité, la pointe du pié.

Dans la premiere des bonnes positions, les deux piés sont joints ensemble les deux talons l’un contre l’autre. Voyez la fig. 2. & 3. A est le pié gauche, B le pié droit ; on connoîtra ce pié par le petit crochet m, fig. 4. qui est tourné à droite ; & l’autre, par un petit crochet semblable n, qui est tourné à gauche : c’est la position de l’homme. La position de la femme s’en distinguera par un autre demi-cercle concentrique au premier, comme on le voit fig. 3.

Dans la deuxieme, les deux piés sont ouverts sur une même ligne ; ensorte que la distance entre les deux talons est de la longueur d’un pié. Voyez fig. 5.

Dans la troisieme, le talon d’un pié est contre la cheville de l’autre. Voyez fig. 6.

Dans la quatrieme, les deux piés sont l’un devant l’autre, éloignés de la distance du pié entre les deux talons qui sont sur une même ligne. Voyez fig. 7.

Dans la cinquieme, les deux piés sont croisés l’un devant l’autre ; ensorte que le talon d’un pié est directement vis-à-vis la pointe de l’autre. Voy. fig. 8.

Dans la premiere des fausses positions, qui sont de même au nombre de cinq, les deux pointes des piés se touchent, & les talons sont ouverts sur une même ligne. Voyez fig. 9.

Dans la seconde, les piés sont ouverts de la distance de la longueur du pié entre les deux pointes qui sont toutes deux tournées en-dedans, & les deux talons sont ouverts sur une même ligne. Voy. fig. 10.

Dans la troisieme, la pointe d’un pié est tournée en-dehors & l’autre en-dedans ; ensorte que les deux piés soient paralleles l’un à l’autre. Voyez fig. 11.

Dans la quatrieme, les deux pointes des piés sont tournées en-dedans ; mais la pointe d’un pié est proche de la cheville de l’autre. Voyez fig. 12.

Dans la cinquieme, les deux pointes des piés sont tournées en-dedans ; mais le talon d’un pié est vis-à-vis la pointe de l’autre. Voyez fig. 13.

Du pas. Quoique le nombre des pas dont on se sert dans la danse soit presque infini, on les réduit néanmoins à cinq, qui peuvent démontrer toutes les différentes figures que la jambe peut faire en marchant ; ces cinq pas sont le pas droit, le pas ouvert, le pas rond, le pas tortillé, & le pas battu.

Les traits de la figure 14. désigneront le pas ; la tête A indiquera où est le pié avant que de marcher, la ligne AB, la grandeur & la figure du pas ; & la ligne BC, la position du pié à la fin du pas : on distinguera qu’il s’agit du pié droit ou du pié gauche, selon que la ligne BC sera inclinée à droite ou à gauche de la ligne du chemin.

On connoîtra à la tête A du pas sa durée : si elle est blanche, elle équivaudra à une blanche de l’air sur lequel on danse ; si elle est noire, elle équivaudra à une noire du même air ; si c’est une croche, la tête ne sera tracée qu’à moitié en forme de c.

Dans le pas droit, le pié marche sur une ligne droite : il y en a de deux sortes, l’un en avant, l’autre en arriere. Voyez fig. 15. & 16.

Dans le pas ouvert, la jambe s’ouvre : il y en a de trois sortes, l’un en-dehors, l’autre en-dedans en arc de cercle, & le troisieme à côté qu’on peut appeller pas droit, parce que sa figure est droite. Voyez les fig. 17. 18. 19.

Dans le pas rond, le pié en marchant fait une figure ronde : il y en a de deux sortes, l’un en-dehors, l’autre en-dedans. Voyez les fig. 20. & 21.

Dans le pas tortillé, le pié en marchant se tourne en-dedans & en-dehors alternativement : il y en a de trois sortes, l’un en avant, l’autre en arriere, le troisieme à côté. Voyez les fig. 22. 23. 24.

Dans le pas battu, la jambe ou le pié vient battre contre l’autre : il y en a de trois sortes, l’un en avant, l’autre en arriere, & le troisieme de côté. Voyez les fig. 25. 26. 27.

On pratique en faisant les pas plusieurs agrémens, comme plié, élevé, sauté, cabriolé, tombé, glissé, avoir le pié en l’air, poser la pointe du pié, poser le talon, tourner un quart de tour, tourner un demi-tour, tourner trois quarts de tour, tourner le tour en entier, &c.

Le plier se marque sur le pas par petit tiret panché du côté de la tête du pas, comme on voit fig. 28.

L’élever se marque sur le pas par un petit tiret perpendiculaire. Voyez la figure 29.

Le sauter, par deux tirets perpendiculaires. Voy. la fig. 30.

Le cabrioler, par trois. Voyez la fig. 31.

Le tomber, par un autre tiret placé au bout du premier, parallele à la direction du pas, & tourné vers la pointe du pié. Voyez la fig. 32.

