L’Encyclopédie/1re édition/COUSIN
COUSIN, culex, sub. m. (Hist. nat. Insectolog.) insecte fort connu par sa piquûre & par son bourdonnement ; on éprouve assez l’une & l’autre de ces incommodités, pour être curieux d’en connoître la cause, aussi nos plus grands observateurs n’ont-ils pas négligé cet insecte. Il n’est que trop multiplié : on en distingue dans ce pays-ci plusieurs especes de différentes grandeurs ; aux environs de Paris on peut en reconnoître trois especes ; ceux de la plus grande ont sur le corps des marques de blanc & de noir, & sur le corcelet des ondes brunes ou noires, mêlées avec des ondes blanches ou grisâtres ; les yeux sont bruns. D’autres cousins moins grands ont le corps brun ; le corcelet des plus petits, qui sont les plus communs, est de couleur rousse ou de feuille morte, & le corps blanchâtre ; ils ont le ventre gris, excepté l’endroit d’une tache brune qui est sur chaque anneau. En général les cousins ont le corps allongé, cylindrique, & composé de huit anneaux ; le corcelet est court & gros, il porte les six jambes, les deux ailes, & les deux balanciers ou maillets de cet insecte. On y voit aussi quatre stigmates. Dans l’état de repos les ailes se croisent l’une sur l’autre ; elles sont très-minces & transparentes ; on y apperçoit au microscope quelques écailles semblables à celles des ailes de papillon ; ces écailles sont placées pour l’ordinaire le long des nervures de l’aile, ce qui ressemble en quelque sorte à des feuilles posées le long de la tige d’une plante ; il y a aussi des écailles sur le corcelet & sur tous les anneaux du corps, & on y découvre des poils longs & extrèmement fins : les antennes sont faites en forme de panache, celles des mâles sont plus grosses que celles des femelles. Ces insectes ont des yeux à réseau qui entourent presque toute la tête ; il y en a qui sont d’un beau verd, changeant à certains aspects où ils paroissent rouges. Dans quelques especes il y a deux corps oblongs, arrondis, & placés près de la trompe comme les barbes des papillons. Les cousins piquent par le moyen d’une trompe ; c’est une sorte d’instrument composé de plusieurs pieces renfermées dans un fourreau, qui paroît cylindrique dans la plus grande partie de sa longueur, & qui est couvert d’écailles ; il est terminé par un bouton pointu, dont l’extrémité est percée : on apperçoit quelquefois une pointe qui sort par cette ouverture ; mais lorsqu’on presse l’insecte entre deux doigts par le corcelet près de la tête, on voit le fourreau de la trompe s’entrouvrir dans sa partie supérieure, & quelquefois d’un bout à l’autre, jusqu’au bouton qui est à l’extrémité. Il sort alors de l’ouverture du fourreau une espece de fil rougeâtre & luisant, qui se courbe dans toute sa longueur ; ce fil est composé de plusieurs filets que l’on peut séparer les uns d’avec les autres, & qui se séparent quelquefois d’eux-mêmes. Lorsque l’insecte pique, on voit la pointe qui sort de l’ouverture du bouton placé à l’extrémité de la trompe : il fait d’abord quelque tentative, & semble chercher l’endroit où il enfoncera la pointe ; alors si on l’observe, par exemple, sur la main avec une loupe, on voit qu’à mesure que l’aiguillon pénetre dans la chair, il glisse à travers le bouton qui remonte du côté de la tête de l’insecte : le fourreau n’étant pas fait de façon à se raccourcir en se plissant, il se plie par le milieu, l’aiguillon en sort par la fente dont il a déjà été fait mention, & le bouton du fourreau en se rapprochant de la tête de l’insecte met le fourreau en double. Cette organisation est particuliere à la trompe du cousin : c’est par ce moyen qu’un aiguillon qui n’a qu’une ligne de longueur, peut entrer dans la peau à trois quarts de ligne & plus de profondeur sans s’allonger d’autant, sans que le fourreau se plisse & sans que le bouton entre dans l’ouverture que fait l’aiguillon. Il y a quelques différences entre les trompes des diverses especes de cousins : on voit quelquefois deux antennes qui se séparent de la trompe ; dans d’autres l’aiguillon a un double fourreau ; l’extérieur est composé de deux pieces latérales, qui se séparent du second, & s’élevent jusqu’à la tête de l’insecte avant que le second fourreau se plie lorsque l’aiguillon fait une piquûre. Il y a de ces insectes dont l’aiguillon est plus fort que celui des especes les plus communes ; l’extrémité de l’étui s’éloigne de celle de l’aiguillon, qui par conséquent ne passe plus par le bouton de l’étui lorsqu’il sort au-dehors ; l’insecte s’appuie alors sur l’extrémité de l’étui de la trompe, comme sur une jambe qui pose à une ou deux lignes de l’endroit où se fait la piquûre de l’aiguillon.
