L’Encyclopédie/1re édition/CYCLE de Jules-César

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CYCLE de Jules-César, (Chronologie.) tous ceux qui ont quelque connoissance des antiquités romaines, savent que Numa Pompilius avoit d’abord établi à Rome une année lunaire. Cette maniere de compter n’étoit point exacte, & étoit sujette à de grands inconvéniens. Jules César réforma le calendrier, & introduisit une année solaire de 365 jours & 6 heures : c’est ce que personne n’ignore ; mais on ne savoit pas si communément qu’il eût aussi corrigé son année sur les mouvemens de la lune, quoique Macrobe l’eût dit en termes exprès, & qu’il y eût de bonnes raisons d’en user ainsi, comme le cardinal Noris l’a montré au commencement de sa dissertation du cycle paschal des Latins. Il y a eu aussi des auteurs qui ont remarqué que l’église latine, avant le concile de Nicée, se servoit du cycle lunisolaire de Jules-César.

M. Bianchini, dans sa dissertation latine imprimée à Rome in-fol. en 1703, donne une description & une explication générale du cycle de César, que l’on a trouvée sur un ancien marbre. Il rapporte l’inscription complette de ce monument, qui avoit été gravée du tems d’Auguste, & qui ne fut retrouvée que sur la fin du seizieme siecle à Rome, sous la colline des jardins & en quelques autres endroits. Celle de Rome avoit été placée dans le palais des Massei, & on l’y voyoit au tems que Paul Manuce, Charles Sigonius, Jean Gruter, Joseph Scaliger, & d’autres la publierent, & tâcherent de l’expliquer. Depuis elle a été égarée jusqu’à ce que M. Bianchini l’ait retrouvée. Quoiqu’elle soit rompue, les morceaux rajustés l’un avec l’autre la représentent entiere, excepté quelques lignes qui étoient au-dessus, mais qui ne font pas une partie du calendrier. Il paroit par plusieurs dates des principaux événemens arrivés sous Jules-César & sous Auguste, que ce calendrier avoit été fait sous ce dernier ; car il n’y est point fait mention des empereurs suivans.

Il est divisé en douze colonnes, dont chacune contient les jours de chaque mois. Les jours y sont distingués en ceux qu’on appelle fasti, nefasti, nefasti primo, & comitiales, par les lettres F. N. N. P. & C. Les jeux publics & les fêtes y sont ensuite exprimés en plus petites lettres. Mais ce qu’il y a de plus singulier, ce sont les huit premieres lettres de l’alphabet qui y sont répétées par ordre, en commençant par A, & finissant par H, depuis le premier jour de l’an jusqu’au dernier. Joseph Scaliger a cru que ces lettres marquoient les nundines ou les jours de marché qui revenoient de neuf en neuf jours ; mais M. Bianchini remarque que pour marquer les nundines, il faudroit neuf lettres, à quoi il ajoute encore d’autres raisons pour prouver que Scaliger s’est trompé.

Comme il est marqué dans les premieres lignes de ce monument qu’il avoit été peint, M. Bianchini soupçonne que la variété des couleurs pouvoit avoir servi à distinguer quelque cycle dans ce calendrier. Il observe ensuite que Jules-César dans sa maniere de régler l’année, ne suivit ni la méthode des Chaldéens, ni celle des Egyptiens, ni celle des Grecs, mais une quatrieme, comme Pline le témoigne, qui ne laissoit pas néanmoins d’avoir du rapport avec les précédentes. C’est ce qu’on pourra reconnoître, si l’on peint de couleurs différentes, les ogdoades ou huitaines de lettres qui suivent immédiatement les solstices & les équinoxes. On peut se servir en cette occasion des couleurs du cirque.

La premiere huitaine qui commence au premier de Janvier, & qui va jusqu’au huit, peut être peinte de couleur blanche ; la seconde huitaine depuis le 9 jusqu’au 16 du même mois, de couleur verte ; la troisieme depuis le 17 jusqu’au 24, de couleur rouge ; la quatrieme depuis le 25 jusqu’au premier de Février, de bleu. Ces jours pourront être mis dans une colonne qui représentera l’hiver. Il faudra faire la même chose depuis le 30 de Mars, auquel jour se trouve la lettre A, la premiere fois après l’équinoxe du printems, & la peindre en blanc, & les sept suivantes jusqu’au 6 d’Avril, & garder le même ordre de couleurs qu’auparavant dans les trois autres huitaines. On appellera cette colonne la colonne du printems. On procédera de même dans la colonne d’été, qui commence après le solstice du cancer, au 26 de Juin où dans le calendrier se trouve la lettre A, pour la premiere fois après ce solstice. On en fera autant à la colonne d’automne, qui commence au 22 Sept. où se trouve la premiere lettre A, après l’équinoxe.

Cela étant établi, M. Bianchini explique la maniere de ce cycle lunaire recueilli de ces lettres, & comparé avec l’ennéadécaétéride de Méton & celle d’Alexandrie ; & il fait voir l’usage de ce cycle pour bien marquer l’âge de la lune conformément à l’usage civil. Il montre ensuite l’usage de ce même cycle parmi les Romains, & parmi la plûpart des peuples qui étoient soumis à leur empire. La plûpart des fêtes payennes étant fixées à certaines saisons, selon les mouvemens lunisolaires, le cycle de César étoit très propre à les marquer. Il montre enfin la même chose par le moyen des médailles frappées pour célébrer les jeux & les fêtes en l’honneur des dieux. (D. J.)