Le glisser, par une petite ligne parallele à la direction du pas, & coupée par le tiret en deux parties, dont l’une va vers la tête & l’autre vers le pié. fig. 33.

Dans le pié en l’air, le pas est tranché comme dans la fig. 34.

Dans le poser la pointe du pié sans que le corps y soit porté, il y a un point directement au bout de la ligne qui représente le pié comme dans la fig. 35.

Dans le poser le talon sans que le corps y soit porté, il y a un point directement derriere, ce qui représente le talon. Voyez la fig. 36.

Le tourner un quart de tour, se marque par un quart de cercle. Voyez la fig. 37.

Le tourner un demi-tour, par un demi-cercle. Voyez fig. 38.

Le tourner trois quarts de tour, par les trois quarts de la circonférence d’un cercle. Voyez fig. 39.

Le tourner un tour entier, par un cercle entier. Voyez fig. 40.

Lorsqu’il y a plusieurs signes sur un pas, on exécute les mouvemens qu’ils représentent les uns après les autres, dans le même ordre où ils sont placés, à commencer par ceux qui sont les plus près de la tête du pas, qu’il faut considérer divisés en trois parties ou tems. On fait dans le premier tems les mouvemens qui sont marqués sur la premiere partie du pas : dans le second, ceux qui sont placés sur le milieu : & dans le troisieme, ceux qui sont placés à la fin. Ainsi quand il y a un signe plié au commencement du pas, il signifie qu’il faut plier avant de marcher. De même des autres.

Les sauts se peuvent exécuter en deux manieres ; ou l’on saute des deux piés à la fois, ou l’on saute en marchant d’un pié seulement. Les sauts qui se font des deux piés à la fois, seront marqués sur les positions, comme il sera démontré dans l’exemple ci-après ; au lieu que les sauts qui se font en marchant, se marquent sur les pas.

Le pas sauté se fait de deux manieres ; ou l’on saute & retombe sur la jambe qui marche, ou l’on saute & retombe sur l’autre jambe.

S’il y a un signe sauté sur un pas, & point de signe en l’air après, c’est une marque que le saut se fait sur la jambe même qui marche ; s’il y a un signe en l’air, c’est une marque que le saut se fait sur l’autre jambe que celle qui marche.

La danse, de même que la musique, est sans agrément si la mesure n’est rigoureusement observée.

Les mesures sont marquées dans la danse par de petites lignes qui coupent le chemin ; les intervalles du chemin compris entre ces lignes, sont occupés par les pas, dont la durée se connoît par les têtes blanches, noires, croches, &c. qui montrent que les pas doivent durer autant de tems que les notes de la musique placées au-dessus de la figure de la danse. Voy. l’exemple. Ainsi un pas dont la tête est blanche, doit durer autant qu’une blanche de l’air sur lequel on danse ; & un pas dont la tête est noire, doit durer autant qu’une noire du même air. Les positions marquent de même par leurs têtes, les tems qu’elles doivent tenir.

Il y a trois sortes de mesures dans la danse ; la mesure à deux tems, la mesure à trois tems, & la mesure à quatre tems.

La mesure à deux tems comprend les airs de gavotte, gaillarde, bourrée, rigaudon, gigue, canarie, &c.

La mesure à trois tems comprend les airs de courante, sarabande, passacaille, chacone, menuet, passe-pié, &c.

La mesure à quatre tems comprend les airs lents, comme par exemple l’entrée d’Apollon, de l’opéra du Triomphe de l’amour, & les airs de Loure.

Quand il faudra laisser passer quelques mesures de l’air sans danser, soit au commencement ou au milieu d’une danse, on les marquera par une petite ligne qui coupera le chemin obliquement : il y aura autant de ces petites lignes que de mesures ; une demi mesure sera marquée par une demi-ligne oblique ; ainsi le repos marqué fig. 41. est de trois mesures & demie. Lorsqu’on aura un plus grand nombre de mesures de repos, comme par exemple dix, on les désignera par des bâtons qui en vaudront chacun quatre. Voyez la fig. 42. Les tems, demi-tems & quarts de tems, se marqueront par un soûpir, un demi-soûpir, & un quart de soûpir, comme dans la musique.

Aux airs qui ne commencent pas en frappant, c’est-à-dire où il y a des notes dans la premiere mesure sur lesquelles on ne danse point ordinairement, comme aux airs de gavotte, chacone, gigue, loure, bourrée, &c. on marquera la valeur de ces notes au commencement. Voyez l’explication de l’exemple ci-après.

Les figures des danses se divisent naturellement en deux especes, que les maîtres appellent régulieres & irrégulieres.

Les figures régulieres sont celles où les chemins des deux danseurs font symmétrie ensemble ; & les irrégulieres, sont celles où ces mêmes chemins ne font pas de symmétrie.

Il y a encore dans la danse des mouvemens des bras & des mains, ménagés avec art.

