L’Encyclopédie/1re édition/DOUAIRE

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DOUAIRE, s. m. (Jurisprud.) est une espece de pension alimentaire pour la femme qui survit à son mari ; & dans la plûpart des coûtumes, c’est aussi une espece de légitime pour les enfans qui survivent à leurs pere & mere, & ne sont point héritiers de leur pere.

Quelques auteurs ont défini le doüaire, præmium defloratæ virginis : définition qui n’est point juste, puisque le doüaire est accordé aux veuves qui se remarient, aussi bien qu’aux filles ; ce seroit plûtôt, præmium delibatæ pudicitiæ. En effet autrefois la femme ne gagnoit son doüaire qu’au coucher, c’est-à-dire après la consommation du mariage. Il y a encore quelques coûtumes qui y apposent cette condition : celle de Chartres, art. 52, dit que le doüaire s’acquiert dès la premiere nuit que la femme a couché avec son mari : celle de Normandie, art. 367 ; de Clermont, art. 259 ; Boulonois, art. 98, s’expriment de même : celle de Ponthieu, art. 32, requiert seulement que la femme ait passé les piés du lit pour coucher avec son mari : celle de Bretagne, art. 450, dit que la femme gagne son doüaire ayant mis le pié au lit après être épousée avec son seigneur & mari, encore qu’il n’ait jamais eû affaire avec elle, pourvû que la faute n’en advienne par impuissance naturelle & perpétuelle de l’un ou l’autre des mariés, pour laquelle le mariage ait été déclaré nul. Mais dans le plus grand nombre des coûtumes, le doüaire est acquis à la femme du moment de la bénédiction nuptiale, quand même le mariage n’auroit pas été consommé, & que la femme n’auroit pas couché avec son mari.

Ce droit est qualifié de dot en quelques coûtumes, comme dans celle d’Angoumois, art. 81 ; & dans la basse latinité, il est appellé dotarium, doarium, dotalitium, vitalitium.

Les deux objets pour lesquels il a été établi, savoir d’assûrer à la femme une subsistance honnête après la mort de son mari, & aux enfans une espece de légitime, ont mérité l’attention de presque toutes les lois ; mais elles y ont pourvû différemment.

Le doüaire n’est usité que dans les pays coûtumiers, & n’a point lieu dans les pays de droit écrit, à moins que ce ne fût en vertu d’une stipulation expresse portée par contrat de mariage. Cet usage étoit absolument inconnu aux Romains, du moins jusqu’au tems du bas empire ; ensorte qu’il n’en est fait aucune mention, ni dans le code Théodosien, ni dans les lois de Justinien.

L’avantage que les Romains faisoient ordinairement à leurs femmes, étoit la donation appellée d’abord antenuptiale, & ensuite donation à cause de noces, donatio propter nuptias, depuis qu’il fut permis de la faire, même après le mariage : mais cette donation n’avoit pas lieu si elle n’étoit stipulée, & elle se regloit à proportion de la dot ; de sorte que celle qui n’avoit point de dot, ou dont la dot n’avoit pas été payée, n’avoit point de donation à cause de noces.

Si la femme survivante n’avoit pas dequoi subsister de son chef, on lui donnoit, suivant l’authentique præterea, la troisieme partie des biens du mari, lorsqu’il n’y avoit que trois enfans & au-dessous ; s’il y en avoit plus, elle avoit autant que l’un des enfans.

Depuis que le siége de l’empire eut été transféré à Constantinople, les Romains s’accoutumerent à pratiquer une convention qui étoit usitée chez les Grecs, appellée ὑποβόλον, id est incrementum dotis, & en françois augment de dot ; c’étoit aussi un avantage que le mari faisoit à sa femme en considération de sa dot. Cet augment étoit d’abord de la moitié de la dot ; il fut ensuite réduit au tiers. L’usage de l’augment a été reçû dans les pays de droit écrit ; mais la quotité de cet avantage n’est pas par-tout la même.

Les Allemans ont aussi leur moryhangeba, qui est comme l’hypobolon des Grecs, une donation que le futur époux fait le jour du mariage, avant la célébration, à la future.

