L’Encyclopédie/1re édition/DIAMANT

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DIAMANT, adamas, s. m. (Hist. nat. Minéral.) De toutes les matieres dont les hommes sont convenus de faire la représentation du luxe & de l’opulence, le diamant est la plus précieuse : les métaux les plus purs, l’or & l’argent, ne sont que des corps bruts en comparaison du diamant. Il réunit les plus belles couleurs de l’hyacinthe, de la topase, de l’émeraude, du saphir, de l’amétiste, du rubis, &c. & il surpasse toutes ces pierres par son éclat. Non-seulement il est plus brillant que toute autre matiere minérale, mais il est aussi plus dur. Sa dureté & sa pesanteur spécifique font son vrai caractere distinctif pour les Naturalistes. Sa dureté & sa transparence sont la cause du poli vif dont il est susceptible, & des reflets éclatans dont il frappe les yeux. Le diamant possede toutes ces qualités à un degré si éminent, que dans tous les siecles, & chez toutes les nations policées, il a été regardé comme la plus belle des productions de la nature dans le regne minéral : aussi a-t-il toûjours été le signe le plus en valeur dans le commerce, & l’ornement le plus riche dans la société.

Il y a très-peu de mines de diamans ; c’est ainsi que l’on nomme les lieux où l’on trouve cette pierre. Il semble que la Nature soit avare d’une matière si parfaite & si belle. Jusqu’à ce siecle on ne connoissoit de mines de diamant que dans les Indes orientales ; mais on en a trouvé depuis en Amérique, dans le Bresil : cette découverte donne lieu d’espérer que dans la suite on pourra en trouver encore d’autres.

Les mines de diamant connues en Asie sont dans les royaumes de Visapour, de Golconde, de Bengale, sur les bords du Gange, dans l’île de Borneo. On dit qu’il y en a aussi dans le royaume de Pégu.

La mine de Raolconda est dans la province de Carnatica, à cinq journées de Golconde, & à huit ou neuf de Visapour. Dans ce lieu la terre est sablonneuse, pleine de rochers, & couverte de taillis. Les roches sont séparées par des veines de terre d’un demi-doigt, & quelquefois d’un doigt de largeur ; & c’est dans cette terre que l’on trouve les diamans. Les mineurs tirent la terre avec des fers crochus ; ensuite on la lave dans des vaisseaux convenables pour en séparer les diamans. On répete cette opération deux ou trois fois, jusqu’à ce qu’on soit assûré qu’il n’en reste plus.

La mine appellée gani en langue du pays, & coulour en langue persienne, est à sept journées de Golconde du côté du levant. Il y a souvent jusqu’à soixante mille ouvriers, hommes, femmes, & enfans, qui exploitent cette mine. Lorsqu’on est convenu de l’endroit que l’on veut fouiller, on en applanit un autre aux environs, & on l’entoure de murs de deux piés de haut, & d’espace en espace on laisse des ouvertures pour écouler les eaux ; ensuite on fouille le premier endroit : les hommes ouvrent la terre, les femmes & les enfans la transportent dans l’autre endroit qui est entouré de murs. La fouille ne va pas à plus de douze ou quatorze piés, parce qu’à cette profondeur on trouve l’eau. Cette eau n’est pas inutile ; on en puise autant qu’il en faut pour laver la terre qui a été transportée ; on la verse par-dessus, & elle s’écoule par les ouvertures qui sont au pié des murs : la terre ayant été lavée deux ou trois fois, on la laisse sécher, & ensuite on la vanne dans des paniers faits à-peu-près comme les vans dont nous nous servons en Europe pour les grains. Après cette opération on bat la terre grossiere qui reste, pour la vanner de nouveau deux ou trois fois ; alors les ouvriers cherchent les diamans à la main, & ils manient cette terre jusqu’à ce qu’ils les ayent tous retirés.

On avoit encore découvert deux autres mines de diamans ; l’une entre Coulour & Raolconda, & l’autre dans un endroit de la province de Carnatica ; mais elles ont été abandonnées presqu’aussi-tôt que découvertes, parce que les diamans que l’on en tiroit étoient défectueux : ceux de la mine de Carnatica étoient noirs ou jaunes ; il n’y en avoit aucun de bonne eau : ceux de l’autre mine se mettoient en morceaux lorsqu’on les égrisoit, & ils ne pouvoient pas résister à la roue. Tavernier, voyage des Indes, liv. II. ch. xv. & xvj.

