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L’Encyclopédie/1re édition/DIOCESE

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DIOCESE, s. m. (Jurisprud.) du mot grec διοίκησις, qui signifie une province ou certaine étendue de pays dont on a le gouvernement ou l’administration ; & le gouvernement même de ce pays étoit autrefois chez les Grecs & chez les Romains un gouvernement civil & militaire d’une certaine province ; présentement parmi nous & dans tout le monde chrétien, c’est le gouvernement spirituel d’une province confiée à un évêque ou le ressort de plusieurs diocèses particuliers soûmis à un archevêque métropolitain.

Strabon qui écrivoit sous Tibere, dit que les Romains avoient divisé l’Asie en diocèses ou provinces, & non pas par peuples ; il se plaint de la confusion que cela causoit dans la géographie. Dans chacun de ces diocèses il y avoit un tribunal où l’on rendoit la justice ; chaque diocèse ne comprenoit alors qu’une seule jurisdiction, un certain district ou étendue de pays qui ressortissoit à un même juge. Ces diocèses avoient leurs métropoles ou villes capitales ; chaque métropole avoit sous elle plusieurs diocèses qui étoient de son ressort.

Constantin le Grand changea la forme de cette distribution. Il divisa l’empire en treize grands diocèses, préfectures ou gouvernemens ; il y en avoit même un quatorzieme en comptant la ville de Rome & les villes appellées suburbicaires. Toute l’Italie étoit divisée en deux diocèses, l’un appellé diœcesis suburbicaria, parce qu’il étoit le plus proche de la ville de Rome ; le second appellé diœcesis Italiæ, qui comprenoit le reste de l’Italie.

On comptoit dans l’empire 120 provinces, & chacun des quatorze grands diocèses ou gouvernemens comprenoit alors plusieurs provinces & métropoles, au lieu qu’auparavant une même province comprenoit plusieurs diocèses.

Chaque diocèse particulier étoit gouverné par un vicaire de l’empire qui résidoit dans la principale ville de son département : chaque province avoit un proconsul qui demeuroit dans la capitale ou métropole ; & enfin le préfet du prétoire qui avoit un des quatorze grands diocèses ou gouvernemens commandoit à plusieurs diocèses particuliers.

Le gouvernement ecclésiastique fut réglé sur le modele du gouvernement civil. Dans la primitive église les Apôtres envoyerent dans toutes les villes où J. C. étoit reconnu, quelques-uns de leurs disciples en qualité d’administrateurs spirituels & ministres de la parole de Dieu, lesquels furent tous appellés indifféremment prêtres ou anciens, évêques, pasteurs, & même papes.

Dans la suite on choisit dans chaque ville un de ces prêtres pour être le chef des autres, auquel le titre d’évêque demeura propre, les autres prêtres formerent son conseil.

La religion de J. C. faisant de nouveaux progrès, on bâtit d’autres églises, non seulement dans les mêmes villes où il y avoit un évêque, mais aussi dans les autres villes, bourgs & villages, & dans chaque lieu l’évêque envoyoit un de ses prêtres pour enseigner & administrer les saints mysteres, selon que le contient le decret du pape Anaclet, à la charge que l’un d’eux ne pourroit entreprendre ni administrer en l’église de l’autre, singuli per singulos titulos suos ; ensorte que l’on pourroit rapporter à ce pape la premiere division des diocèses : cependant on tient communément que le pape Denis fut l’un de ceux qui établit le mieux cette police vers l’an 266. On trouve dans le decret de Gratien le discours de ce pape à Severinus, évêque de Cordoue : nous ne saurions, dit-il, te dire mieux, sinon que tu dois suivre ce que nous avons établi en l’église Romaine, en laquelle nous avons donné à chaque prêtre son église ; nous avons distribué entr’eux les paroisses & les cimetieres, si bien que l’un n’a puissance dans l’enclos de l’autre. cap. j. xiij. quæst. 1. Il en est écrit autant des évêques, l’un desquels ne peut ni ne doit entreprendre quelque chose au diocèse de son co-évêque. Le pape Calixte I avoit déjà ordonné la même chose pour les évêques, primats & métropolitains ; mais on ne voit pas que le terme de diocèse fût encore usité pour désigner le territoire d’un évêque ou d’un archevêque ; on disoit alors la paroisse d’un évêque ou d’un archevêque ou métropolitain ; le terme de diocèse ne s’appliquoit qu’à une province ecclésiastique qui comprenoit plusieurs métropolitains, & dont le chef spirituel avoit le titre de patriarche, exarque, ou primat.