Tous ces différens avantages ont en effet quelque rapport dans leur objet avec le doüaire : mais du reste celui-ci est un droit différent, soit pour la quotité & les conditions, soit pour les autres regles que l’on y observe.

Il n’est pas douteux que l’usage du doüaire vient des Gaulois. César & Tacite, en parlant des mœurs de ces peuples, designent le doüaire comme une dot que le mari constituoit à sa femme. Dotem, dit Tacite, non uxor marito, sed uxori maritus offert.

Cet usage fut confirmé par les plus anciennes lois, qui furent redigées par écrit dans les Gaules. La loi Gomberte, tit. xlij & lxij, dit que la femme qui se remarioit, conservoit sa vie durant l’usufruit de la dot qu’elle avoit reçûe de son mari, la propriété demeurant reservée aux enfans.

La loi Salique, tit. xlvj, fit de cet usage une loi expresse, à laquelle Clovis se soûmit en épousant Clotilde.

Dans une chartre du roi Lothaire I. le doüaire est appellé dotarium & dotalitium.

Les formules du moine Marculphe qui vivoit dans le vij. siecle, justifient que ce doüaire qualifié alors de dot, étoit toûjours usité.

On constituoit le doüaire à la porte du moustier, c’est-à-dire de l’église ; car comme les paroisses étoient alors la plûpart desservies par les moines, on les confondoit souvent avec les monasteres, que l’on appelloit alors moustier par corruption du latin monasterium. L’usage de constituer le doüaire à la porte de l’église, donna lieu à la jurisdiction ecclésiastique de connoître du doüaire, & des autres conventions matrimoniales. Le prêtre étoit le témoin de ces conventions, attendu qu’il n’y avoit point encore d’acte devant notaire. C’est encore par un reste de cet ancien usage, qu’entre les cérémonies du mariage, le futur époux dit en face du prêtre à sa future épouse : je vous doüe du doüaire qui a été convenu entre vos parens & les miens. L’anneau qu’il met au doigt de son épouse en disant ces paroles, est la marque de la tradition. Les termes de doüaire convenu, marquent qu’il n’y avoit alors d’autre doüaire que le préfix.

On voit pourtant par une charte du xij. siecle, que l’on regardoit le doüaire comme un droit fondé tant sur la coûtume, que sur la loi Salique : Edelgarde, veuve de Walneram, donne un aleu qu’elle avoit eu, dit-elle, de son mari : secundum legem Salicam, & secundum consuetudinem, quâ viri proprias uxores dotant.

Il étoit donc d’usage de donner à la femme un doüaire ; mais la quotité n’en étant point reglée, il dépendoit d’abord entierement de la convention, jusqu’à ce que Philippe-Auguste, par une ordonnance ou édit de l’an 1214, le regla à la joüissance de la moitié des biens que le mari avoit au jour du mariage, ce qui comprenoit tant les biens féodaux que roturiers ; & ce fut-là l’origine du doüaire coûtumier ou légal, & de la distinction de ce doüaire d’avec le préfix ou conventionnel.

Henri II. roi d’Angleterre, qui possédoit une grande partie de la France, établit la même chose dans les pays de son obéissance, excepté qu’il fixa le doüaire à la joüissance du tiers des biens, dont Philippe-Auguste avoit accordé à la femme la moitié ; ce qui fut confirmé par les établissemens de S. Louis, ch. xjv. & cxxxj.

Le doüaire de Marguerite de Provence, veuve de S. Louis, fut assigné sur les Juifs, qui lui payoient 219 liv. 7 sous 6 den. par quartier, ce qui faisoit 877 liv. 10 sous par an. Ce doüaire étoit proportionné à sa dot, & à la valeur que l’argent avoit alors, comme nous l’avons observé au mot Dot.

Lorsque les coûtumes furent rédigées par écrit, ce que l’on commença dans le xv. siecle, on y adopta l’usage du doüaire qui étoit déjà établi par l’ordonnance de Philippe-Auguste : mais cette ordonnance ne fut pas par-tout suivie ponctuellement pour la quotité du doüaire, laquelle fut reglée différemment par les coûtumes.