On trouve dans les transactions philosophiques la description de plusieurs mines de diamans de la côte de Coromandel, présentée en 1678 à la société royale par le grand maréchal d’Angleterre, qui avoit parcouru & visité les mines qu’il décrit.

Les mines de diamans sont près des montagnes qui s’étendent depuis le cap Comorin jusque dans le royaume de Bengale : il y a sur ces montagnes, dit l’auteur, un peuple appellé Hundus, gouverné par de petits souverains qui portent le nom de rasacs ; ce peuple ne travaille qu’à un petit nombre de mines, & avec précaution, dans la crainte d’attirer les Noirs qui se sont déjà emparés de la plaine. Les rois de Golconde & de Visapour ne font travailler que certaines mines particulieres, pour ne pas rendre les diamans trop communs, & encore se reservent ils les plus gros ; c’est pourquoi il y a en Europe très-peu de diamans d’un grand volume.

Il y avoit du tems de l’auteur vingt-trois mines ouvertes dans le royaume de Golconde.

Celle de Quolure ou Colure, qui est sans doute la même dont il a déjà été fait mention dans cet article sous le nom de Coulour. L’auteur fait observer que c’est la premiere mine que l’on ait ouverte dans le royaume de Golconde, & que les veines en sont presqu’épuisées. La terre en est jaunâtre, & blanche dans les endroits où il y a quantité de petites pierres qui servent d’indice pour les mineurs. Les diamans ne sont pas rassemblés par tas dans les veines de cette mine ; on creuse quelquefois un quart d’acre sans en trouver. Ils sont pour l’ordinaire bien formés, pointus, & d’une belle eau : il y en a aussi de jaunes, de bruns, & d’autres couleurs. La plûpart ne pesent que depuis un grain jusqu’à vingt-quatre ; cependant il s’en trouve, mais rarement, de quarante, soixante, & quatre-vingt grains : ceux-ci ont une écorce luisante & transparente, & un peu verdâtre, quoique le cœur de la pierre soit d’un beau blanc : on les trouve à trois brasses de profondeur, & on ne creuse pas plus loin parce qu’il y a de l’eau.

Dans les mines de Codardillicub, de Malabar, & de Buttephalem, la terre est rougeâtre, & de couleur approchante de l’orangé. Les diamans y sont plus petits que dans la mine de Colure, mais d’une très-belle eau ; leur croûte est crystalline. On creuse cette mine jusqu’à quatre brasses de profondeur.

Les mines de Ramiah, de Garem, & de Muttampellée, ont une terre jaunâtre, & plusieurs de leurs diamans sont d’une eau bleuâtre.

Ceux de la mine de Currure pesent jusqu’à neuf onces poids de Troye, ou quatre-vingts pagos & demi : ils sont bien formés ; il y en a peu de petits : ils ont l’écorce luisante, & d’un verd pâle ; mais le dedans se trouve très-blanc : la terre est rougeâtre.

La terre & les diamans des mines de Canjecconcta, Lattawaar, ressemblent à celles de Currure, qui n’en est pas éloignée : cependant il y a dans la mine de Lattawaar des diamans qui ont la forme du gros bout d’une lame de rasoir : ils sont d’une très-belle eau.

Dans les mines de Jonagerrée, de Pirai, de Duqullée, de Purwillée, & d’Anuntapellée, la terre est rougeâtre ; il y a de gros diamans, d’une très-belle eau.