Les mains sont marquées par ces caracteres représentés fig. 43. le premier est pour la main gauche, & le second pour la main droite ; on place celui qui représente la main droite, à droite du chemin, & le second à gauche. On observera, quand on aura donné une main ou les deux, de ne point quitter qu’on ne trouve les mêmes signes tranchés. Voyez la fig. 44. A représente la femme, B l’homme auquel la femme A donne la main gauche, qu’il reçoit dans sa droite : ils marchent ensemble tout le chemin ADBC, à la fin duquel ils se quittent ; ce qui est marqué par les mains qui sont tranchées.

Les différens ports des bras & leurs mouvemens, sont marqués par les signes suivans. A, B, C, fig. 45. marque le bras droit ; le même signe, fig. 46. tourné de l’autre côté, marque le bras gauche. A marque l’épaule, B le coude, & C le poignet. Pour placer les bras sur le chemin, on distinguera les endroits où on va en avant & en arriere, de ceux où l’on va de côté ; à ceux où on va en avant & en arriere, on marquera les bras aux deux côtés du chemin, le bras droit du côté droit, & le bras gauche du côté gauche ; à ceux où l’on va de côté, on les marquera dessus & dessous, observant toûjours que celui qui est à droite est le bras droit, & celui qui est à gauche est le bras gauche.

Exemples des différentes attitudes des bras.

45 & 46, le bras étendu.

47, le poignet plié.

48, le bras plié.

49, le bras devant soi en hauteur.

50, les deux bras ouverts.

51, le bras gauche ouvert, & le droit plié au coude.

52, le bras gauche ouvert, & le droit tout-à-fait fermé.

53, les deux bras ouverts.

54, le bras gauche ouvert, & le droit fermé du coude.

55, le bras droit ouvert, & le gauche tout-à-fait fermé.

Exemples des mouvemens de bras.

56, mouvement du poignet de bas en-haut.

57, mouvement du coude de bas en-haut.

58, mouvement de l’épaule de bas en-haut.

59, mouvement du poignet de haut en-bas.

60, mouvement du coude de haut en-bas.

61, mouvement de l’épaule de haut en-bas.

62, rond du poignet de bas en-haut.

63, rond du coude de bas en-haut.

64, rond de l’épaule de bas en-haut.

65, rond du poignet de haut en-bas.

66, rond du coude de haut en-bas.

67, rond de l’épaule de haut en-bas.

68, rond du poignet de bas en-haut.

69, rond du coude de bas en-haut.

70, rond de l’épaule de bas en-haut.

71, double mouvement du poignet de bas en-haut, & de haut en-bas.

72, double mouvement du coude.

73, double mouvement de l’épaule.

Les bras peuvent agir tous deux en même tems ou l’un après l’autre. On connoîtra quand les deux bras agissent tous deux en même tems par une liaison allant de l’un à l’autre. Voy. la fig. 74. qui marque que les deux bras agissent en même tems, & par mouvement semblable ; la fig. 75. marque aussi que les deux bras agissent en même tems, mais par mouvement contraire.

Si les deux bras n’ont pas de liaison, c’est une marque qu’ils doivent agir l’un après l’autre. Le premier est celui qui précede : ainsi dans l’exemple fig. 76. le bras droit, qui est le plus près de la position, agit le premier.

Explication des cinq premieres mesures du Pas de deux lutteurs, dansé par MM. Dupré & Javiliers dans l’opéra des fêtes Greques & Romaines, représentées dans la derniere Planche de Chorégraphie.

On a observé dans cet exemple la valeur des tems que les pas tiennent ; cette valeur est marquée par les têtes des mêmes pas, ainsi qu’il est expliqué ci-dessus : on y a joint la tablature de l’air sur lequel ce pas de deux a été exécuté : on a marqué les mesures par les chiffres 1, 2, 3, &c. afin de pouvoir les désigner plus facilement. Celles de la Chorégraphie sont de même marquées par des chiffres placés vis-à-vis des lignes qui séparent les mesures ; ainsi depuis 0 jusqu’au chiffre 1, c’est la premiere mesure ; depuis le chiffre 1 jusqu’au chiffre 2, c’est la seconde ; ainsi des autres.

Il faut aussi observer que, dans l’exemple proposé, les chemins des deux danseurs font symmétrie dans plusieurs parties ; ainsi ayant expliqué pour un, ce sera dans les parties comme si on l’avoit fait pour tous les deux. Dans les autres parties où les chemins des deux danseurs ne font point symmétrie, & où leurs mouvemens ne sont point semblables & coexistans, nous les expliquerons séparément, désignant l’un des danseurs par la lettre A, & l’autre par la lettre B.