Dans la suite ces titres d’exarque & de patriarche se sont effacés dans la plûpart des provinces ; il est seulement resté quelques primaties ; le territoire de chaque métropolitain a pris le nom de diocèse, & ce nom a été enfin communiqué au territoire de chaque évêque soûmis à un métropolitain ; de sorte que le terme de diocèse a été pris pour le spirituel en trois sens différens, d’abord pour un patriarchat ou exarcat seulement, ensuite pour une métropole, & enfin pour le territoire particulier d’un évêque.

Présentement on entend également par là le territoire de l’évêque & celui du métropolitain, comme on le voit dans le canon nullus 3. causâ 2. quest. 2.

Le concile de Constantinople tenu en 381, défend aux évêques, qui sont hors de leur diocèse, de rien entreprendre dans les églises qui sont hors leurs limites, & de ne point confondre ni mêler les églises.

Le métropolitain ne peut même, sous prétexte de la primauté qu’il a sur ses suffragans, rien entreprendre dans leur diocèse, ce rang ne lui ayant été donné que pour l’ordre qui se doit observer dans l’assemblée des évêques de la province ; & cette assemblée peut seule corriger les fautes qui seroient échappées à un des évêques de la province : c’est ce que portent les decrets des conciles de Sardes, & les second & troisieme conciles de Carthage. Celui d’Ephese dit aussi la même chose ; & le premier concile de Tours ajoute que celui qui feroit au contraire sera déposé de sa charge. Martin, évêque de Bracare, en son livre des conciles Grecs, rapporte un chapitre, suivant lequel, ce que l’évêque fait hors de son diocèse est nul. Bede rapporte la même chose d’un concile tenu en Angleterre en 670 sous le regne d’Egfredus ; l’évêque de Nicée fut accusé de cette faute au concile de Chalcédoine tenu sous Valentinien III & Marcien II ; ce fut aussi l’un des chefs de la condamnation prononcée par Félix évêque de Rome, contre Acace schismatique.

Au surplus la division de l’église soit en diocèses ordinaires ou en diocèses métropolitains, n’a jamais donné atteinte à l’unité de l’église ; ces divisions n’étant que pour mettre plus d’ordre dans le gouvernement spirituel.

Présentement par le terme de diocèse on n’entend plus que le territoire d’un évêque ou archevêque, considéré comme évêque seulement ; le ressort du métropolitain s’appelle métropole, & celui du primat s’appelle primatie. Le métropolitain n’a plus le pouvoir de visiter le diocèse de ses suffragans, il n’a que le ressort en cas d’appel.

Quoique pour la division des diocèses on ait originairement suivi celle des provinces, on n’a pas depuis toûjours observé la même chose ; & les changemens qui arrivent par rapport à la division des provinces pour le gouvernement temporel, n’en font aucun pour la division des diocèses.

Chaque diocèse est ordinairement divisé en plusieurs archidiaconés, & chaque archidiaconé en plusieurs doyennés.

L’évêque n’a ordinairement qu’un official, à moins que son diocèse ne soit situé en divers parlemens, ou en partie sous une domination étrangere ; dans ces cas il doit avoir un official dans le territoire de chaque parlement ou de chaque souveraineté.

Le clergé de chaque diocèse nomme un syndic pour stipuler les intérêts aux assemblées diocésaines. (A)