L’Encyclopédie/1re édition/CONFINS

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CONFINS, s. m. pl. (Jurisprud.) sont les limites d’un héritage, d’une paroisse, ou du territoire d’une dixmerie, d’une seigneurie, justice, &c. fines agrorum seu territorii. Il ne faut pas confondre les bornes avec les confins. On entend par confins les limites d’un héritage ; au lieu que les bornes sont des signes extérieurs qui servent à marquer les limites.

La loi des douze tables avoit ordonné de laisser un espace de cinq piés de large entre les héritages appartenans à différentes personnes ; ce qui formoit un sentier de communication par lequel chacun pouvoit aller à son héritage, & même tourner tout-autour, sans passer sur celui du voisin. Ces sentiers étoient appellés via agraria, & cet espace de cinq piés ne pouvoit être prescrit. Il paroît que l’objet des décemvirs, en obligeant chacun de laisser cet espace autour de son héritage, étoit que l’on pût facilement labourer à la charrue sans anticiper sur le voisin, & aussi pour que la distinction des héritages fût mieux marquée. Il y a apparence que les deux propriétaires qui avoient chacun un héritage contigu à l’autre, devoient laisser chacun la moitié de cet espace de cinq piés.

Mamilius tribun du peuple fit dans la suite une loi appellée de son nom Mamilia, & par corruption, qui conformément à la loi des douze tables ordonna qu’il y auroit un espace de cinq à six piés entre des fonds voisins l’un de l’autre, & qui regloit les différends qui s’élevoient à ce sujet entre des particuliers.

Il est aussi parlé de cet espace de cinq piés dans la loi derniere au code Théodosien, finium regundorum, qui en ce point paroît avoir suivi la loi des douze tables.

La loi quinque pedum, au code finium regundorum, énonce aussi que l’espace de cinq piés qui sépare les héritages ne peut pas se prescrire ; ce qui suppose que cet usage de laisser un espace de cinq piés entre les héritages étoit encore observé.

Il étoit cependant d’usage de mettre des bornes chez les Romains ; ce qui sembleroit superflu au moyen de cet espace de cinq piés : mais les bornes pouvoient toûjours servir à empêcher que l’on ne déplaçât le sentier de séparation.

Quoi qu’il en soit, il est certain que depuis longtems il n’est plus d’usage que les différens propriétaires d’héritages voisins laissent un espace entre leurs héritages, à moins que l’un ne fasse une muraille ou un fossé, ou ne plante une haie ; hors ces cas chacun laboure jusqu’à l’extrémité de son héritage ; ce qui ne se peut faire à la vérité sans que la moitié de la charrue pose sur l’héritage du voisin ; ce qui est regardé comme une servitude nécessaire & réciproque entre voisins.

Les autres dispositions du titre finium regundorum, sont que dans une vente l’on ne considere point les anciens confins, mais ceux qui sont désignés par le contrat, parce que le propriétaire qui vend une partie de son fonds peut changer les limites ou confins, & les déterminer comme il le juge à propos ; qu’ils peuvent pareillement changer par le fait & le consentement des différens propriétaires qui se succedent ; que quand il s’agit de regler les confins ou limites, on a égard à la propriété & possession, & que pour la mesure des terres le juge commet un mesureur (ce que nous appellons aujourd’hui arpenteur), sur le rapport duquel il ordonne ensuite que les bornes seront posées ; que si pendant le procès l’un des contendans anticipe quelque chose sur l’autre, il sera condamné non seulement à rendre ce qu’il a pris, mais encore à en donner autant du sien ; qu’on peut se pourvoir pour faire regler les confins lorsqu’il s’agit d’un modique espace de terrein, de même que s’il étoit plus considérable ; enfin que l’on ne prescrit les confins ou limites que par l’espace de trente ans.

La position des confins peut être établie de trois manieres ; ou par les bornes, ou par les titres, ou par témoins ; par bornes, lorsque l’on en reconnoît qui ont été mises d’ancienneté (Voyez Bornes) ; par titres, lorsque l’étendue de l’héritage ou du territoire y est marquée ; & par témoins, lorsque les témoins disent que de tems immémorial, ou depuis un tel tems, ils ont toûjours vû un tel joüir, labourer, ou dixmer jusqu’à tel endroit.

On entend aussi souvent par le terme de confins, les tenans & aboutissans, c’est-à dire les endroits auxquels un héritage tient de chaque côté. Il y a des confins immuables, tels qu’un chemin, une riviere ; d’autres sont sujets à changer, tels que les héritages des particuliers ; non-seulement il arrive changement de propriétaire & changement de nom, mais souvent même les héritages qui confinent changent de nature ; une piece de terre est partagée en plusieurs portions, ce qui étoit en bois ou vigne est mis en terre, aut contra ; c’est pourquoi on ne sauroit avoir trop d’attention à bien expliquer tout ce qui peut désigner les confins.

Il est même bon de-marquer les anciens & nouveaux confins, c’est-à-dire d’expliquer que l’héritage tient à un tel, qui étoit au lieu d’un tel. Il y a des terriers où l’on rappelle ainsi les confins de l’un à l’autre, en remontant jusqu’au titre le plus ancien.

Pour mieux reconnoître les confins, il faut les orienter, c’est-à-dire les désigner chacun par aspect du soleil : par exemple, en parlant d’un héritage ou territoire, on dira : tenant d’une part, du côté d’orient, au chemin qui conduit de tel lieu à tel autre ; d’un bout, du côté du midi, à la riviere ; d’autre part, du côté d’occident, à Pierre Vialard, au lieu de Simon Hugonet, qui étoit au lieu de Jean ; d’autre bout, du côté du septentrion, à la terre de Nicolas Roche, qui étoit ci-devant en bois.

L’usage de marquer les confins dans les terriers n’a commencé que vers l’an 1300, & en d’autres endroits vers l’an 1450.

L’ordonnance de 1667, tit. jx. art. 3. veut que ceux qui forment quelque demande pour des censives ou pour la propriété de quelque héritage, rente fonciere, charge réelle, ou hypotheque, déclarent, à peine de nullité, par le premier exploit, le bourg, village ou hameau, le terroir ou la contrée, où l’héritage est situé ; sa consistance, ses nouveaux tenans & aboutissans, du côté du septentrion, midi, orient, occident, &c. en sorte que le défendeur ne puisse ignorer pour quel héritage il est assigné.

Dans les déclarations ou reconnoissances, aveux & dénombremens, contrats de vente, baux à rente, échanges, baux à ferme, & autres actes concernant la propriété ou possession d’un héritage ou territoire, il est également important d’en bien désigner les confins, pour en assûrer l’étendue. (A)