Avant toute chose il faut expliquer par un exemple ce que nous entendons par des chemins symmétriques. Soient donc les deux lettres pp, elles sont semblables, mais elles ne font point symmétrie ; retournons une de ces lettres en cette sorte qp ou pq, elles feront symmétrie : ainsi la symmétrie est une ressemblance de figure & une dissemblance de position. ΒΣΥ est semblable à ΒΣΥ, mais symmétrique avec ΒΣΥ ; il suffit de les mettre vis-à-vis l’un de l’autre ΒΣΥ ΒΣΥ pour s’en appercevoir. Enfin, si on souhaite un autre exemple, la contre-épreuve d’une estampe, ou la planche qui a servi à l’imprimer, font symmétrie ensemble ; ainsi que la forme de caracteres qui a servi à imprimer cette feuille, faisoit symmétrie avec la feuille que le lecteur a présentement sous les yeux. Ceci bien entendu, il est facile de comprendre que si le danseur A, Planc. II. fig. prem. placé vis-à-vis de celui qui est en B, part du pié gauche, ce dernier doit partir du pié droit : c’est en effet ce que l’on observe dans cet exemple. Ainsi comme nous n’expliquerons pour les parties symmétriques que la tablature du danseur A, il faudra pour avoir celle du danseur B changer les mots droit en gauche & gauche en droit.

Les deux danseurs commencent par la quatrieme position ; le danseur A fait du pié gauche un pas droit en avant : ce pas doit durer une noire ou quart de mesure ; il est suivi d’un semblable pas fait par le pié droit, qui vaut aussi une noire, comme on le connoît par sa tête qui est noire ; le troisieme pas est du pié gauche, & dure seulement une croche, ainsi qu’on le connoît par sa tête crochue : il est chargé de deux signes, le plié au commencement du pas, & l’élevé à la fin ; le quatrieme qui est du pié droit, vaut aussi une croche, & le suivant une noire : ce qui fait en tout quatre noires, & épuise la premiere mesure de l’air à deux tems notés au-dessus. Tous les pas de cette mesure sont des pas droits en avant.

La seconde mesure 1, 2, est occupée dans l’air par les notes re fa ♯ sol ; la premiere est une blanche pointée, & les deux dernieres des croches ; & dans la danse elle est occupée par des positions & des pas. La premiere position où on arrive à la fin de la premiere mesure, est la troisieme ; elle est affectée des signes plié & cabriolé, & de celui de tourner un quart de tour, ce qui met la présence du corps vis-à-vis le haut de la salle de cette position qui vaut une noire : on retombe à la quatrieme, le pié droit en l’air ; ce pié fait ensuite un pas ouvert de côté qui dure aussi une noire : le pas suivant qui est du pié gauche, dure une croche ; il est affecté du signe plié au commencement, & du signe en l’air, suivi de celui de tourner un quart de tour à gauche, qui remet la présence du corps comme elle étoit au commencement ; & ensuite du sauté, à la fin duquel on retombe à la quatrieme position, le pié droit en l’air, qui fait un pas ouvert de côté, lequel n’est point compté dans la mesure, parce que sa tête se confond avec celle de la position, & qu’il n’est qu’une suite du sauté. Le pié restant en l’air ainsi, le corps est porté sur l’autre jambe : elle ne pourra marcher que le premier ne soit posé à terre en tout ou en partie, c’est-à-dire seulement sur le talon ou la pointe du pié ; dans la figure, c’est la pointe du pié qui porte à terre. Le pié gauche fait un pas droit en avant, lequel vaut une croche ; il est suivi du signe de repos ou quart de soûpir, qui avec les pas que nous avons expliqués, acheve de remplir la mesure.

La mesure suivante 2, 3, est remplie par trois pas qui valent chacun une noire.Le premier qui est du pié droit, a le signe en l’air au commencement ; il est suivi de la premiere position affectée du signe plié & sauté sur le pié gauche, pour marquer que le saut se fait sur cette jambe, l’autre étant en l’air ; ensuite est un soûpir qui vaut une noire de repos, après lequel est un pas ouvert de côté fait par le pié gauche : ce pas est chargé de deux signes qui marquent, le premier qu’il faut plier au commencement du pas, & le second qu’il faut élever à la fin. Le pas suivant qui est du pié droit, est un pas droit du même sens, qui ramene la jambe droite près de la gauche.

Il faut remarquer qu’après le soûpir de cette mesure, les chemins des danseurs cessent de faire symmétrie ; car l’un avance vers le haut de la salle, & l’autre s’en éloigne : cette diversité de mouvement continue jusqu’au troisieme tems de la mesure suivante.

Le premier pas de la mesure 3, 4, est un pas ouvert de côté du pié droit, avec les signes plié & élevé, le premier au commencement du pas, & le second à la fin ; il est suivi d’un pas ouvert de côté fait par le pié gauche, à la fin duquel le pié reste en l’air pendant un quart de mesure. Le pas suivant qui est un pas ouvert de côté, est affecté du signe de tourner un quart de tour : on voit auprès de ce pas la main droite que le danseur A donne à la main gauche de l’autre danseur, faisant l’effort simulé que deux lutteurs font pour renverser leur adversaire.