Cet aiguillon est dans tous les cousins composé de plusieurs pieces, mais si fines, que les observateurs ne sont pas d’accord ni sur leur nombre ni sur leur figure ; mais il n’est pas douteux que ces insectes ne sucent le sang des animaux & de l’homme par le moyen de leur trompe ; ils s’en remplissent l’estomac & tous les intestins. Le ventre qui est plat, flasque, & gris, lorsqu’il est vuide, devient arrondi, tendu, & rougeâtre, après qu’il a été rempli de sang ; & pour qu’il en contienne une plus grande quantité, on prétend que l’insecte rend les excrémens qui y étoient restés ; mais cette quantité est si petite, qu’elle seroit très-indifférente si nous ne ressentions pas une petite douleur dans l’instant de la piquûre, & sur-tout si elle n’étoit pas suivie d’une démangeaison assez forte, & d’une enflûre assez considérable. Sur les bords de la mer & dans les lieux marécageux, où il se trouve un plus grand nombre de ces insectes qu’ailleurs, il arrive que leurs piquûres sont si fréquentes, que des gens en ont eu les bras & les jambes enflés & affectes au point, qu’il étoit à craindre qu’on ne fût obligé de les couper. Pour l’ordinaire les piquûres de ces insectes ne sont pas si dangereuses, mais on en est assez incommodé pour en rechercher la cause & le remede.
L’aiguillon qui fait cette piquûre est si délié, qu’on a peine à l’appercevoir, & qu’on ne sait comment il est capable de causer de la douleur & des tumeurs dans la peau : on a cru que ces symptomes venoient de ce que l’aiguillon avoit une figure particuliere ; mais il y a là-dessus une autre opinion, c’est qu’il sort de la trompe une liqueur qui peut irriter la petite plaie. On a vû dans diverses circonstances de petites gouttes d’une liqueur claire au bout de la trompe, &c. cette eau sert peut-être à délayer le sang, & à le rendre assez fluide pour qu’il puisse entrer dans la trompe. On a comparé cette liqueur à la salive qui prépare les alimens à la digestion. Quoi qu’il en soit, il vaudroit encore mieux avoir un bon remede contre les piquûres du cousin, que de connoître la cause des accidens qu’elles font éprouver. On conseille de délayer avec de l’eau la liqueur que l’insecte a laissée dans la plaie, c’est-à-dire de laver la plaie aussi-tôt qu’on a été piqué, & même de la gratter pour l’aggrandir afin que l’eau y pénetre mieux. Pour l’ordinaire on ne la grate que trop, & l’enflûre n’en est que plus grande ; mais je ne doute pas que l’eau, ou tout autre topique émollient & rafraîchissant, ne puisse non-seulement adoucir la demangeaison & prévenir l’enflûre, mais même faire disparoître la tumeur lorsqu’elle est déjà formée ; & je crois qu’on ne doit pas négliger de traiter méthodiquement les piquûres de ces insectes, lorsqu’il y en a plusieurs sur une même partie. Il est à croire que le sang des animaux n’est pas un aliment nécessaire pour les insectes dont il s’agit, & que la plûpart vivent du suc des plantes, sans jamais sucer de sang.
