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L’Encyclopédie/1re édition/EUROTAS

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EUROTAS, (Géog. & Hist. anc.) riviere du Péloponese, ou de la Morée de nos jours, fameuse à plusieurs égards, & en particulier pour avoir baigné les murs de Sparte. On l’appelle aujourd’hui Vasilipotamos.

Les Lacédémoniens publierent que la déesse Vénus, après avoir passé ce fleuve, y avoit jetté ses brasselets & autres ornemens de femme dont elle étoit parée, & avoit pris ensuite la lance & le bouclier pour se montrer en cet état à Lycurgue, & se conformer à la magnanimité des dames de Sparte.

Ce fleuve est toûjours tellement semé de roseaux magnifiques, qu’il ne faut pas s’étonner qu’Euripide dans son Helene le surnomme Callidonax. Les jeunes Spartiates en faisoient usage pour coucher dessus, & même on les obligeoit d’aller les cueillir avec leurs mains sans couteau & sans autre instrument : c’étoit là leurs matelas & leurs lits de plume.

L’Eurotas est encore, comme dans les beaux jours de la Grece, couvert de cygnes d’une si grande beauté, qu’on ne peut s’empêcher d’avoüer que c’est avec raison que les Poëtes lui ont donné l’épithete d’olorifer :

Taygetique phalanx, & oloriferi Eurotæ
Dura manus. . . . . dit Stace.

Autrefois cette riviere se partageoit en plusieurs bras ; mais aujourd’hui on seroit bien embarrassé de discerner celui qui s’appelloit Euripe, c’est-à-dire ce canal où se donnoit tous les ans le combat des Ephebes ; car le Vasilipotamos n’est guere plus gros en été près de Misitra, que ne l’est la riviere des Gobelins à Paris.

Mais admirons sur-tout la destinée de ce fleuve, par ce qu’en a dit Séneque. Hanc Spartam Eurotas amnis circumfluit, qui pueritiam indurat, ad futuræ militiæ patientiam : les Lacédémoniens y plongeoient leurs enfans, pour les endurcir de bonne-heure aux fatigues de la guerre, & les Turcs s’y baignent dans l’espérance de gagner le royaume des cieux. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.