Toutes ces mines ne sont creusées qu’à une petite profondeur ; mais celles de Wasergerrée & de Mannemurg ont jusqu’à quarante ou cinquante brasses, dans des rochers : la premiere couche est d’une pierre dure & blanche, dans laquelle on creuse un puits de quatre, cinq ou six piés de profondeur, pour arriver à une sorte de minerai de fer : on remplit le trou avec du bois, on y met le feu, & on l’entretient dans toute sa force pendant deux ou trois jours ; ensuite on l’éteint avec de l’eau ; par ce moyen on rend la pierre moins dure, & on creuse de nouveau lorsqu’elle est refroidie : en répétant cette manœuvre, on enleve la couche de minerai, qui a trois ou quatre piés d’épaisseur au plus : on rencontre une veine de terre qui s’étend sous le rocher au moins à deux ou trois brasses : on enleve cette terre, & si on y trouve des diamans, on creuse jusqu’à l’eau ; c’est-là le dernier terme, parce qu’on ne sait pas épuiser les eaux par le secours des machines. On trouve aussi des diamans en cassant le minerai. Ces mines sont moins fréquentées que les autres, parce qu’elles exigent plus de dépense. La terre en est rouge ; il y a de grosses pierres, dont la plûpart sont de belle eau ; mais elles sont raboteuses, & de mauvaise forme.

La mine de Langumboot ne differe des deux précédentes, qu’en ce que le rocher n’est pas si dur.

Les diamans de la mine de Whootoor sont dans une terre : au reste ils ressemblent beaucoup à ceux de la mine de Currure qui est dans les environs.

La mine de Muddemurg surpasse les autres pour la beauté des diamans : quoiqu’il s’en trouve quelques uns qui ayent des veines, on les reconnoît à peine, tant leur figure & leur eau sont belles. La plûpart ne pesent pas plus de vingt quatre ou de vingt huit grains ; cependant il y en a aussi de gros. La terre est rougeâtre. Cette mine est aisée à exploiter ; ses veines sont peu profondes & fort abondantes ; mais le pays est très-mal sain, sur-tout pour les étrangers, parce qu’il est couvert de bois, & que les eaux y sont mauvaises ; c’est pourquoi elle est peu fréquentée.

La mine de Melwillée fut découverte en 1670 : la terre en est rouge, & s’attache à la croûte du diamant : ils sont en grand nombre & d’une belle figure, & pesent jusqu’à soixante grains ; il y en a même de plus gros : la plûpart ont l’écorce épaisse & matte ; leur eau est jaunâtre, & a peu de vivacité ; ils paroissent blancs au sortir de la mine, mais ils deviennent jaunes sur la meule ; d’ailleurs on les croit moins durs que ceux des autres mines ; aussi sont-ils moins recherchés & à moindre prix.

On ne doute pas que les mines du royaume de Visapour ne renferment des diamans aussi gros & aussi beaux que ceux du royaume de Golconde ; mais la politique du roi de Visapour est de ne permettre l’exploitation que des mines où il ne se trouve que de petits diamans : il y a moins de frais à faire, & moins de risques à courir dans ces mines, que dans celles de Golconde ; mais aussi il y a moins à gagner. Il y avoit du tems de l’auteur de la description dont nous donnons l’extrait, quinze mines ouvertes dans le royaume de Visapour.

La terre de la mine de Ramulconeta est rouge ; on la creuse, dit l’auteur, jusqu’à quinze ou vingt-six piés de profondeur : les diamans sont très-petits, mais d’une belle eau ; leur écorce est claire & luisante, & leur couleur verdâtre ; ils sont bien formés, & il y en a peu qui soient pointus.

Les mines de Banugunnapellée, de Pendekull, de Moodanwarum, de Cummerwillée, de Paulkull, & de Workull, ressemblent à celles de Ramulconeta ; cependant il n’y a que de très-petits diamans dans les trois dernieres. Toutes ces mines sont à de petites distances les unes des autres.

Dans les mines de Longepoleur la terre est jaunâtre, & les diamans bien formés, de figure ronde, d’une eau crystalline, & d’une écorce luisante : elle est épaisse dans plusieurs, & de couleur de verd de pré obscur : quelques-uns ont l’écorce marquée de noir ; cependant ils sont blancs, purs, & clairs en-dedans. Ces diamans pesent au plus huit ou douze grains ; il s’en trouve peu de petits.

La terre de la mine Pootloor est rougeâtre ; les diamans ne different de ceux de Longepoleur, qu’en ce qu’ils sont beaucoup plus petits.

Dans les mines de Punchelingull, de Shingarrampent, & de Tondarpaar, la terre est rougeâtre ; il y a peu de gros diamans ; ils ressemblent à ceux de Colure.

La mine de Gundepellée a des diamans d’une eau plus pure & plus crystalline que ceux des mines précédentes ; mais la couleur de la terre & la grosseur des diamans sont les mêmes.