Les cousins naissent dans les eaux croupissantes. On les trouve sous la forme de vers aquatiques dans les mares, depuis le mois de Mai jusqu’au commencement de l’hyver. Dans les années pluvieuses leur nombre est prodigieux : mais il est toûjours aisé d’en avoir ; il suffit de laisser un baquet plein d’eau à l’air, au bout de quelques semaines il y a des vers de cousins. Ceux des différentes especes peuvent varier en quelque chose dans leur figure ; mais ils se ressemblent tous pour les parties essentielles. Ces vers n’ont ni jambes ni dents ; le corps est allongé ; la tête bien détachée du premier anneau auquel elle tient par une espece de cou. Les anneaux sont au nombre de neuf ; le premier est beaucoup plus gros & plus long que les autres ; ils diminuent successivement de grosseur jusqu’au dernier, qui est le plus petit de tous : il y a une sorte de tuyau qui tient au dernier anneau, & qui pour l’ordinaire est dirigé obliquement en arriere & à côté : sa longueur est plus grande que celle des trois anneaux qui le précedent pris ensemble ; c’est par ce conduit que le ver respire. L’ouverture qui est à l’extrémité se trouve à la surface de l’eau, de sorte que l’insecte est comme suspendu la tête en bas. Dès qu’on agite l’eau, ces vers s’y enfoncent ; mais bien-tôt ils reviennent à la surface, où il est aisé de les voir, quoiqu’ils soient très petits. Un autre tuyau tient encore au dernier anneau ; il est aussi gros, mais plus court que l’autre, & il sert d’anus. Chacun des anneaux a de chaque côté une houpe de poils ; mais le premier en a trois. La couleur des anneaux est verdâtre ou blanchâtre, lorsque le ver est nouvellement éclos ; elle devient grisâtre lorsqu’il approche du tems de sa transformation. La tête est un peu plus brune que le reste de l’insecte : on voit une tache brune à l’endroit de chaque œil, & autour de la bouche des barbillons qui servent à diriger les alimens qui nagent dans l’eau. Il y a encore sur la tête deux antennes différentes de celles des insectes ailés ; elles sont courbées en arc, & n’ont qu’une articulation qui est à la base.
Le ver du cousin change trois fois de peau en quinze jours ou trois semaines. Avant que de se transformer à la quatrieme fois, il perd sa premiere forme, il se raccourcit & s’arrondit ; le corps est contourné de façon que la queue est appliquée contre le dessous de la tête, & que le tout a une forme lenticulaire : une partie de sa circonférence est plus épaisse que l’autre ; celle-là est à la surface de l’eau, & l’autre en-bas : on distingue sur la premiere deux sortes de cornes, ou plûtôt deux cornets qui ressemblent à des oreilles d’âne. Lorsque l’insecte nage, il déplie la partie du corps qui étoit recourbée en-dessous jusqu’auprès de la tête. Dans ce second état il peut être appelle nymphe ou chrysalide, parce qu’il a des qualités propres à l’une & à l’autre : alors il ne mange plus, mais il respire comme auparavant, quoique la situation des organes soit différente ; l’air entre par les cornets qui s’élevent sur le corcelet, & qui se trouvent à la surface de l’eau. L’état de nymphe dure plus ou moins, selon le degré de chaleur. Quelquefois la seconde transformation se fait onze ou douze jours après la naissance du ver ; & d’autres fois ce n’est qu’après quatre semaines.
Par cette transformation l’insecte passe de l’état de nymphe à celui d’insecte ailé, dans lequel nous lui donnons le nom de cousin. Pour y parvenir, il étend la partie postérieure du corps à la surface de l’eau, au-dessus de laquelle le corcelet paroît ; alors l’enveloppe extérieure de la nymphe se fend assez près des deux cornets, ou même entre ces deux cornets ; le corcelet se découvre, la fente s’aggrandit, & bientôt la tête du cousin s’éleve au-dessus des bords ; le corps suit, & à mesure que l’insecte sort de son enveloppe, il se redresse, & parvient enfin à mettre son corps dans une direction presque verticale, s’appuyant sur sa partie postérieure qui porte dans le milieu de sa dépouille comme un mât dans le milieu d’un bateau. En effet, la dépouille lui sert de barque ; & si par quelqu’accident l’insecte perd l’équilibre au point que l’eau passe par-dessus les bords de l’ouverture qu’il a faite dans sa dépouille lorsqu’il en est sorti, & qu’elle entre dans la cavité qui est restée vuide par le déplacement du corps de l’insecte, la barque est submergée, & il tombe dans l’eau où il périt à l’instant ; ce qui arive à une grande quantité de ces insectes lorsqu’il fait du vent dans le tems de leur transformation. Cependant pour l’ordinaire la barque se soûtient, & en une minute la manœuvre la plus difficile est achevée. Le cousin tire d’abord ses deux premieres jambes du fourreau, ensuite les deux suivantes, & les appuie sur l’eau en penchant son corps ; enfin il déplie ses ailes ; dans un instant elles se sechent, & l’insecte prend l’essor.
