L’Encyclopédie/1re édition/CONSIDÉRATION

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CONSIDÉRATION, ÉGARDS, RESPECT, DÉFÉRENCE, (Gramm.) termes qui désignent en général l’attention & la retenue dont on doit user dans les procédés à l’égard de quelqu’un.

On a du respect pour l’autorité, des égards pour la foiblesse, de la considération pour la naissance, de la déférence pour un avis. On doit du respect à soi-même, des égards à ses égaux, de la considération à ses supérieurs, de la déférence à ses amis. Le malheur mérite du respect, le repentir des égards, les grandes places de la considération, les prieres de la déférence.

On dit, j’ai des égards, du respect, de la déférence pour M. un tel ; & on dit passivement, M. un tel a beaucoup de considération.

Il ne faut point, dit un auteur moderne, confondre la considération avec la réputation : celle-ci est en général le fruit des talens ou du savoir-faire ; celle-là est attachée à la place, au crédit, aux richesses, ou en général au besoin qu’on a de ceux à qui on l’accorde. L’absence ou l’éloignement, loin d’affoiblir la réputation, lui est souvent utile ; la considération au contraire est toute extérieure, & semble attachée à la présence. Un ministre incapable de sa place a plus de considération & moins de réputation qu’un homme de lettres, ou qu’un artiste célebre. Un homme de lettres riche & sot a plus de considération & moins de réputation qu’un homme de mérite pauvre. Corneille avoit de la réputation, comme auteur de Cinna ; & Chapelain de la considération, comme distributeur des graces de Colbert. Newton avoit de la réputation, comme inventeur dans les Sciences ; & de la considération, comme directeur de la monnoie. Il y a telle nation où un chanteur est plus considéré qu’un philosophe ; parce que les hommes aiment mieux être desennuyés qu’éclairés. (O)