La terre des mines de Donée & de Gazerpellée est rougeâtre ; les diamans sont bien formés & de belle eau : leur grosseur est moyenne pour l’ordinaire ; cependant il y en a de plus gros à Gazerpellée qu’en aucune autre mine du royaume de Visapour.

Dans toute, les mines dont il vient d’être fait mention, tant du royaume de Golconde que de celui de Visapour, les diamans sont cachés dans la terre, de façon qu’on en apperçoit rarement en la creusant ; il faut la tenir à la main. Dans la mine de Melwillée ils sont encroûtés de sable, & on ne peut les distinguer des graviers qu’après les avoir frottés contre une pierre. Pour l’ordinaire on lave la terre de la mine selon le procédé que nous avons rapporté au sujet de la mine de Coulour ; ce lavage finit à dix heures, afin de pouvoir faire la recherche des diamans qui restent dans le gravier au fond du puits, dans le milieu du jour, à la plus grande lumiere du soleil : on étend ce gravier sur un terrein bien uni ; & lorsqu’il est sec, les ouvriers les plus expérimentés sont employés pour en retirer les diamans. Transact. philos. ann. 1678.

Il y a dans le royaume de Bengale une riviere appellée Goüel, où on trouve des diamans : elle sort des montagnes qui sont du côté du midi, & va perdre son nom dans le Gange. Quoique la mine de diamant soit dans cette riviere, on ne lui a cependant pas donné le nom de Gouel ; on l’appelle mine de Soumelpour, qui est le nom d’un gros bourg situé assez près de l’endroit de la riviere où l’on trouve les diamans. Cette mine a été découverte avant toutes les autres.

On n’y peut travailler que sur la fin de Janvier & au commencement de Février, lorsque les grandes pluies qui tombent ordinairement au mois de Décembre & auparavant sont écoulées, & lorsque les eaux de la riviere sont éclaircies. Alors les ouvriers qui habitent tous dans le bourg de Soumelpour & quelques villages voisins, remontent la riviere jusqu’aux montagnes d’où elle sort, au nombre d’environ huit mille, de tout sexe & de tout âge. Les eaux sont assez basses pour qu’on puisse distinguer le sable au fond du lit de la riviere, & en reconnoître la qualité. Les ouvriers les plus expérimentés prétendent que les endroits les plus abondans en diamans sont ceux où l’on voit de ces pierres que nous appellons pierres de tonnerre ou de foudre ; c’est une marcassite, & quelquefois une échinite. Lorsque les ouvriers ont choisi les endroits où ils veulent travailler, ils en détournent l’eau en faisant une digue avec de la terre, des fascines & des pierres : ensuite ils tirent le sable jusqu’à deux piés de profondeur, & ils le portent sur le bord de la riviere dans un lieu entouré de murs : alors ils arrosent ce sable pour le laver, ils le vannent, & enfin ils cherchent les diamans comme on le fait dans la mine de Coulour.

On ne connoît presque que le nom d’une riviere de l’île de Borneo, où on trouve des diamans : elle est appellée Succadan ; on sait seulement que les endroits de cette riviere où est la mine de diamans, sont plus avancés dans les terres que Sambas & Succadana, qui sont les lieux où les habitans du pays apportent les diamans pour les vendre. Ces habitans sont féroces & cruels ; les Portugais n’ont jamais pû établir un commerce stable & assûré avec eux : d’ailleurs les souverains du pays ne veulent pas laisser sortir les diamans de chez eux ; ceux que l’on en tire sont vendus en fraude par les ouvriers, qui les volent dans la mine malgré toute la vigilance des surveillans. Tavernier, voyage des Ind. liv. II. ch. xvij. Voyez le dictionn. du Comm. au mot Diamant.

On a trouvé au Bresil dans ce siecle des diamans & d’autres pierres précieuses, comme des rubis, des topases, des péridots, &c. Ces pierres du Bresil sont belles ; on les vend assez cher ; mais on craint qu’elles ne baissent de prix, parce que la mine est fort abondante.

