L’Encyclopédie/1re édition/COCCYX

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COCCYX, s. m. (Anat. Chir.) Le coccyx est à l’extrémité de l’épine, & se trouve placé comme la queuë dans les animaux.

C’est un os situé au bout de l’os sacrum, dont il est comme l’appendice. Sa figure revient en quelque maniere à celle d’une petite pyramide renversée & un peu courbée vers le bassin, formant une espece de bec de coucou ou de corbeau, convexe en-dehors, & concave en-dedans. Il donne attache au sphincter de l’anus, & à une portion des fessiers. Sa face antérieure est plate, & la postérieure un peu arrondie.

Il est composé de quatre ou cinq pieces en maniere de fausses vertebres, jointes les unes aux autres par des cartilages plus ou moins souples, ce qui fait qu’ils obéissent & qu’ils se retirent aisément en arriere. Quelquefois plusieurs de ces pieces, & quelquefois toutes, sont entierement soudées ensemble.

Les cartilages qui lient les différentes parties du coccyx, conservent leur nature dans quelques sujets jusqu’à un âge fort avancé : il y en a d’autres au contraire dans lesquels ils deviennent promptement osseux.

Ces pieces osseuses qui composent le coccyx, soûtiennent le rectum & le portent plus en-dehors aux femmes qu’aux hommes, donnant par-là plus d’étendue au bassin de l’hypogastre pour le tems de la grossesse : la pointe de ces os regarde toûjours en-dedans, ce qui empêche qu’on ne soit incommodé en s’asseyant ; & comme ils se portent un peu en-dehors aux femmes, cela rend plus ample le passage de l’enfant dans l’accouchement.

Cheselden & Morgagni deux grands maîtres, l’un en Chirurgie, l’autre en Anatomie, ont observé que le coccyx a une paire de muscles propres qui ont de chaque côté leur attache fixe à l’apophyse épineuse & postérieure de l’os ischion, & vont s’insérer au coccyx. Ces muscles tirent ce dernier os en-devant, aident par-là aux releveurs de l’anus, & remettent le coccyx dans sa situation naturelle.

Diemerbroeck rapporte avoir vû un enfant nouveau-né dont la queue, c’est-à-dire le coccyx, étoit de la longueur de 13 à 14 pouces ; mais je crois que cet anatomiste a mal vû dans cette occasion comme dans quelques autres.

Harvey avoit oui dire à un de ses amis, revenant des Indes orientales, qu’il y a des hommes dans quelques contrées de ce pays-là, qui ont des queues d’un pié de long. Rapporter fidelement ce qu’on a oui dire, chose même assez rare, est presque toûjours rapporter des choses suspectes. Cependant Marc Paul dans sa description géographique imprimée à Paris en 1556, avoit déjà écrit le même conte des hommes du royaume de Lambry ; Struys l’assûre aussi de ceux de l’île de Formose ; & Gemelli Carreri, sur le récit de quelques Jésuites, de ceux de l’île de Mindoro, voisine des Manilles. Que Sorbiere avoit bien raison d’appeller les relations des voyageurs, les romans des Physiciens ! Tous ces hommes à longue queue des Indes orientales, du royaume de Lambry, des îles Formose, Mindoro, Borneo, &c. sont des especes de gros singes à queue qu’on y trouve en quantité.

Ces sortes de singes à queue sont nommés par les Naturalistes cercopitheci. Il y en a dans tous les cabinets des curieux, & j’en ai vû de toute grandeur.

Bourdon dit qu’il y a des sages-femmes qui ont coûtume de pousser le coccyx en arriere dans l’accouchement avec tant de violence, qu’il en résulte de très-facheux accidens. Cependant, suivant la Motte, auquel nous devons un bon traité des accouchemens, ce n’est jamais cet os qui met obstacle au passage de l’enfant, mais le bassin trop étroit de l’hypogastre, qui fait que la tête de l’enfant s’y étant engagée, elle ne peut avancer ni rétrograder. Il est persuadé que le coccyx obéit sans peine aux efforts que fait le fœtus pour s’ouvrir un passage, & à ceux que fait la mere pour accoucher.

Le coccyx peut se luxer en dehors ou en-dedans, car il est très-rare que ses vertebres se déjoignent entierement. Pour réduire le coccyx luxé en-dehors, il ne faut que le pousser en dedans, le tenir dans cette situation avec des compresses graduées & un bandage en T.

Pour réduire le coccyx luxé en-dedans, on trempe le doigt indice dans l’huile, & on l’introduit dans l’anus aussi avant qu’il est nécessaire pour passer au-delà du bout du coccyx, & le relever. Il faut, pour éviter la douleur, observer en introduisant le doigt, de l’appuyer toûjours sur le côté de la marge de l’anus opposé à la pointe du coccyx.

On préviendra les suites fâcheuses de cet accident par des saignées, des narcotiques, la diete, les boissons rafraîchissantes, les lavemens, les bains, les cataplâmes anodyns, émolliens & résolutifs, un bandage lâche & simplement contentif, & le lit.

M. Petit dans son traité des maladies des os, tome I. chap. iij. remarque que le dérangement du coccyx n’est point, à proprement parler, une luxation, parce que la jonction de cet os n’est pas une articulation formée par des têtes & des cavités, mais une union par cartilage que les anciens ont nommée synchondrose, ce qui semble devoir faire appeller la luxation du coccyx en-dehors, renversement, & sa luxation en-dedans, enfoncement. Si le coccyx étoit entierement séparé de l’os sacrum, on pourroit dire qu’il est rompu.

Les causes de la luxation du coccyx en-dedans (pour parler néanmoins le langage ordinaire) sont les coups & les chûtes sur cette partie qui forment quelquefois par la contusion des accidens funestes, sur-tout lorsque les femmes négligent par pudeur de montrer le mal aux maîtres de l’art. M. Petit en cite deux ou trois exemples qui doivent apprendre à surmonter dans ces occasions des répugnances qui peuvent coûter la vie.

La pudeur bien entendue, n’est qu’un sentiment honnête qui doit seulement nous détourner du vice. Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.