Dans celles qui sont en-deçà de la Loire, le doüaire est communément de la moitié des biens qui y sont sujets.

Au contraire, dans les provinces qui sont au-delà de la Loire, le doüaire est demeuré fixe au tiers de ces mêmes biens, comme il l’avoit été par Henri II. roi d’Angleterre, lorsque ces provinces étoient soûmises à sa domination.

Il seroit trop long d’entrer ici dans le détail des différentes dispositions des coûtumes, par rapport à la qualité des biens sujets au doüaire, & pour les conditions auxquelles il est accordé : c’est pourquoi nous nous bornerons à exposer les principes qui sont reçûs dans l’usage le plus général.

La femme a ordinairement un doüaire préfix ; mais s’il n’est pas stipulé, elle prend le doüaire coûtumier.

Il y a quelques coûtumes, comme celle de Saintonge, art. 76, & Angoumois, art. 82, qui n’accordent point de doüaire coûtumier entre roturiers ; mais dans ces coûtumes la veuve d’un noble, quoique roturiere, peut demander le doüaire coûtumier.

Suivant le droit commun la femme qui a stipulé un doüaire préfix, ne peut plus demander le coûtumier, à moins que cela ne fut expressément reservé par le contrat de mariage ; néanmoins les coûtumes de Chauny, Meaux, Chaumont, Vitry, Amiens, Noyon, Ribemont, Grand-Perche, & Poitou, lui donnent l’option du doüaire coûtumier ou préfix, à moins qu’elle n’eût expressément renoncé à cette option par contrat de mariage.

Pour avoir droit de prendre l’un ou l’autre, il faut que le mariage produise les effets civils, autrement il n’y auroit point de doüaire, même coûtumier.

A Paris, & dans un grand nombre de coûtumes, le doüaire de la femme, lorsqu’il n’a point été reglé autrement par le contrat, est de la moitié des héritages que le mari possedoit lors de la bénédiction nuptiale, & qui lui sont échûs pendant le mariage en ligne directe.

Ce que la femme peut prendre à titre de doüaire coûtumier, se regle par chaque coûtume pour les biens qui y sont situés.

Quoique la coûtume donne à la femme un doüaire, dans le cas même où il n’y en a point eu de stipulé, la femme y peut cependant renoncer, tant pour elle que pour ses enfans ; mais il faut que cette renonciation soit expresse, auquel cas la mere n’ayant point de doüaire, les enfans n’en peuvent pas non plus demander, quand même on n’auroit pas parlé d’eux.

Pour ce qui est des biens sur lesquels se prend le doüaire coûtumier, on n’y comprend point les héritages provenus aux ascendans de la succession de leurs descendans.

Mais les héritages donnés en ligne directe pendant le mariage, y sont sujets.

Il en est de même des biens échûs aux enfans, soit à titre de doüaire, soit à titre de substitution, même faite par un collatéral, pourvû que l’héritage soit échû en ligne directe.

Les biens échûs par droit de reversion, sont pareillement sujets au doüaire, pourvû que cette reversion se fasse à titre successif de la ligne directe descendante ou collatérale.

Les héritages que le mari possede à titre d’engagement ou par bail emphitéotique, sont sujets au doüaire, de même que ceux dont il a la propriété incommutable.

Si le mari est évincé par retrait féodal, lignager, ou conventionnel, d’un héritage qu’il possedoit au jour du mariage, les deniers provenans du retrait sont sujets au doüaire, comme l’auroit été l’héritage qu’ils représentent.

Dans les coûtumes où les rentes constituées sont immeubles, elles sont sujettes au doüaire coûtumier aussi-bien que les rentes foncieres, quand même elles seroient rachetées depuis le mariage.

A défaut de biens libres suffisans pour fournir le doüaire, il se prend subsidiairement sur les biens substitués, tant en directe qu’en collatérale ; & s’il n’y a point eu d’enfans du premier mariage du grevé de substitution, les biens substitués sont aussi sujets au doüaire de la seconde femme, & ainsi des autres mariages subsequens ; ce qui est fondé sur le principe, qui vult finem, vult & media, qui a son application à la substitution faite par un collatéral, aussi-bien qu’à celle qui a été faite par un ascendant.