Le diamant au sortir de la mine est revêtu d’une croûte obscure & grossiere, qui laisse à peine appercevoir quelque transparence dans l’intérieur de la pierre ; de sorte que les meilleurs connoisseurs ne peuvent pas juger de sa valeur : ainsi encrouté, on l’appelle diamant brut. Dans cet état il a naturellement une figure déterminée comme le crystal de Spath. Mais cette figure n’est pas la même dans tous les diamans, & nous avons peu de descriptions satisfaisantes sur ce sujet. M. Wallérius, dans sa minéralogie, distingue quatre especes de diamans, qu’il caractérise par la figure. 1°. Le diamant octahedre en pointe ; sa figure ne differe de celle du crystal exagone, qu’en ce qu’il est terminé en pointe à huit côtés. 2°. Les diamans plats : ceux-ci ne sont pas terminés en pointe ; au contraire, ils sont absolument plats ; il y en a de différentes figures & de différentes épaisseurs. 3°. Le diamant cubique : il paroît être composé de plusieurs cubes ; il s’en trouve qui sont sphériques, quoiqu’on y distingue des cubes brillans. La quatrieme espece ne mérite en aucune façon le nom de diamant, parce que ce n’est que du crystal ; de même que les pierres qui passent sous le nom de diamans d’Alençon, de diamans de Canada, &c. ce ne sont que de faux diamans.

La premiere opération de la taille du diamant, est celle par laquelle on le décroûte : mais cette matiere est si dure, que l’on n’en connoît aucune autre qui puisse la diviser par le frottement, c’est-à-dire en terme d’art, qui puisse mordre dessus ; en effet lorsqu’on frotte un diamant avec la meilleure lime, on use la lime, tandis que le diamant reste dans son entier ; la poussiere du grès, du caillou, du crystal, &c. est réduite sous le diamant en poudre impalpable sans y laisser la moindre impression : il a donc fallu opposer le diamant au diamant même pour le travailler. On les frotte les uns contre les autres pour les user, c’est ce qu’on appelle égriser les diamans. On les mastique chacun au bout d’un petit bâton en forme de manche, que l’on peut aisément tenir à la main pour les frotter avec plus de facilité ; par ce moyen les diamans mordent l’un sur l’autre, & il s’en détache une poussiere que l’on reçoit dans une petite boîte nommée égrisoir ; cette poussiere sert ensuite à les tailler & à les polir. Pour leur donner le poli, il faut suivre le fil de la pierre, sans cette précaution on n’y réussiroit pas, au contraire le diamant s’échaufferoit sans prendre aucun poli, comme il arrive dans ceux qui n’ont pas le fil dirigé uniformément : on les appelle diamans de nature : les Diamantaires les comparent à des nœuds de bois, dont les fibres sont pélotonnées de façon qu’elles se croisent en différens sens.

Lorsque le diamant est décroûté, on peut juger de sa transparence & de sa netteté. Dans le commerce on entend par eau, la transparence du diamant. Un diamant d’une eau seche & d’une eau crystalline, est un diamant d’une belle transparence. Les défauts qui se trouvent dans la netteté des diamans, sont les couleurs sales & noirâtres, les glaces, les points rouges ou noirs, les filandres, les veines. On a exprimé les défauts par différens noms, comme tables, dragoneaux, jardinages, &c. en général ils ne viennent que de deux causes ; savoir, des matieres étrangeres qui sont incrustées dans le diamant, de-là les points, les filandres, les veines, &c. la seconde cause est le vuide qui est dans les félures qui arrivent au diamant lorsqu’on le tire de la mine, parce que les mineurs cassent les rochers à coups de masse, le coup retombant sur les diamans qui touchent par hasard au morceau de roche, les étonne, c’est-à-dire les fele. Les deux principales qualités du diamant sont la transparence & la netteté ; mais il y en a une troisieme, qui n’est pas moins essentielle à la beauté de la pierre, & qui dépend naturellement des deux premieres, mais qui a besoin du secours de l’art pour être perfectionnée ; c’est l’éclat & la vivacité des reflets.

