L’Encyclopédie/1re édition/CONCIERGE

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CONCIERGE, est celui qui a la garde d’une maison royale ou seigneuriale. On confond quelquefois les termes de concierge & de geolier ; l’ordonnance de 1670 nomme, en quelques endroits, les concierges & geoliers conjointement ; en d’autres elle nomme le geolier avant le concierge ; en d’autres elle ne parle que de geolier : ce qui fait voir que ces termes sont synonymes. Et en effet, le concierge d’une prison est le geolier ou garde de la geole ; ce n’est que dans les prisons les plus considérables, que l’on distingue le concierge des geoliers. Le concierge est le premier geolier, & les geoliers & guichetiers sont ceux qui sont préposés sous lui pour la garde des prisons.

L’ordonnance de 1670, tit. xiij. veut que tous concierges & geoliers exercent en personne, & non par aucun commis ; qu’ils sachent lire & écrire, & que dans les lieux où ils ne le sauroient pas, il en soit nommé d’autres dans six semaines, à peine contre les seigneurs de privation de leur droit.

Pour ce qui concerne les fonctions des concierges & geoliers, voyez ci-apr. aux mots Geole, Geoliers, Guichetiers, Prisons. (A)

Concierge du Palais, (Hist. mod. & Jurispr.) étoit un juge royal auquel a succédé le bailli du palais. Sous la premiere & la seconde race de nos rois, la justice étoit rendue dans le palais par le maître ou maire du palais, auquel succéda le comte. En 988, cet office fut exercé, quant à la justice dans le palais, sous le titre de concierge du palais, avec moyenne & basse justice, dont le territoire étoit peu étendu. Philippe-Auguste, par des lettres de l’an 1202, y ajoûta le fauxbourg saint-Jacques & Notre-Dame des Champs, & le fief royal de S. André qui y est situé. Le concierge ou bailli du palais y avoit encore la justice en 1667.

Les mêmes lettres assignent au concierge du palais des gages, droits, & priviléges.

En 1286, au commencement du regne de Philippe-le-Bel, le palais que nous voyons aujourd’hui, fut bâti par les soins d’Enguerrand de Marigny, général des finances. La conciergerie qui sert aujourd’hui de prison, étoit le logement du concierge du palais. Par un arrêt de l’année 1316, elle fut réunie au domaine du roi, avec ses appartenances. En 1348, du tems de Philippe de-Valois, le concierge fut érigé sous le titre de bailli : mais on a joint les deux titres de concierge-bailli. En l’an 1348, Philippe de Savoisy écuyer, fut concierge du palais royal à Paris. Joly, en ses offices de France, a donné une liste de tous ceux qui ont depuis rempli celui-ci jusqu’en 1624, dont plusieurs étoient des personnes de grande considération. Sous le roi Jean, Charles V. alors régent du royaume, accorda, par des lettres du mois de Janvier 1358, plusieurs droits au concierge du palais ces lettres font mention qu’il a justice moyenne & basse dans l’enceinte du palais ; qu’il y tient sa cour & jurisdiction par lui, son lieutenant ou garde de sa justice, & ses officiers ; qu’il connoît entre quelques personnes que ce soit, de tous les cas civils, criminels, & de police ; que nul autre juge n’a jurisdiction temporelle dans l’enceinte du palais, si ce n’est les gens des comptes, du parlement, des requêtes du palais, & des requêtes de l’hôtel : ces mêmes lettres lui attribuent différens droits ; entre autres la justice sur les auvents ou petites boutiques adossées aux murs du palais ; des cens & rentes sur plusieurs maisons ; le droit de donner & ôter les places aux merciers qui vendent dans les allées de la mercerie, & en haut & en bas au palais, & les lettres lui permettent d’en recevoir un présent une fois l’an : il y est encore dit qu’il a la justice moyenne & basse, & la seigneurie censuelle sur treize maisons situées à Notre-Dame des Champs ; au lieu nommé les Mureaux (proche les Carmelites du fauxbourg saint Jacques) différens droits. Quand on faisoit un nouveau boucher en la boucherie du châtelet, le concierge du palais devoit avoir, à cause de sa conciergerie, trente livres & demie, la moitié d’un quarteron & la moitié de demi-quarteron pesant de chair moitié bœuf & moitié porc ; la moitié d’un chapon plumé ; demi-septier de vin, & deux gâteaux : & celui qui les alloit chercher, devoit donner deux deniers au chanteur qui étoit en la salle des bouchers. Il avoit seul le droit de faire enlever les arbres secs qui étoient entre toutes les voiries & chemins royaux de la banlieue & vicomté de Paris. Il avoit aussi un droit de foüage dans la forêt d’Yveline, & quelque inspection sur les greniers à blé du roi. Lorsqu’il écrivoit à Gonesse pour faire venir du blé & autre chose au grenier du roi, les écorcheurs de la boucherie de Paris étoient tenus de porter ou envoyer ses lettres à leurs frais, sous peine d’amende. Il avoit toutes les clés du palais, excepté celles de la porte de devant ; & avoit inspection sur le portier & sur les sentinelles du palais. Enfin, suivant ces lettres, il étoit voyer dans l’étendue de sa justice. En 1412, la reine tint la conciergerie en ses mains, le roi lui en ayant fait don ; & sur l’empêchement qui lui fut fait à ce sujet par le procureur général, disant qu’entre mari & femme donation n’avoit lieu, elle répondit que cette loi n’avoit pas lieu pour elle, dont il y a arrêt des 29 Juillet 1412, & 22 Mai 1413. Juvenal Chevalier sieur de Traynel, fut fait concierge-bailli du palais : mais par arrêt du 3 Janvier 1416, cet office fut de nouveau uni au domaine, & on ordonna qu’il n’y auroit plus au palais qu’un gardien, qui auroit trois sous parisis par jour & un muid de blé par an. Cependant ceux qui ont été pourvûs de cet office depuis 1461, ont tous été qualifiés de baillis du palais.

La jurisdiction de la conciergerie, qu’on appelle présentement le bailliage du palais, est composée d’un bailli d’épée, d’un lieutenant général, un procureur du roi, un greffier, plusieurs huissiers. Les avocats au parlement y plaident, & les procureurs au parlement y occupent. Cette jurisdiction ne s’étend présentement que dans l’enceinte du palais.