Les offices, soit domaniaux ou autres, sont sujets au doüaire coûtumier, de même que les autres immeubles ; mais il en faut excepter les offices de la maison du roi & de la reine, & des princes du sang, qui sont plutôt des dons personnels que des biens patrimoniaux.

Les deniers donnés à un fils par ses pere & mere en faveur de mariage, pour être employés en achat d’héritage, ou lui tenir nature de propre, sont aussi sujets au doüaire coûtumier, soit que l’emploi des deniers ait été fait ou non.

Si au contraire le mari a ameubli par contrat de mariage quelqu’un de ses propres, la femme n’y peut prétendre doüaire.

Lorsqu’un homme a été marié plusieurs fois, le doüaire coûtumier de la premiere femme & des enfans du premier lit, est, comme on l’a dit, de la moitié des immeubles qu’il avoit lors du premier mariage, & qui lui sont advenus pendant icelui en ligne directe. Le doüaire coûtumier du second mariage est du quart des mêmes immeubles, & de la moitié, tant de la portion des conquêts appartenans au mari, faits pendant le premier mariage, que des acquêts par lui faits depuis la dissolution du premier mariage jusqu’au jour de la consommation du second, & la moitié des immeubles qui lui échéent en ligne directe, & ainsi conséquemment des autres mariages ; c’est ainsi que ces doüaires sont reglés par l’art. 253 de la coûtume de Paris, & par plusieurs autres coûtumes.

Si les enfans du premier mariage meurent avant leur pere pendant le second mariage, la veuve & les enfans du second mariage qui leur ont survécu, n’ont que tel doüaire qu’ils auroient eu si les enfans du premier mariage étoient vivans, ensorte que par la mort des enfans du premier mariage, le doüaire de la femme & enfans du second mariage n’est point augmenté, & ainsi conséquemment des autres mariages. Coûtume de Paris, art. 254.

Le mari ne peut rien faire au préjudice du doüaire de sa femme, soit par aliénation ou par une renonciation faite en fraude ou autrement.

La femme autorisée de son mari peut consentir à l’aliénation de quelques héritages sujets au doüaire ; mais en ce cas elle en doit être indemnisée sur les autres biens de son mari.

L’hypotheque de la femme & des enfans pour le doüaire est du jour du contrat de mariage, s’il y en a un, sinon il y a une hypotheque légale du jour de la bénédiction nuptiale.

La dot, la reprise des deniers stipulés propres, & le remploi des propres, dont l’aliénation a été forcée, sont préférés au doüaire ; mais il passe avant le remploi des aliénations volontaires, & avant les indemnités & autres reprises de la femme.

Le doüaire coûtumier ou préfix saisit, sans qu’il soit besoin de le demander en jugement, & les fruits & arrérages courent du jour du décès du mari.

Il n’y a ouverture au doüaire que par la mort naturelle du mari ; la longue absence, la faillite, la séparation de corps & de biens, & même la mort civile du mari, ne donnent pas lieu au plein doüaire ; on accorde seulement en ces cas à la femme une pension, qui est ordinairement fixée à la moitié du doüaire, & que l’on appelle le mi-doüaire ou demi-doüaire.

Au cas que la femme ne se remarie pas, elle doit avoir délivrance de son doüaire à sa caution juratoire ; mais si elle se remarie, elle doit donner bonne & suffisante caution, tant pour le doüaire coûtumier que pour le préfix, à moins que celui-ci ne fût stipulé sans retour, auquel cas il ne seroit point dû de caution, excepté dans le cas où il y auroit des enfans, & que la mere se remarieroit, attendu qu’elle perd la propriété de son doüaire.

Il y a des cas où la femme est privée de son doüaire, par exemple, lorsqu’elle suppose un enfant à son mari, ou si elle se remarie dans l’an du deuil, avant qu’il y ait du moins neuf mois écoulés ; ce qui est sujet à des inconvéniens, propter turbationem sanguinis & incertitudinem prolis. Il en est de même lorsque la femme est condamnée à quelque peine qui emporte mort civile & confiscation.

