L’Encyclopédie/1re édition/DURILLON

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DURILLON, s. m. (Med. Chirurg.) callosité saillante de la peau qui a été pressée, foulée, endurcie par un exercice fréquent ou violent.

Les durillons viennent en plusieurs endroits du corps, sur-tout sous la plante des piés, à la paume & aux doigts de la main ; ce qui les distingue des cors qui naissent sur les doigts des piés & entre les orteils. Voyez Cor. Cependant les cors & les durillons sont d’une même nature, ont une même cause, & requierent les mêmes remedes.

En effet, les durillons ne sont autre chose que l’épaississement de divers feuillets de l’épiderme & du tissu de la peau, qui se sont étroitement collés par couches les uns sur les autres, tandis que les petits vaisseaux cutanés ont été détruits par une pression continuelle. Il arrive de-là des especes de tubercules sans transpiration, qui font une callosité saillante en-dehors, pareille à de la corne ; & qui comprimant par leur accroissement & par la pression du soulier, les fibres nerveuses, produisent de la douleur par cette compression subsistante, & plus cependant dans de certains tems que dans d’autres.

La cause générale de ce mal est certainement la compression répetée par la chaussure & l’exercice ; car les personnes qui vont toûjours en carrosse, & qui portent en même tems des souliers doux & larges, ne connoissent guere les durillons : au contraire ceux qui ayant les piés tendres & serrés dans leurs souliers, marchent sur des terrains raboteux, & plus encore ceux qui marchent beaucoup, y sont fort sujets : c’est par la même raison qu’il en vient aux fesses des gens qui courent souvent la poste à cheval. Les chapeliers en ont aux poignets, à force de fouler des chapeaux : il en est de même de plusieurs autres ouvriers. Les durillons des piés font de la douleur en marchant, parce que venant à croître, ils compriment ou meurtrissent les chairs voisines, par la pesanteur du corps qui appuie dessus.

On indique cent moyens pour détruire cette incommodité ; chacun a son remede, dont il se sert volontiers par préférence aux autres : on éprouve ordinairement tous ceux qu’on enseigne, & on s’en tient à celui dont on croit avoir reçû le plus de soulagement.

Mais les medecins éclairés, qui remontent à l’origine & à la nature du mal, ont trouvé qu’il n’y avoit point d’autre parti que de commencer par ramollir les durillons, en trempant pendant quelque tems les piés dans l’eau tiede ; ensuite avec un rasoir, ou un petit couteau fait exprès, on enleve le durillon feuille à feuille, comme font les maréchaux quand ils parent le pié d’un cheval. Il faut éviter seulement de ne point couper trop avant ; & si le durillon est sous quelque jointure d’un des doigts, il est bon d’employer un chirurgien stylé à cette opération, ou du moins quelqu’un de confiance. Si l’on veut se servir soi-même de l’instrument tranchant, on prendra garde de le conduire avec précaution, parce qu’il en peut arriver des inconvéniens fâcheux, que quelques exemples justifient.

Quand on a une fois commencé à se parer les piés, on continuera de le faire de tems en tems, parce que les durillons reviennent comme les ongles. On est averti de leur accroissement par la douleur qu’on sent en marchant ; cette douleur augmente à mesure que les durillons croissent & se durcissent, & on ne sauroit y remédier qu’en répetant l’opération. Vous ne nous indiquez, me dira-t-on peut-être, qu’une cure passagere : je réponds qu’il n’y en a point d’autre, & qu’après tout cette méthode curative a l’avantage d’être facile & certaine.

Il est vrai qu’on voit fréquemment dans les grandes villes paroître des charlatans qui se vantent d’emporter toutes sortes de durillons sans retour ; mais je sai que ce sont de fausses promesses dont bien des gens sont successivement les dupes. L’expérience du passé ne corrige point les hommes, & cela sera toûjours. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.