Au commencement de la mesure suivante, les danseurs sont revenus à la premiere position, où ils restent pendant une demi-mesure ; ce que l’on connoît par la tête noire de la position, & le soûpir qui la suit. Le premier pas suivant est un pas ouvert en-dedans, qui dure une noire : on voit au commencement de ce pas le signe en l’air, suivi de celui de tourner un quart de tour ; ce qui fait connoître que ce pas doit être fait sans que le pié pose à terre : il est fait par le pié droit, qui revient se placer à la position. Le pas suivant est encore affecté du signe de tourner un quart de tour, ce qui remet les danseurs vis-à-vis l’un de l’autre : on y trouve aussi le signe des mains tranché, ce qui fait connoître qu’à la fin de ce pas les danseurs doivent se quitter.

Ce que nous avons dit jusqu’à présent, suffit pour entendre comment on déchiffre les danses écrites. Nous laissons au lecteur muni des principes établis ci-devant, les cinq dernieres mesures de l’exemple pour s’exercer, en l’avertissant cependant d’une chose essentielle à savoir, c’est que lorsque l’on trouve plusieurs positions de suite, comme dans la mesure 7, 8, les mouvemens que les positions représentent se font tous en la même place ; il n’y a que les pas qui transportent le corps du danseur d’un lieu en un autre, & que la durée de la somme de ces mouvemens qui doit être renfermée dans celle du pas précédent.

Si la tête d’une position est noire, ou si elle est blanche, & qu’il sorte de sa tête un pas, alors on compte le tems qu’elle marque. Il y a un exemple de l’un & de l’autre dans la mesure 7, 8 : le reste est sans difficulté.

Un manuscrit du sieur Favier m’étant tombé entre les mains, j’ai cru faire plaisir au public de lui expliquer le système de cet auteur, d’autant plus que son livre ne sera probablement jamais imprimé. Mais avant toutes choses, je vais rapporter son jugement sur les méthodes de Chorégraphie, sur lesquelles il prétend que la sienne doit prévaloir : ce que nous discuterons dans la suite.

« Les uns, dit-il, prétendent écrire la danse en se servant des lettres de l’alphabet, ayant réduit, à ce qu’ils disent, tous les pas qui se peuvent faire au nombre de vingt-quatre, qui est le même que celui des lettres : d’autres ont ajoûté des chiffres à cette invention littérale, & donnent pour marque à chaque pas la premiere lettre du nom qu’il porte, comme à celui de bourrée un B, à celui de menuet un M, à celui de gaillarde un G, &c. Ces deux manieres sont à la vérité très-frivoles ; mais il y en a une troisieme (celle du sieur Feuillet que nous avons suivie ci-devant en y faisant quelques améliorations) qui paroît avoir plus de solidité : elle se fait par des lignes qui montrent la figure ou le chemin que suit celui qui danse, sur lesquelles lignes on ajoûte tout ce que les deux piés peuvent figurer, &c. mais quelque succès qu’elle puisse avoir, je ne laisserai pas de proposer ce que j’ai trouvé sur le même sujet, & peut-être que mon travail sera aussi favorablement reçû que le sien, sans pourtant rien diminuer de la gloire que ce fameux génie s’est acquise par les belles choses qu’il nous a données ».

Cet auteur représente la salle où l’on danse par des divisions faites sur les cinq lignes d’une portée de musique (Voyez la fig. 3.) les côtés portent le même nom que dans la fig. 1. Pl. I. de Chorégr. qui représente le théatre ; chaque séparation de ces cinq portées représente la salle, quelque largeur qu’elle ait : c’est dans ces salles que l’on place les caracteres qui représentent tout ce que l’on peut faire dans la danse, soit du corps, des genoux, ou des piés.

Le caractere de présence du corps est le même dans les deux Chorégraphies (Voyez la fig. 4.) ; mais celle-ci marque sur les presences du corps le côté où il doit tourner : ainsi la fig. 5. fait voir que le corps doit tourner du côté droit, & la suivante qu’il doit tourner du côté gauche. Par ces deux sortes de mouvement le corps ayant divers aspects, c’est-à-dire étant tourné vers les différens côtés de la salle, on peut les marquer par les fig. 4. 7. 8. 9. la premiere (4.) représente le corps tourné du côté des spectateurs, ou vers le haut de la salle ; la seconde (7) représente le corps tourné ensorte que le côté gauche est vers les spectateurs ; la troisieme (8), que le dos est tourné vers les spectateurs ; & la quatrieme (9), que le côté droit les regarde. Mais comme la salle a quatre angles, & que le corps peut être tourné vers les quatre coins, on en marque la position en cette maniere (Voyez la fig. 10.) ; le coin 1 à gauche des spectateurs s’appelle le premier coin ; les second, troisieme, quatrieme, sont où l’on a placé les nombres 2, 3, 4.