La profession religieuse de la femme opere aussi l’extinction du doüaire, à moins qu’elle ne l’ait reservé par forme de pension alimentaire.

Dans quelques coûtumes le doüaire préfix ne peut excéder le coûtumier : dans celles qui ne contiennent point une semblable prohibition, il est libre de faire sur le doüaire telles conventions que l’on juge à propos, comme de donner à la femme l’usufruit de tous les biens de son mari pour son doüaire, ou de le stipuler sans retour ; & toutes ces conventions ne sont point sujettes à insinuation, le doüaire coûtumier ou préfix n’étant point considéré comme une donation du mariage, mais comme une convention ordinaire.

La femme pour son doüaire prend les héritages du mari en l’état qu’ils se trouvent, & profite des fruits pendans par les racines, sans être tenue de rembourser les labours & semences, si ce n’est la moitié qu’elle en doit, au cas qu’elle accepte la communauté.

En qualité de doüairiere, elle est obligée d’acquitter toutes les charges réelles, & d’entretenir les héritages de toutes réparations viageres, ce qui comprend toutes les réparations d’entretenement hors les quatre gros murs, poutres, couvertures entieres & voûtes ; mais l’héritier est tenu de lui donner ces lieux en état.

Le doüaire préfix en rente ou deniers, se prend sur la part du mari, sans aucune confusion de la communauté & hors part.

Lorsque la femme doüée de doüaire préfix d’une somme de deniers à une fois payer, ou d’une rente, est en même tems donataire mutuelle, elle prend son doüaire & sa donation sans aucune diminution ni confusion.

S’il n’y a point de propres du mari, en ce cas la femme donataire mutuelle prend son doüaire sur le fond des conquêts, qu’elle peut faire vendre à la charge de l’usufruit.

Le légataire universel contribue avec l’héritier des propres, chacun à proportion de l’émolument, au payement du doüaire préfix, qui est en deniers ou rente ; mais le fils aîné n’en paye pas plus que chaque puîné, nonobstant les avantages qu’il a comme aîné ; telle est la disposition de l’article 334 de la coûtume de Paris.

Le doüaire coûtumier ou préfix, soit en espece ou rente, n’est que viager à l’égard de la femme, à moins qu’il n’y ait clause au contraire.

Si le doüaire est d’une somme d’argent, il doit en être fait emploi, afin que la veuve ait la jouissance des revenus, & que le fond retourne aux enfans ou autres héritiers.

Les héritages retournent aux héritiers du mari en l’état qu’ils se trouvent lors du decès de la doüairiere, sans que ses héritiers puissent rien prétendre dans les fruits pendans par les racines ; mais les héritiers du mari sont obligés de rendre les frais des labours & semences.

Selon le droit commun, le doüaire coûtumier ou préfix est propre aux enfans, c’est-à-dire qu’il leur est affecté dès l’instant du mariage, & qu’il doit leur advenir après la mort des pere & mere.

Dès que la femme en a la joüissance, il est aussi ouvert pour les enfans quant à la propriété, tellement, qu’ils peuvent dès-lors faire tous actes de propriétaire, & doivent veiller à la conservation de leur droit, dont la prescription peut commencer à courir contr’eux dès ce moment.

Une autre conséquence qui résulte de cette maxime, que le doüaire est propre aux enfans, c’est que les pere & mere ne le peuvent vendre, engager, ni hypothéquer à leur préjudice, au cas que les enfans se portent seulement doüairiers ; car s’ils étoient héritiers de leurs pere & mere, ils seroient tenus de leurs faits.

Il y a néanmoins quelques coûtumes singulieres & exorbitantes du droit commun, où le doüaire n’est qu’à la vie de la femme seulement, & ne passe point aux enfans ; telles sont les coûtumes de Meaux, Sens, Vitry, & Poitou.