Un diamant d’une eau pure & nette doit avoir des reflets vifs & éclatans, si la pierre est taillée dans de justes proportions. Il y a différentes façons de tailler le diamant & les autres pierres précieuses. Voyez à l’article Pierre précieuse, la description de cet art, & du moulin dont on se sert. Nous renvoyons cette matiere à cet article, parce que la manœuvre & les instrumens sont communs pour toutes les pierres précieuses. La taille qui produit le plus grand effet, est la taille en brillant : pour l’exécuter, on forme trente-trois faces de différentes figures, & inclinées sous différens angles, sur le dessus de la pierre, c’est-à-dire sur la partie qui est hors de l’œuvre : on fait vingt-cinq autres faces sur la partie qui est dans l’œuvre, aussi de différentes figures & inclinées différemment, de sorte que les faces du dessus correspondent à celles du dessous dans des proportions assez justes pour multiplier les reflexions, & pour donner en même tems quelque apparence de réfraction à certains aspects ; c’est par cette méchanique que l’on donne des reflets au diamant, & des rayons de feu qui sont une apparence de réfraction dans laquelle on voit en petit les couleurs du spectre solaire, c’est-à-dire du rouge, du jaune, du bleu, du pourpre, &c. Peut-être y auroit-il moyen par des expériences réitérées de perfectionner la taille des brillans ; mais pour cela il faudroit avoir des pierres d’une très-grande étendue, & risquer de les gâter ; car on est toûjours obligé de faire un grand nombre de tentatives avant que d’arriver au but que l’on s’est proposé.

La couleur du diamant varie à l’infini : on en trouve de toutes les couleurs & de toutes les nuances de couleur. Je ne sai cependant pas, quoi qu’en disent nos Jouailliers, si on a jamais vû des diamans d’un aussi beau rouge, d’un aussi beau pourpre que le rubis, d’un aussi bel orangé que l’hyacinthe, d’un aussi beau verd que l’émeraude, d’un aussi beau bleu que le saphir, &c. Le diamant verd, lorsque la couleur est d’une bonne teinte, est le plus rare ; il est aussi le plus cher. Le diamant couleur de rose & le bleu sont très-estimés, même le jaune. Les diamans roux ou noirâtres ne sont que trop communs ; ces couleurs passent pour un défaut qui en diminue beaucoup le prix ; en effet elles offusquent la pierre.

On a attribué autrefois au diamant une infinité de propriétés pour la Medecine, mais il est inutile de les rapporter ici parce qu’elles sont toutes fausses.

On pese le diamant au carat. Le carat est de quatre grains, un peu moins forts que ceux du poids de marc, & chacun de ces grains se divise en demi, en quarts, en huitiemes, en seiziemes, &c.

Les plus beaux diamans que l’on connoisse sont celui du grand-mogol, du poids de 279 carats neuf seiziemes de carat ; Tavernier l’a estimé 11723278 liv. 14 s. 9 d.

Le diamant du grand-duc de Toscane, qui pese 139 carats ; Tavernier l’a estimé 2608335 liv.

Le grand sancy qui fait partie des diamans de la couronne, qui pese 106 carats, on croit que c’est par corruption de la prononciation du nombre cent six qu’on l’a appellé sancy ; d’autres prétendent que c’est parce qu’il a appartenu autrefois à quelqu’un de la maison de Harlay de Sancy.

Le pitre que M. le duc d’Orléans acquit pour le Roi pendant sa régence, pese cinq cents quarante-sept grains parfaits ; il couta 2500000 livres : on l’a appellé Pitre par corruption de Pits, qui étoit le nom d’un gentilhomme anglois, de qui on acheta cette belle pierre. Voyez Pierres Précieuses.

On trouvera à l’artic. Pierres précieuses, des tables du prix des diamans, auquel on pourra rapporter le prix des autres pierres. (I)

Diamant dont se sert le Peintre en émail ; ce n’est qu’un petit éclat de diamant bien pointu, que l’on fait sortir au bout d’un petit bâton avec une virole de cuivre ou d’argent.

Les Emailleurs se servent du diamant pour crever les petits œillets qui se forment sur l’émail en se parfondant.

Diamant, en terme de Tireur d’or, c’est proprement une pointe fort courte, & qui ne sert qu’à commencer le trou de la filiere.

Diamant, les Vitriers appellent ainsi un diamant fin, dont ils se servent pour couper le verre. Il est monté à l’extrémité d’un petit manche.

On ne se servoit autrefois que d’émeril ; & comme il ne pouvoit pas couper les plats ou tables de verre épais, on y employoit une verge de fer rouge.