Outre ces huit aspects, on en peut encore imaginer huit autres entre ceux-ci, comme la fig. 11. le fait voir.

Ces seize aspects sont les principales marques dont on se sert ; elles se rapportent toutes au corps : mais comme il faut marquer tous les mouvemens que l’on peut faire dans une entrée de ballet composée de plusieurs danseurs, soit qu’elle fût de belle danse ou de posture, comme sont les entrées de gladiateurs, de devins, d’arlequin, soit que les mouvemens soient semblables ou différens, soit que quelques-uns des danseurs demeurent en une même place pendant que les autres avancent ; ces différens états seront marqués par les caracteres suivans : la fig. 4. représente le corps droit & debout ; la fig. 12. le corps panché en avant comme dans la révérence à la maniere de l’homme, ce que l’on connoît par la ligne qui représente le devant du corps qui est concave ; la suivante (13.) représente le corps panché du côté droit, ce que l’on connoît par la ligne de ce côté qui est concave ; la fig. 14. fait voir que le corps panche en arriere, ce que l’on connoît par la ligne du dos qui est concave ; enfin la fig. 15. fait voir que le corps panche du côté gauche.

L’idée de marquer les tems des pas par la forme ou couleur de leur tête étoit venue à cet auteur ; mais elle nous avoit été communiquée par M. Dupré, & nous l’avons introduite dans la Chorégraphie du sieur Feuillet où elle manque : la différence principale de ces deux manieres, est que dans celle-ci on marque la valeur des pas sur les caracteres des présences. Voyez la fig. 16. qui fait voir les différentes formes du caractere de présence, & leur valeur au-dessus marquée par des notes de musique.

Ces marques à la vérité seroient d’une grande utilité ; mais cependant l’auteur ne conseille pas de s’en servir qu’on ne soit très-habile dans la Chorégraphie & la Musique.

La fig. 17. qui est une ligne inclinée de gauche à droite, marque qu’il faut plier les genoux.

La fig. 18. marque au contraire qu’il faut les élever.

La ligne horisontale (fig. 19.) marque qu’il faut marcher.

La fig. 20. qui est une ligne courbe convexe en-dessus, marque qu’il faut marcher en avançant d’abord le pié dans le commencement du pas, & continuer en ligne courbe jusqu’à la fin de son action.

La fig. 21. qui est la même ligne courbe convexe en-dessous, marque qu’il faut marcher en reculant d’abord le pié dans le commencement du pas, & continuer en ligne courbe jusqu’à la fin de son action.

La fig. 22. marque le mouvement qu’on appelle tour de jambe en-dehors.

La fig. 23. marque le mouvement qu’on appelle tour de jambe en-dedans.

La fig. 24. qui est une ligne ponctuée en cette sorte . . . . . . . marque que le pié fait quelque mouvement, sans sortir cependant du lieu qu’il occupe.

La fig. 25. qui est un d, indique le pié droit.

La suivante (26.), qui est un g, indique le pié gauche.

Ces deux mêmes lettres (fig. 27.) dont la queue est un peu courbe, signifient qu’il faut poser la pointe des piés, & laisser ensuite tomber le talon à terre.

Les deux mêmes lettres dg (fig. 28.), dont la queue est ponctuée, signifient qu’il faut poser les piés sur la pointe sans appuyer le talon.

Les deux mêmes lettres (fig. 29.), dont la queue est séparée de la tête, signifient qu’il faut poser le talon, & appuyer ensuite la pointe du pié à terre.

Les deux mêmes lettres (fig. 30.), dont la queue est discontinuée dans le milieu, marquent qu’il faut poser les piés sur le talon, sans appuyer la pointe à terre.

Les deux mêmes lettres (fig. 31.), dont les queues sont droites comme celles du d & du q, marquent qu’il faut poser le talon & la pointe du pié en même tems, ce qu’on appelle poser à plat.

Après les marques qui font voir toutes les différentes manieres de poser les piés à terre, nous allons exposer celles qui les représentent en l’air.

La fig. 32. signifie que les piés sont en l’air, ce que l’on connoît par leur queue qui est recourbée du côté de la tête.

Les deux mêmes lettres (fig. 33.) dont la queue est discontinuée dans le milieu & recourbée vers la tête, marquent que les piés sont en l’air la pointe haute.

Ces deux mêmes lettres (fig. 34.), dont la queue est discontinuée & recourbée vers la tête comme dans les précédentes, & la partie de la queue depuis la tête jusqu’à la rupture élevée perpendiculairement comme à la fig. 31. marquent que la pointe & le talon sont également éloignés de terre.

Dans tout ce que nous venons de dire on doit entendre que les piés sont tournés en-dehors, comme dans les cinq bonnes positions expliquées ci devant. Il faut présentement expliquer les marques qui font connoître qu’ils sont tournés en-dedans, comme dans les cinq fausses positions. C’est encore les deux mêmes lettres gd (fig. 35.), mais retournées en cette sorte dg.

