L’Encyclopédie/1re édition/EGIDE

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EGIDE. s. f. (Mythol.) L’égide étoit le bouclier, ou la cuirasse des dieux, sur-tout de Jupiter & de Pallas. Mais en parlant des hommes, ce mot désigne seulement la piece d’armure qui couvroit la poitrine, c’est-à-dire la cuirasse.

Anciennement tous les boucliers des dieux, surtout celui de Jupiter, couvert de la peau de la chevre qui l’avoit nourri, & dont il prenoit son nom, s’appelloient des égides ; car αἴξ, αἰγός en grec, signifie chèvre ; ensuite Minerve ayant tué un monstre nommé Egide, qui vomissoit du feu par la bouche, & faisoit beaucoup de ravage dans la Phrygie, la Phénicie, l’Egypte, & la Lybie, elle couvrit son bouclier de la peau de ce monstre, & dès-lors le nom d’égide fut consacré au seul bouclier de la déesse.

Peut-être que Minerve fit périr quelque fameux brigand qui ravageoit le pays, & que c’est ce qui a donné lieu à la fable ; mais comme les Grecs rendoient toûjours des raisons fabuleuses de leurs anciennes cérémonies ; il vaut mieux, ce me semble, sur cet article, s’en tenir avec M. l’abbé Banier à Hérodote, qui prétend (liv. iv.) que les Grecs ont emprunté des Lybiens l’habit & le bouclier de la déesse Minerve, qui étoit fort honorée dans ce pays, sur-tout aux environs du lac Tirton, où l’on croyoit qu’elle étoit née. Le nom même d’égide, marque bien que cette sorte de bouclier est venue de Lybie, où les habitans portent sous leurs habits des peaux de chevre corroyées, que les Grecs appelloient des égides.

Les Grecs embellirent cette fable à leur maniere, & supposerent que Minerve avoit fait graver la tête de la Gorgone environnée de serpens sur ce terrible bouclier, & qu’on ne pouvoit le regarder sans frémir d’horreur ; ce qui donna lieu dans la fuite, de dire que sa vûe changeoit les hommes en pierres.

D’un autre côté, les poëtes travaillerent à l’envi à consacrer cette fiction à l’immortalité ; mais Homere & Virgile ont surpassé de bien loin tous leurs rivaux, dans les descriptions qu’ils nous ont laissées du bouclier de Minerve.

Ægidaque horrificam, turbatæ Palladis arma,
Certatim squamis serpentum auroque polibant :
Connexosque angues, ipsamque in pectore divæ
Gorgona, desecto vertentem lumina collo.

Æneid. lib. viij. v. 435.

Voici celle d’Homere. Iliad. lib. v. « Elle (Minerve) couvre ses épaules de son égide terrible, d’où pendent cent houpes d’or, & autour de laquelle on voit la terreur, la discorde, la fureur des attaques, les poursuites, le carnage & la mort. Elle avoit au milieu la tête de la Gorgone, cet énorme & formidable monstre, dont on ne sauroit soûtenir la vûe ; prodige étonnant du pere des immortels ! Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* Egide, (Myth.) monstre qui ravagea la Phrygie, la Phénicie, l’Egypte & la Lybie. Il vomissoit le feu par la bouche : Jupiter ordonna à Minerve de le combattre, Minerve obéit à son pere, vainquit le monstre & en étendit la peau sur son bouclier. Il ne seroit pas difficile de séparer ce que la poésie a mis de fabuleux dans cet évenement, & de le rapprocher, par la conjecture, de la vérité historique. Egide fut quelque brigand de ces tems reculés, qui se répandit dans les contrées dont nous avons parlé, la flamme & le fer à la main : conséquemment le prince régnant sera Jupiter ; le général sage & prudent, auquel il ordonna de marcher contre le brigand, sera représenté par Minerve ; la peau sera l’emblème des dépouilles de l’ennemi, que le général distribua à ses soldats ; ou pour parler le langage de la poésie, qu’il étendit sur son bouclier, qui en devint une arme très-redoutable.