L’Encyclopédie/1re édition/EXÉCUTEUR TESTAMENTAIRE
Exécuteur testamentaire, est celui que le défunt a nommé, par son testament ou codicile, pour exécuter ce testament ou codicile, & autres dispositions de derniere volonté.
Il n’étoit pas d’usage chez les Romains de nommer des exécuteurs testamentaires, les lois romaines croyoient avoir suffisamment pourvû à l’exécution des testamens, en permettant aux héritiers de prendre possession, & accordant diverses actions aux légataires & fidei-commissaires, & en privant de l’hérédité les héritiers qui seroient refractaires aux volontés du défunt.
Dans les pays coûtumiers, où les dispositions universelles ne sont toutes que des legs sujets à délivrance, on a introduit l’usage des exécuteurs testamentaires, pour tenir la main à l’exécution des dernieres volontés du défunt ; il n’y a presque point de coûtume qui ne contienne quelque disposition sur cette matiere.
Toutes personnes peuvent être nommées exécuteurs testamentaires, sans distinction d’âge, de sexe, ni de condition : ainsi les mineurs adultes & capables d’affaires, les fils de famille, les femmes même en puissance de mari, peuvent être nommés pour une exécution testamentaire.
Il y a des exécuteurs testamentaires honoraires, c’est-à-dire qui ne sont chargés que de veiller à l’exécution du testament, & non pas de l’exécuter eux-mêmes ; & dans ce cas ceux qui sont chargés de l’exécution effective, peuvent être appellés exécuteurs testamentaires onéraires, pour les distinguer des premiers qui ne sont point comptables.
Quoique les exécuteurs testamentaires soient ordinairement nommés par testament ou codicile, on distingue encore deux autres sortes d’exécuteurs testamentaires, les uns qu’on appelle légitimes, & d’autres datifs.
Le légitime est celui auquel la loi donne le pouvoir de tenir la main à l’exécution de certaines dispositions, tel que l’évêque ou son économe, & au défaut de l’évêque le métropolitain, pour procurer le payement des legs pieux en faveur des captifs, & pour la nourriture & entretien des pauvres, suivant les lois 28 & 49. cod. de épisc. & la novelle 131. c. xj.
L’exécuteur testamentaire datif est celui que le juge nomme lorsque le cas le requiert ; comme on voit en la loi 3. ff. de alimentis, où il est dit que le juge peut charger un d’entre les héritiers, de fournir seul les alimens légués.
Les lois romaines ne donnent point à l’évêque l’exécution des autres dispositions à cause de mort, pas même des autres legs pieux ; il peut seulement procurer l’exécution des dispositions pieuses, lorsque l’exécuteur testamentaire néglige de le faire.
Le droit canon va beaucoup plus loin, car il autorise l’évêque à s’entremettre de l’exécution de tous les legs pieux, soit lorsqu’il n’y a pas d’exécuteur testamentaire, ou que celui qui est nommé néglige de faire exécuter les dispositions pieuses.
C’est sur ce fondement que quelques interpretes de droit ont décidé, que les juges d’Eglise peuvent connoître de l’exécution des testamens ; ce qui a même été adopté dans quelques coûtumes : mais cela a été réformé par l’ordonnance de 1539, qui réduit les juges d’église aux causes spirituelles & ecclésiastiques ; & les évêques ne sont point admis en France à s’entremettre de l’exécution des legs pieux.
La charge ou commission d’exécuteur testamentaire n’est qu’un simple mandat, sujet aux mêmes regles que les autres mandats, excepté que celui-ci au lieu de prendre fin par la mort du mandant, qui est le testateur, ne commence au contraire qu’après sa mort.
L’exécuteur testamentaire nommé par testament ou codicile, n’a pas besoin d’être confirmé par le juge ; le pouvoir qu’il tient du testateur & de la loi ou coûtume du lieu, lui suffit. Il ne peut pas non plus dans sa fonction excéder le pouvoir que l’un & l’autre lui donnent.
La fonction d’exécuteur testamentaire étant une charge privée, il est libre à celui qui est nommé de la refuser, sans qu’il ait besoin pour cela d’aucune excuse ; & en cas de refus, il ne perd pas pour cela le legs qui lui est fait, à moins qu’il ne paroisse fait en considération de l’exécution testamentaire ; de sorte que s’il accepte ce legs, il ne peut plus refuser la fonction dont il est le prix.
Il ne peut plus aussi se démettre de cette charge, lorsqu’il l’a acceptée, à moins qu’il ne survienne quelque cause nouvelle.
Il doit apporter dans sa commission toute l’attention qui dépend de lui, & par conséquent il est responsable de son dol & de ce qui arriveroit par sa faute & par sa négligence, sans néanmoins qu’il soit tenu des fautes legeres.
Un exécuteur testamentaire qui ne seroit chargé que de procurer l’exécution de quelque disposition sans avoir aucun maniement des deniers, comme cela se voit souvent en pays de Droit écrit, n’est pas obligé de faire inventaire, ni de faire aucune autre diligence que ce qui concerne sa commission.