On peut donner à ces deux dernieres lettres toutes les variétés que nous avons montrées ci-devant, & faire autant de situations des piés en dedans comme nous en avons fait voir en-dehors, soit à terre, soit en l’air. L’exemple suivant (fig. 36.) fait voir que les piés sont tournés en-dedans & en l’air, ce qu’on connoît par le d & le g retournés, & par leurs queues qui regardent la tête de ces lettres.

Ces différentes sortes de positions des piés étant quelquefois de distances que l’auteur appelle naturelles, c’est-à-dire éloignés l’un de l’autre de la distance d’un des piés, ou ensemble, comme lorsqu’ils se touchent, ou écartés, lorsque la distance d’un pié à l’autre est plus grande que celle d’un pié. Il marque la premiere par les lettres dg jointes au caractere de présence, sans y rien ajoûter (V. la figure 37.) : pour la seconde il met un point, ensorte que la lettre du pié soit entre le caractere de présence & le point (Voyez la fig. 38.) : & pour la troisieme, une petite ligne verticale placée entre le caractere du pié & celui de présence. Voyez la fig. 39.

La fig. 40. qui est un o, indique qu’il faut pirouetter.

Le saut se connoît lorsque la ligne élevé placée sur la ligne marché, est plus grande que la ligne plié placée sur la même ligne marché : on connoît aussi à quelle partie du pas les agrémens doivent être faits, par le lieu que les signes de ces agrémens occupent sur la ligne marché : si ces signes sont au commencement de la ligne marché, c’est au commencement du pas ; s’ils sont au milieu, ce sera au milieu du pas qu’on doit les exécuter ; ou si ils sont à la fin de la ligne, ce ne doit être qu’à la fin du pas qu’on doit les exécuter.

« Voilà tous les différens caracteres avec lesquels on peut décrire les mouvemens, actions, positions, que l’on peut faire dans la danse : il ne reste plus qu’à les assembler ; mais c’est ce qui se fait en tant de manieres, que si je puis y réussir, comme je l’espere, j’aurai lieu d’être satisfait de mes réflexions, dit l’auteur ».

Nous allons voir comment l’auteur y réussit.

Ces deux lignes indiquent que le pié droit commence & acheve son mouvement, & que le pié gauche commence & finit le sien après ; ce qui est marqué par la ligne de dessus qui est pour le pié droit, laquelle précede l’autre selon notre maniere d’écrire de gauche à droite : la ligne de dessous est pour le pié gauche ; elle n’est tracée qu’après l’autre ; ce qui fait connoître que le pié qu’elle représente ne doit marcher qu’après que l’autre a fini son mouvement.

Ces deux autres lignes font connoître que le pié gauche commence & finit son mouvement, & que le pié droit commence & acheve le sien après.

Ces deux autres lignes indiquent que le pié droit commence son mouvement, & que dans le milieu de celui-ci le pié gauche commence le sien, qu’ils continuent ensemble, que le pié droit finit le premier, & que le pié gauche acheve après.

Ces deux lignes font connoître que le pié droit & le pié gauche commencent ensemble, & que le pié droit finit son mouvement après celui du pié gauche.

Ces deux autres lignes font connoître que le pié droit commence le premier son mouvement, & que le pié gauche commence après, qu’ils continuent ensemble, & finissent en même tems.

Ces deux autres lignes font connoître que le pié droit & le pié gauche commencent & finissent leurs mouvemens ensemble.

Ainsi de toutes les combinaisons possibles deux à deux des lignes représentées fig. 19. 20. 21. 22. 23. 24. dont il seroit trop long de faire l’énumération.

Les fig. 37. 38. 39. ont déjà fait connoître trois situations ; les trois suivantes en représentent encore d’autres : ainsi par la fig. 40. on verra le pié droit devant le corps, & le pié gauche derriere.

Par la fig. 41. on verra le pié droit devant & de côté, & par conséquent le pié gauche derriere & de côté.

Par la fig. 42. on verra la situation qu’on appelle croisée, le pié droit devant la partie gauche du corps, & le pié gauche derriere la partie droite ; & vice versa de toutes les combinaisons dont ces arrangemens sont susceptibles.

Ces trois derniers exemples qui montrent les situations ou positions naturelles, peuvent encore être ensemble ou écartés, en y ajoûtant le point ou la petite ligne.

Toutes ces situations pourront être un pié en l’air, en donnant à la lettre qui représente ce pié la marque de cette circonstance qui a été ci-devant expliquée. Nous allons passer aux exemples de l’emploi de la ligne marché.

