L’Encyclopédie/1re édition/DOXOLOGIE

La bibliothèque libre.
◄  DOUZIEME
DOYEN  ►

DOXOLOGIE, s. f. (Théol.) nom que les Grecs ont donné à l’hymne angélique ou cantique de loüange que les Latins chantent à la messe, & qu’on nomme communément le Gloria in excelsis ; parce qu’il commence en grec par le mot δόξα, c’est-à-dire gloire.

Ils distinguent dans leurs livres liturgiques, la grande & la petite doxologie. La grande doxologie est celle dont nous venons de parler. La petite doxologie est le verset Gloria Patri & Filio, &c. par lequel on termine le chant, ou la récitation de chaque pseaume dans l’office divin, & qui commence en grec par le même mot δόξα.

Philostorge, dans son III. livre, n°. 13, nous donne trois formules de la petite doxologie. La premiere est Gloire au Pere, au Fils, & au S. Esprit. La seconde, Gloire au Pere par le Fils dans le S. Esprit. Et la troisieme, Gloire au Pere dans le Fils & le saint-Esprit. Sozomene & Nicéphore en ajoûtent une quatrieme ; savoir, Gloire au Pere & au Fils dans le saint-Esprit.

La premiere de ces doxologies est celle qui est en usage dans les églises d’Occident. Elle fut instituée, selon quelques-uns, vers l’an 350, par les catholiques d’Antioche ; mais S. Basile, dans son livre du S. Esprit, chap. xxvij & xxjx, remarque que cet usage étoit beaucoup plus ancien, quoiqu’il ne fût pas universel. Les trois autres furent composées par les Ariens. La seconde étoit celle d’Eunomius & d’Eudoxe, & elle est adoptée par Philostorge qui étoit dans leurs sentimens. Ces trois formules furent faites vers l’an 341, au concile d’Antioche, où les Ariens qui commencoient à n’être plus d’accord entre eux, voulurent avoir des doxologies relatives à leurs divers sentimens. Philostorge attribue à Flavien, qui fut d’abord patriarche d’Antioche, la premiere origine de la doxologie des Catholiques ; mais l’autorité de cet auteur Arien est fort suspecte sur un fait dont Sozomene & Théodoret ne disent rien. Il y eut effectivement à Antioche de grandes disputes sur la forme de la doxologie ; les Catholiques retinrent la premiere ; & les Ariens & autres Anti-trinitaires, quelqu’une des trois autres. Saint Basile a tâché de justifier la seconde.

Au reste, comme le remarque Bingham, la petite doxologie n’a pas toûjours été uniforme dans les églises catholiques. Le quatrieme concile de Tolede, tenu en 533, s’exprime ainsi à cet égard : In fine omnium psalmorum dicimus, Gloria & honor Patri & Filio & Spiritui sancto, in sæcula sæculorum, amen ; où l’on omet ces paroles aujourd’hui & depuis longtems reçues, Sicut erat in principio & nunc & semper, & où l’on ajoûte le mot honor. Cette forme de doxologie n’étoit pourtant pas particuliere à l’église d’Espagne, car l’église Greque s’en servit quelque tems, comme il paroît par le traité de S. Athanase de la Virginité. Strabon, de reb. eccles. c. xxv, rapporte que les Grecs la conçurent ensuite en ces termes : Gloria Patri & Filio & Spiritui sancto, & nunc & semper, & in sæcula sæculorum, amen ; mais il ne marque pas l’époque de ce changement. Il paroît par le second concile de Vaison, tenu en 529, que ces mots, Sicut erat in principio, n’étoient pas encore universellement introduits dans la doxologie de l’église Gallicane, puisque les PP. du concile souhaitent qu’on les y insere pour prémunir les fideles contre l’erreur des Ariens, qui prétendoient que le Fils n’avoit pas été de toute éternité. Outre cette doxologie qui terminoit les pseaumes, Bingham observe qu’il y en avoit anciennement une, dont il cite un exemple tiré des constitutions apostoliques, l. VIII. c. xij, par laquelle on terminoit les prieres : Omnis gloria, veneratio, gratiarum actio, honor, adoratio, Patri & Filio & Spiritui sancto nunc & semper & in infinita ac sempiterna sæcula sæculorum, amen. Ou cette autre : Per Christum cum quo tibi & Spiritui sancto gloria, honor, laus, glorificatio, gratiarum actio insæcula, amen. Et enfin celle-ci, par laquelle on concluoit les sermons ou homélies : Ut obtineamus æternam vitam per Jesum Christum cui cum Patre & Spiritu sancto gloria & potestas in sæcula sæculorum, amen. Bingham, orig. eccles. tom. VI. lib. XIV. c. xj. §. 1.

Quelques auteurs se servent du mot hymnologie, comme synonyme à doxologie, mais il y a entre ces deux mots une différence : hymnologie se dit des pseaumes, cantiques, hymnes, &c. ou de la récitation de toutes ces choses : & doxologie, du dernier verset Gloire au Pere, &c. répété à la fin de chaque pseaume. Cependant les rubricaires se servent communément du mot doxologie, pour exprimer la derniere strophe ou la conclusion de chaque hymne, où l’on rend gloire aux trois personnes de la sainte Trinité. Voyez Hymne.

Quant à la grande doxologie ou au Gloria in excelsis, excepté les premieres paroles que les évangélistes attribuent aux anges qui annoncerent aux bergers la naissance de Jesus-Christ, on ignore par qui le reste a été ajoûté ; & quoiqu’on appelle toute la piece l’hymne angelique, les PP. ont reconnu que tout le reste étoit l’ouvrage des hommes. C’est ce qu’on voit dans le 13e canon du jv. concile de Tolede. Ce qu’il y a de certain, c’est que ce cantique est très ancien. S. Chrysostome observe que les Ascetes le chantoient à l’office du matin. Mais de toute antiquité, on l’a chanté principalement à la messe, non pas cependant tous les jours. La liturgie mozarabique veut qu’on le chante le jour de Noël avant les leçons, c’est-à-dire avant la lecture de l’épître & de l’évangile. Dans les autres églises, on ne le chantoit que le dimanche, à Pâques, & autres fêtes les plus solennelles ; & encore aujourd’hui dans l’église Romaine, on ne le dit point à la messe les jours de férie & de fêtes simples, non plus que dans l’avent ni depuis la septuagésime jusqu’au samedi saint exclusivement. Bingham, orig. eccles. tom. VI. l. XIV. c. xj. §. 2. (G)