On ne sait pas comment, ni en quel lieu, ni en quel tems se fait l’accouplement de ces insectes ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils sont très-féconds ; une seule femelle produit deux cents cinquante ou trois cents, & même jusqu’à trois cents cinquante œufs d’une seule ponte ; & s’il ne faut que trois semaines ou un mois pour chaque génération, il pourroit y avoir six ou sept générations chaque année, puisqu’on trouve des œufs dans les mares depuis le mois de Mai jusqu’à l’hyver. Dès que l’on a vû des nymphes se transformer en cousins, dans un vase que l’on a rempli d’eau & exposé à l’air, comme il a déjà été dit, peu de jours après il se trouve dans le même vase de nouveaux œufs qui nagent sur la surface de l’eau ; ils sont oblongs, & plus gros à un bout qu’à l’autre : tous ceux qui viennent d’une même femelle sont rassemblés en un tas, situés verticalement le gros bout en bas, & l’autre en haut à la surface de l’eau. Ces œufs sont collés les uns aux autres, & disposés de façon qu’ils forment une sorte de radeau dont la figure approche de celle d’un bateau plat qui se soûtient sur l’eau ; car si elle y entroit, les œufs n’éclorroient pas. Lorsqu’on les regarde à la loupe, on voit que leur gros bout est terminé par une sorte de cou : d’abord ils sont blancs ; bien-tôt ils deviennent verds, & en moins d’une demi-journée leur couleur change encore en grisâtre. Lorsque le cousin femelle pond, il s’affermit avec ses quatre jambes antérieures sur quelque corps solide, & étend son corps sur la surface de l’eau, sans y toucher que par l’avant-dernier anneau : le dernier est relevé en-haut, & l’anus situé de façon que l’œuf en sort de bas en haut, & se trouve dans sa position verticale tout près des autres œufs déjà pondus, contre lesquels il se colle, parce qu’il est enduit d’une matiere gluante. Dans le commencement de la ponte, l’insecte soûtient les premiers œufs avec les jambes de derriere en les croisant ; il les écarte peu-à-peu à mesure que le tas augmente ; enfin il ne l’abandonne qu’a la fin de la ponte. Ces œufs ont sans doute été fécondés dans le corps de la femelle. On la distingue du mâle en ce que le corps de celui-ci est moins allongé & plus effilé, & terminé par des crochets ; au lieu de ces crochets ; la femelle a deux petites palettes. Mém. pour servir à l’hist. des insect. tome IV. p. 573 & suiv. Voyez Insecte. (I)
Cousin, s. m. (Jurisprud.) qualité relative de parenté qui se forme entre ceux qui sont issus de deux freres, ou de deux sœurs, ou d’un frere & d’une sœur. Les cousins sont paternels ou maternels ; on appelle cousins paternels, ceux qui descendent d’un frere ou sœur du pere de celui dont il s’agit ; les cousins maternels, sont ceux qui descendent des freres ou sœurs de la mere.
Les cousins paternels ou maternels sont en plusieurs degrés.
Le premier degré est des cousins germains, c’est-à-dire enfans de freres & sœurs.
Les cousins du second degré, qu’on appelle issus de germains, sont les enfans que les cousins germains ont chacun de leur côté.
Dans le troisieme degré on les appelle arriere-issus de germains ; ce sont les enfans des cousins issus de germains.
Au quatrieme degré, on les appelle simplement cousins au quatrieme degré ; & ainsi des autres degrés subséquens.
Les cousins peuvent se trouver en degré inégal ; par exemple, un cousin germain, & un cousin issu de germain ; en ce cas, on dit que le premier a le germain sur l’autre, & c’est ce que l’on appelle oncle ou tante à la mode de Bretagne. Si les deux cousins sont encore plus éloignés d’un degré, en ce cas le plus proche de la tige commune est, à la mode de Bretagne, le grand oncle du plus éloigné.
On voit dans une ordonnance de Charles V. du 5 Septembre 1368, qu’à Doüai deux cousins germains ne pouvoient en même tems être échevins ; & dans une autre du 28 Janvier suivant il est dit, qu’entre les trente personnes qui éliront le maire & échevins de Péronne, il ne pourra pas y en avoir plus de deux qui soient parens, si cela est possible ; que si cela ne se peut, & qu’il y en ait plus de deux qui soient parens, du moins il ne pourra y en avoir plus de deux qui soient cousins germains. (A)