L’Encyclopédie/1re édition/ECHAPPÉ

La bibliothèque libre.
◄  ECHAPPADE
ECHAPPÉE  ►

ECHAPPÉ, adj. synon. (Gramm.) Nous croyons devoir avertir ici que ces mots, est échappé, a échappé, ne sont nullement synonymes. Le mot échappé, quand il est joint avec le verbe est, a un sens bien différent de celui qu’il a lorsqu’il est joint au verbe a : dans le premier cas il désigne une chose faite par inadvertance ; dans le second une chose non faite par inadvertance ou par oubli. Ce mot m’est échappé, c’est-à-dire j’ai prononcé ce mot sans y prendre garde : ce que je voulois vous dire m’a échappé, c’est-à-dire j’ai oublié de vous le dire ; ou dans un autre sens, j’ai oublié ce que je voulois dire.

S’Evader, s’Enfuir & s’Échapper, different en ce que s’évader se fait en secret ; s’échapper suppose qu’on a déjà été pris, ou qu’on est près de l’être ; s’enfuir ne suppose aucune de ces conditions : on s’échappe des mains de quelqu’un, on s’évade d’une prison, on s’enfuit après une bataille perdue. (O)

Echappé, (Marechallerie & Manége.) se dit en parlant d’un cheval provenant de race de cheval anglois, barbe, espagnol, &c. & d’une jument du pays ; ainsi nous disons un échappé d’anglois, d’espagnol, de barbe, &c. Voyez Haras : en ce cas le terme échappé est substantif.

Nous l’employons comme adjectif lorsqu’il s’agit de désigner un cheval qui s’est dégagé par quelque moyen que ce soit des liens qui le tenoient attaché, soit qu’il se soit délicoté, soit qu’il ait pû se dérober à l’homme qui le conduisoit en main.

Il est nombre de chevaux très-sujets à s’échapper dans l’écurie, après s’être délivrés de leurs licous. Il seroit sans doute superflu de détailler ici la multitude des accidens qui peuvent en résulter ; nous nous contenterons d’observer que le licou dont on doit se servir par préférence à tout autre, eu égard à l’animal qui a contracté cette mauvaise habitude, est un licou de cuir à doubles-sous-gorges qui se croisent (voyez Licou). Quant à celui que l’on mene en main & qui s’échappe, son évasion ne peut le plus souvent être attribuée, ou qu’à la négligence de celui qui le conduit, ou qu’à l’assujettissement dans lequel il le tient. Dans le premier cas le palefrenier ou le cavalier marchent sans attention, & n’ont dans leur main que le bout ou l’extrémité des rênes ou de la longe, de maniere que si le cheval est trop vif ou trop gai, ou si quelqu’objet l’effraye, il fait plusieurs pointes, & peut estropier l’homme qui est à cheval ou à pié ; d’autres fois il se jette en-arriere, & tire si fort en se cabrant ou sans se cabrer, que la crainte saisit le palefrenier, ou que le cavalier monté sur un autre cheval est dans le risque évident de tomber, & c’est ainsi qu’on le lâche & qu’on l’abandonne. Ceux qui le contraignent trop, qui le menent la longe ou les rênes trop raccourcies, principalement les palefreniers qui empoignent grossierement les branches du mords, & les rapprochent en les serrant de maniere à blesser l’animal, & qui de plus le fixent sans cesse en se retournant, s’exposent aux mêmes inconvéniens : pour les éviter, on doit observer un milieu entre le trop de gêne & le trop de liberté. L’homme qui est à cheval & qui est muni de la longe, en laissera à l’animal une juste longueur. Dès qu’il s’approchera trop de lui, il l’en éloignera ; dès qu’il s’en éloignera trop, il l’en raprochera, non en le tirant tout d’un coup, mais en le retenant legerement, en rendant ensuite & en le ramenant ainsi insensiblement. Lorsqu’il employe une force subite, l’animal en oppose une plus grande, qui l’emporte bien-tôt. A l’égard du palefrenier, il tiendra les rênes d’une main, au-dessous des-boucles qui empêchent qu’elles ne sortent & se dégagent des anneaux fixés au bas des branches par un touret, & de l’autre par leurs extrémités. Dans cet état son bras étant éloigné de son corps, & sa main élevée à une hauteur non excessive, mais proportionnée, il marchera droit devant lui, sans jamais envisager, s’il m’est permis d’user ici de cette expression, le cheval qui lui sera confié. S’il sent que l’animal commence à tirer, il résistera dans le moment, & lui cédera aussi-tôt après ; il résistera de nouveau, cédera encore, & le vaincra par ce moyen, quel que soit le genre de défenses qu’il médite. Du reste, comme il est très-peu de palefreniers en état de ménager une bouche, & que l’on doit sans cesse appréhender & redouter les sacades de leur part, il faut dégourmer le cheval pour en diminuer les effets, toûjours plus funestes lorsque ce second point de résistance n’est pas supprimé, & fixe plus violemment l’appui de l’embouchure sur les barres. (e)