La fig. 43. réprésente la situation ou position qui est le pié gauche à terre devant, & le pié droit en l’air derriere. On connoîtra la position en ce qu’elle sera toûjours la premiere de chaque danse, & qu’il n’y aura point au-dessous de ligne marché ; les différentes positions des piés qui pourroient y être étant assez démontrées précédemment pour les connoître. Cette position tient dans la danse lieu de clé, dont l’usage en Musique est de faire connoître le ton & le mode de chaque air, & le premier son par lequel il commence ; de même celle-ci montre le lieu de la salle où la danse doit commencer, en se la représentant toûjours comme renfermée dans les rectangles formés par les lignes verticales & les portées de musique sur lesquelles on écrit la danse.

De cette situation on passera à la seconde (figure 44.), où on remarquera qu’il faut marcher ce qui est marqué par la ligne qui représente ce mouvement, laquelle est décrite au-dessous de la figure qui représente la salle. Mais comme cette ligne marché suppose que l’un des deux piés doit faire un mouvement, on connoîtra que c’est le pié droit, puisque la lettre d est seule dans la salle, & est au côté droit du corps. Mais comme cette lettre est décrite la queue retournée à la tête, le pié droit se portera en l’air, & cette situation de pié finira cette premiere action, & servira de position pour passer à la suivante.

La fig. 45. représente qu’il faut marcher le pié droit à terre de côté : après ce mouvement on sortira de terre le pié gauche, qui doit rester en l’air au-dessus de l’endroit où il étoit posé. On ne marque rien pour cette action du pié gauche, parce qu’elle est nécessaire pour achever le pas. Lorsque les mouvemens qui se suivent se font par des piés différens, la fin de cette action est une situation naturelle ; celle des piés ensemble ou écartés, sera marquée par un caractere particulier.

La figure suivante (46.) réprésente qu’il faut marcher le pié gauche croisé devant sortant de terre, le pié droit joignant au derriere du talon du pié gauche. Cette situation ensemble étant marquée par un point qui est au derriere du corps, ce point se place à côté du corps si on finit cette action les piés ensemble de côté.

La fig. 47. représente qu’il faut marcher le pié droit à terre de côté, & que le pié gauche sortira de terre & se portera écarté en l’air au côté gauche du corps : cette derniere circonstance est marquée par la lettre g séparée du corps par une petite ligne verticale, qui signifie, ainsi qu’il a été dit, que le pié est éloigné du corps.

La fig. 48. que l’on ne regardera que comme l’explication de la 47. représentera par conséquent la même chose ; elle indiquera de plus par les deux lignes qui y sont décrites, que le pié droit marchera le premier, & que le pié gauche marchera ensuite ; la ligne de dessous, ainsi qu’il a été dit, étant pour celui-ci, & étant postérieure par rapport à celle de l’autre pié.

Après avoir donné ces exemples pour la ligne marché sur laquelle on place les signes des agrémens, comme plié, élevé, sauté, cabriolé, &c. il est bon d’examiner ces mêmes marques, pour connoître toutes les places que le corps peut occuper sur la ligne de front.

Par la fig. 43. on verra que le corps est posé au milieu du côté gauche de la salle ; c’est la position dans laquelle la figure 43. le représente au même lieu, puisque l’action qui y est marquée n’oblige point le corps à faire aucun changement ; le pié en l’air qui est derriere la position le porte en l’air de côté à la fig. 44. laissant toûjours le poids du corps sur le pié gauche : les fig. 44. 45. 46. 47. le représentent un peu plus éloigné de ce côté ; ce qui se peut encore en autant d’autres places que l’on jugera à propos, selon le nombre de pas qui peuvent être faits en la largeur d’une salle ; les situations sur la longueur sont marquées par les lignes des portées & les intervalles des mêmes lignes.

En donnant à toutes les places les seize aspects dont il est parlé ci-dessus, & qui sont représentés fig. 11. il est certain qu’il n’y a pas un seul endroit d’une salle où l’on ne puisse marquer telle position des piés & situation du corps que l’on voudra ; ce qui est tout ce que l’on se propose de faire quand on veut écrire une danse sur le papier.

On écrit aussi dans ce nouveau système l’air au-dessus de la danse, & le tout sur du papier de musique ordinaire, ensorte qu’au premier coup d’œil une danse écrite en cette maniere paroît un duo ou un trio, &c. si deux ou plusieurs danseurs dansent ensemble.

Nous avons promis de comparer ensemble ces deux manieres, nous tenons parole : nous croyons, quoique l’invention de cet auteur soit ingénieuse, que l’on doit cependant s’en tenir à celle du sieur Feuillet, où la figure des chemins est représentée, sur-tout depuis que nous y avons fait le changement communiqué par M. Dupré, au moyen duquel on connoît la valeur des pas par la couleur de leur tête, ainsi qu’il a été expliqué dans la premiere partie de cet article. L’inconvénient de ne point marquer les chemins est bien plus important, que celui qui résulte de ne point écrire la musique sur les lignes & dans les intervalles, comme quelques auteurs l’avoient proposé. Voyez l’article Musique, où ces choses sont discutées. (D)