L’Encyclopédie/1re édition/ET

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ET, conjonction copulat. (Gram.) Ce mot marque l’action de l’esprit qui lie les mots & les phrases d’un discours, c’est-à-dire qui les considere sous le même rapport. Nous n’avons pas oublié cette particule au mot Conjonction ; cependant il ne sera pas inutile d’en parler ici plus particulierement.

1. Notre & nous vient du latin &. Nous l’écrivons de la même maniere ; mais nous n’en prononçons jamais le t, même quand il est suivi d’une voyelle : c’est pour cela que depuis que notre Poésie s’est perfectionnée, on ne met point en vers un & devant une voyelle, ce qui feroit un bâillement ou hiatus que la Poésie ne souffre plus ; ainsi on ne diroit pas aujourd’hui :

Qui sert & aime Dieu, possede toutes choses.

2. En latin le t de l’& est toûjours prononcé ; de plus l’& est long devant une consonne, & il est bref quand il précede une voyelle :

Qui mores hominum multorum vĭdĭt ĕt ūrbēs.

Horat. de Arte poeticâ, v. 143.

Reddere qui voces jam scit puer, ēt pĕdĕ cērtō
Signat humum ; gestit paribus collūdĕrē, ĕt īrām
Colligit ēt ponit temerè, ēt mutatur in horas.

Ibid. v. 158.

3. Il arrive souvent que la conjonction & paroît d’abord lier un nom à un autre, & le faire dépendre d’un même verbe ; cependant quand on continue de lire, on voit que cette conjonction ne lie que les propositions, & non les mots : par exemple, César a égalé le courage d’Alexandre, & son bonheur a été fatal à la république romaine. Il semble d’abord que bonheur dépende d’égalé, aussi-bien que courage ; cependant bonheur est le sujet de la proposition suivante. Ces sortes de constructions font des phrases louches, ce qui est contraire à la netteté.

4. Lorsqu’un membre de période est joint au précédent par la conjonction &, les deux correlatifs ne doivent pas être séparés par un trop grand nombre de mots intermédiaires, qui empêchent d’appercevoir aisément la relation ou liaison des deux correlatifs.

5. Dans les dénombremens la conjonction & doit être placée devant le dernier substantif ; la foi, l’espérance, & la charité. On met aussi & devant le dernier membre de la période : on fait mal de le mettre devant les deux derniers membres, quand il n’est pas à la tête du premier.

Quelquefois il y a plus d’énergie de répéter & : je l’ai dit & à lui & à sa femme.

6. Et même a succédé à voire même, qui est aujourd’hui entierement aboli.

7. Et donc : Vaugelas dit (Remarques, tome III. pag. 181.) que Coeffeteau & Malherbe ont usé de cette façon de parler : je l’entends dire tous les jours à la cour, poursuit-il, à ceux qui parlent le mieux ; il observe cependant que c’est une expression gasconne, qui pourroit bien avoir été introduite à la cour, dit-il, dans le tems que les Gascons y étoient en regne : aujourd’hui elle est entierement bannie. Au reste, je crois qu’au lieu d’écrire & donc, on devroit écrire hé donc : ce n’est pas la seule occasion où l’on a écrit & au lieu de l’interjection hé, & bien au lieu de hé bien, &c.

8. La conjonction & est renfermée dans la négative ni. Exemple : ni les honneurs ni les biens ne valent pas la santé, c’est-à-dire, & les biens & les honneurs ne valent pas la santé. Il en est de même du nec des Latins, qui vaut autant que & non.

9. Souvent, au lieu d’écrire & le reste, ou bien & les autres, on écrit par abréviation &c. c’est-à-dire & cætera. (F)