En Normandie, ce qui forme le doüaire coûtumier de la mere s’appelle tiers coûtumier en la personne des enfans, le doüaire étant du tiers des biens qui y sont sujets. Quoique la femme ait un doüaire préfix, les enfans ont toûjours le tiers coûtumier ; ils ont aussi un tiers coûtumier ou espece de doüaire sur les biens de la mere. Voyez la Coût. de Normandie, art. 399, & suiv.

Dans les autres coûtumes le doüaire des enfans est le même que celui de la mere : ils ont aussi la même option qu’avoit eu leur mere, si elle ne l’a pas consommée.

Si les enfans viennent à déceder avant le pere, le doüaire est propre aux petits-enfans.

Pour pouvoir prendre le doüaire à ce titre, il faut renoncer à la succession de celui sur les biens duquel on demande ce doüaire ; car il est de principe qu’on ne peut être héritier & doüairier, soit qu’il s’agisse d’un doüaire coûtumier ou d’un doüaire préfix.

Néanmoins l’héritier bénéficiaire ayant le privilége de ne pas confondre ses droits, peut, en rendant compte aux créanciers du contenu en l’inventaire, retenir sa part afférente du doüaire.

Celui qui veut avoir le doüaire doit rapporter ce qu’il a eu de son pere en mariage, & autres avantages, ou moins prendre sur le doüaire ; il est aussi obligé de rapporter ce qui a été donné à ses enfans, attendu que c’est la même chose que si on avoit donné au pere.

Mais l’enfant n’est point obligé d’imputer ce qu’il a recû de son ayeul, sur le doüaire qu’il prend dans la succession de son pere.

Le rapport qui se fait à la succession pour prendre le doüaire, doit comprendre les fruits depuis le décès du pere.

Les parts des enfans qui renoncent au doüaire, n’accroissent point aux autres enfans qui se portent doüairiers, elles demeurent confuses dans la succession.

Lorsqu’il s’agit de fixer la part qu’un enfant peut prendre dans le doüaire, on compte tous les enfans habiles à succéder, même ceux qui ont renoncé au doüaire & à la succession ; mais on ne compte pas l’exhérédé, lequel n’a pas de part au doüaire, & n’est pas habile à succéder.

Les héritages & rentes que les enfans ont pris à titre de doüaire coûtumier ou préfix, forment en leur personne des propres de succession.

Pour ce qui est du doüaire préfix d’une somme de deniers, dès qu’il est parvenu aux enfans il est réputé mobilier, & les plus proches héritiers des enfans y succedent.

Le decret des héritages & le sceau pour les offices purgent le doüaire, lorsqu’il est ouvert, tant à l’égard de la femme que des enfans, quoique ceux-ci n’en ayent encore que la nue propriété, parce qu’ils peuvent & doivent également y veiller, quoiqu’un autre en ait l’usufruit.

Douaire accordé : quelques coûtumes se servent de cette expression pour désigner le doüaire préfix ou conventionnel.

Douaire en bordelage, est celui qui se prend sur les héritages chargés envers le seigneur de la prestation annuelle appellée bordelage, usitée dans quelques coûtumes, comme Nivernois. La femme ne peut prendre son doüaire sur ces sortes d’héritages, à moins qu’il n’y ait un héritier, parce qu’autrement l’héritage retourne au seigneur. Voyez Coquille, quest. 61.

Douaire conventionnel ou préfix, est celui qui est fondé sur le contrat de mariage, & dont la quotité est fixée par le contrat, soit en argent, soit en fonds ou en rentes. Voyez ce qui est dit ci-devant sur le doüaire en général.

Douaire coutumier ou légal, est celui qui est fondé uniquement sur la disposition de la coûtume, ou pour lequel les parties s’en sont rapportées dans le contrat de mariage à la disposition de la coûtume. Voyez ce qui est dit ci-devant du doüaire en général.

Douaire divis, est la même chose que doüaire conventionnel ou préfix. Ce nom ne lui convient néanmoins que quand le doüaire est fixé à la joüissance de quelqu’héritage, rente ou somme d’argent ; de maniere que la femme n’ait rien en commun avec les héritiers. Voyez Taisant sur la coûtume de Bourgogne, tit. jv. art. 8.

