L’Encyclopédie/1re édition/ELARGISSEMENT, ELARGISSURE

La bibliothèque libre.
◄  ELARGIR

ELARGISSEMENT, ELARGISSURE, synon. augmentation de largeur. On dit l’élargissement d’une maison, l’élargissement des rues ; mais élargissure n’est usité qu’en parlant des meubles & des vêtemens : l’élargissure d’un rideau, d’une chemise, d’un juste-au-corps. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Elargissement. s. m. (Jurisprud.) est la liberté que l’on donne à un prisonnier de sortir de prison.

On distingue deux sortes d’élargissemens ; savoir, l’élargissement définitif, & l’élargissement provisoire, qui n’est fait qu’à la charge par le prisonnier de se représenter dans un certain tems.

La déclaration de Charles VI. du 20 Avril 1402, défend à tous officiers du roi & autres personnes, d’élargir ou faire élargir aucun prisonnier détenu par ordonnance de justice, sous prétexte d’aucun commandement du roi ; à moins qu’il n’y ait des lettres patentes scellées du grand sceau, & que la partie & le ministere public ne soient oüis.

Il y a néanmoins quelque distinction à faire entre l’élargissement des prisonniers pour dettes, & celui des prisonniers pour crime.

Les prisonniers pour dettes peuvent être élargis sur deux sommations faites, à différens jours, aux créanciers qui seront en demeure de fournir la nourriture au prisonnier ; & trois jours après la seconde sommation, le juge pourra ordonner l’élargissement, partie présente ou dûement appellée ; c’est la disposition de l’ordonnance de 1670, tit. xviij. art. 24.

L’art. 5. de la déclaration du 10 Janvier 1680, a depuis établi que quand les causes de l’emprisonnement n’excedent pas deux mille livres, il n’est pas besoin de sommations ; le prisonnier peut, après la quinzaine du défaut de consignation, présenter requête au commissaire des prisons, à l’effet d’obtenir son élargissement, mais le commissaire ne peut élargir de son autorité ; il faut que la requête soit rapportée en la chambre, & qu’il intervienne un jugement. Le préambule de cette déclaration fait connoître qu’elle est en faveur du prisonnier ; qu’ainsi il peut avant les quinze jours demander sa liberté, en faisant deux sommations, conformément à l’ordonnance.

Celui qui a été élargi faute de payement de ses alimens, ne peut plus être emprisonné à la requête du même créancier, afin de punir la dureté de ce créancier, & que la disposition de l’ordonnance ne devienne pas illusoire.

Il en est de même de celui qui a été élargi, en payant un tiers ou un quart des deniers de la charité, parce que ce payement fait une preuve d’insolvabilité ; à moins qu’il ne soit survenu du bien au débiteur depuis son élargissement.

Les prisonniers détenus pour dettes, peuvent aussi être élargis sur le consentement des parties qui les ont fait arrêter ou recommander, passé devant notaire, qui sera signifié aux geoliers ou greffiers des geoles, sans qu’il soit besoin d’obtenir aucun jugement. Ordonnance de 1670, tit. xiij. art. 31.

L’article suivant porte que la même chose sera observée à l’égard de ceux qui auront consigné ès mains du geolier ou greffier de la geole, les sommes pour lesquelles ils seront détenus. Ils doivent être mis hors des prisons, sans qu’il soit besoin de le faire ordonner.

A l’égard de l’élargissement des prisonniers détenus pour crime, l’ordonnance de 1670, tit. x. des decrets, ordonne que les accusés contre lesquels il y aura eu originairement decret de prise de corps, seront élargis après l’interrogatoire, s’il ne survient de nouvelles charges ; ou par leur reconnoissance, ou par la déposition de nouveaux témoins.

Aucun prisonnier pour crime ne peut être élargi même par les cours ou autres juges, encore qu’il se fût rendu volontairement prisonnier, sans avoir vû les informations, l’interrogatoire, les conclusions du procureur du roi ou du procureur fiscal, si c’est dans une justice seigneuriale, & les réponses de la partie civile, s’il y en a, ou les sommations de répondre.

Les prisonniers pour crime ne peuvent être élargis, que cela ne soit ordonné par le juge, encore que la partie publique & la partie civile y consentent.

On ne doit pas non plus élargir les accusés, après le jugement, lorsqu’il porte condamnation de peine afflictive, ou que les procureurs du roi, ou ceux des seigneurs en appellent ; quand même les parties civiles y consentiroient, & que les amendes, aumônes, & réparations auroient été consignées.

L’art. 29 du tit. xiij, que nous avons déja cité, porte que tous greffiers, même des cours, & ceux des seigneurs, sont tenus de prononcer aux accusés les arrêts, sentences & jugemens d’absolution ou d’élargissement, le même jour qu’ils auront été rendus ; & s’il n’y a point d’appel par le procureur du roi ou du seigneur dans les vingt-quatre heures, ils doivent mettre les accusés hors des prisons, & l’écrire sur le registre de la geole.

On doit pareillement, aux termes du même article, élargir ceux qui n’auront été condamnés qu’en des peines & réparations pécuniaires ; en consignant entre les mains du greffier les sommes adjugées pour amendes, aumônes, & intérêt civils ; sans que, faute de payement d’épices, ou d’avoir levé les arrêts, sentences & jugemens, les prononciations & les élargissemens puissent être différés.

Enfin l’article xxx. défend aux geoliers, greffiers des geoles, guichetiers & cabaretiers ou autres, d’empêcher l’élargissement des prisonniers, pour frais, nourriture, gîte, geolage, ou aucune autre dépense. Voyez Prison, Prisonnier. (A)