Au contraire, en pays coûtumier où il est saisi de certains biens du défunt, il doit aussi-tôt qu’il a connoissance du testament, faire procéder à l’inventaire, les héritiers présomptifs présens, ou dûment appellés ; & en cas d’absence de l’un d’eux, il doit y appeller le procureur du roi ou de la justice du lieu.
Dans quelques coûtumes, l’exécuteur testamentaire n’est saisi que des meubles & effets mobiliers, comme à Paris ; dans d’autres, comme Berri & Bourbonnois : ils sont saisis des meubles & conquêts.
D’autres coûtumes encore restraignent de diverses manieres le maniement que doit avoir l’exécuteur testamentaire.
Le testateur peut pareillement le restraindre, comme bon lui semble, par son testament ou codicile.
Il est aussi du devoir de l’exécuteur testamentaire en pays coûtumier, de faire vendre les meubles par autorité de justice, de faire le recouvrement des dettes actives & des deniers qui proviennent tant des meubles que des dettes actives, & du revenu des immeubles, qu’il a droit de toucher, dans certaines coûtumes, pendant l’année de son exécution testamentaire. Il doit acquitter d’abord les dettes passives & mobiliaires, ensuite les legs.
Si les deniers dont on vient de parler ne suffisent pas pour acquiter les dettes & les dispositions du testateur, l’exécuteur testamentaire peut vendre des immeubles jusqu’à dûe concurrence, ainsi que le décident plusieurs coûtumes ; en le faisant néanmoins ordonner avec les héritiers, faute par eux de fournir des deniers suffisans pour acquiter les dettes mobiliaires & legs.
Le pouvoir que l’exécuteur testamentaire tient du défunt ou de la loi, lui est personnel ; de sorte qu’il ne peut le communiquer ni le transférer à un autre. Ce pouvoir finit par la mort de l’exécuteur testamentaire, quand elle arriveroit avant que sa commission soit finie. Il n’est point d’usage d’en faire nommer un autre à sa place ; c’est à l’héritier à achever ce qui reste à faire.
Lorsque le défunt a nommé plusieurs exécuteurs testamentaires, ils ont tous un pouvoir égal, & doivent agir conjointement : néanmoins en cas que l’un d’eux soit absent hors du pays, l’autre peut valablement agir seul.
Pendant l’année que dure la commission de l’exécuteur testamentaire, les légataires des choses ou sommes mobiliaires, peuvent intenter action contre lui pour avoir payement de leur legs, pourvû que la délivrance en soit ordonnée avec l’héritier. Il peut aussi retenir par ses mains le legs mobilier qui lui est fait.
Il ne peut point demander de salaire, quand même il n’auroit point de legs, le mandat étant de sa nature gratuit.
Après l’année révolue, l’exécuteur testamentaire doit rendre compte de sa gestion, à moins que le testateur ne l’en eût dispensé formellement.
S’il y a plusieurs exécuteurs testamentaires, ils doivent tous rendre compte conjointement, sans néanmoins qu’ils soient tenus solidairement du reliquat, mais seulement chacun personnellement pour leur part & portion. Le compte peut être rendu à l’amiable, ou devant des arbitres ; ou si les parties ne s’arrangent pas ainsi, l’exécuteur testamentaire peut être poursuivi par justice.
Les coûtumes & les anciennes ordonnances ne sont pas d’accord entr’elles sur le juge devant lequel en ce cas doit être rendu ce compte ; les unes veulent que ce soit le juge royal ; d’autres admettent la concurrence & la prévention entre les juges royaux & ceux des seigneurs ; quelques coûtumes en donnent la connoissance au juge d’église, soit exclusivement, ou par prévention.
Présentement les juges d’église ne connoissent plus de ces matieres ; & suivant l’ordonnance de 1667, le comptable doit être poursuivi devant le juge qui l’a commis, ou s’il n’a pas été nommé par justice, devant le juge de son domicile.
L’exécuteur testamentaire doit porter en recette tout ce qu’il a reçu ou dû recevoir, sauf la reprise de ce qu’il n’a pas reçu ; il peut porter en dépense tout ce qu’il a dépensé de bonne-foi ; il en est même crû à son serment, pour les menues dépenses dont on ne peut pas tirer de quittance ; il peut aussi y employer les frais du compte, attendu que c’est à lui à les avancer.
S’il y a un reliquat dû par l’exécuteur testamentaire, ou par les héritiers, les intérêts en sont dûs, à compter de la clôture du compte ; s’il est arrêté à l’amiable, ou si le compte est rendu en justice, à compter de la demande.
Quand l’exécuteur testamentaire est nommé par justice, ou qu’il accepte la commission par un acte authentique, il y a de ce jour hypotheque sur ses biens ; hors ce cas, l’hypotheque n’est acquise contre lui que du jour des condamnations. Il en est de même de l’hypotheque qu’il peut avoir sur les biens de la succession. Voyez les lois civiles, tit. des testam. Ricard, des donat. part. II. c.j. & s. les arrêtés de M. de Lamoignon ; & Furgoles, tr. des testam. t. IV. com. x. sect. 14. (A)