Douaire, (demi-) ou mi-Douaire ; c’est ainsi que l’on appelle une pension alimentaire que l’on donne à la femme en certains cas, pour lui tenir lieu de doüaire, lorsque le mari est encore vivant, & conséquemment que le doüaire n’est pas ouvert. Ce mi-doüaire s’adjuge à la femme, en cas de mort civile, faillite ou longue absence du mari, lorsque l’on n’a point de certitude de sa mort naturelle. Dans les séparations volontaires on engage ordinairement le mari à donner à sa femme une pension égale au mi-doüaire, ou au tiers du doüaire ; cela dépend de la convention. Voyez ci-après Mi-douaire.

Douaire égaré : on donne quelquefois ce nom au doüaire ordinaire, soit coûtumier ou préfix, tandis que le mari, la femme ou les enfans vivent, à cause de l’incertitude de l’évenement de ce doüaire, soit pour la femme, soit pour les enfans. Voyez Loysel en ses inst. coûtum. liv. II. tit. iij. n. 37.

Douaire entier, est opposé au mi-doüaire, qui a lieu en certains cas. Voyez ci-devant Demi-douaire, & ci-après Mi-douaire.

Douaire en espece, ne signifie pas un doüaire préfix en deniers ; c’est au contraire le doüaire coûtumier, lorsqu’il se prend en nature d’héritage. Voy. la coûtume de Paris, art. 263.

Douaire légal, est la même chose que le coûtumier.

Douaire limité, se dit dans quelques coûtumes pour doüaire préfix.

Douaire du mari : par la coûtume de Lorraine, tit. iij. art. 12, le mari en quelques lieux prend doüaire sur les biens de sa femme. Voyez Contre-augment.

Douaire, (mi-) ou Demi-douaire, voyez ci-dessus Demi-douaire. Il y a une autre sorte de mi-doüaire qui a lieu en quelques coûtumes, comme en celle d’Anjou, art. 303, qui porte que la femme, après le décès des pere & mere de son mari, prend pour doüaire le tiers de ce que son mari auroit eu dans leur succession ; mais que si les pere & mere ont consenti au mariage, ils seront contraints de donner à la femme provision sur leur terre, savoir la moitié du tiers qui seroit échû au mari. Cette moitié du tiers destiné au doüaire, est appellée mi-doüaire par Dupineau & par les autres commentateurs. Voy. aussi la coûtume de Péronne, art. 150.

Douaire ouvert, est celui que la femme ou enfans sont en état de demander ; ce qui n’arrive, à l’égard de la femme, que par la mort de son mari : à l’égard des enfans, il est ouvert en même tems pour la propriété ; mais il ne l’est pour l’usufruit qu’après la mort de leur mere.

Douaire, (plein) est la même chose que doüaire entier, & est opposé au mi-doüaire. Voyez la coûtume de Péronne, art. 150, & aux mots & Mi-douaire.

Douaire préfix ou conventionnel, est celui qui est fixé par le contrat de mariage à une certaine somme ou rente, ou à la joüissance déterminée de quelqu’héritage.

Douaire propre aux enfans, est celui que la coûtume assûre aux enfans après la mort de la mere, ou qui est stipulé tel par le contrat de mariage. Ce terme propre ne veut pas dire que ce doüaire forme un propre de ligne, mais que la propriété en est assûrée aux enfans.

Douaire sans retour, est un doüaire conventionnel ou préfix que la femme gagne en pleine propriété, sans qu’il doive retourner à ses enfans ni aux autres héritiers du mari ; ce qui dépend des clauses du contrat de mariage, le doüaire étant naturellement propre aux enfans, &, à leur défaut, reversible aux autres héritiers du mari, à moins que la coûtume ne dise le contraire.

Douaire reversible, est celui dont la femme n’a que l’usufruit sa vie durant, & qui doit retourner aux enfans ou aux héritiers du mari.

Douaire viager, est celui qui n’est que pour la vie de la femme, & ne doit point passer aux enfans à titre de doüaire. Voyez le traité du doüaire de Renusson, & les commentateurs des coutûmes, au titre des doüaires. (A)