L’Encyclopédie/1re édition/FICOIDES

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FICOIDES, s. m. (Hist. nat. bot.) genre de plante dont les fleurs sont des cloches évasées, découpées ordinairement fort menu, & percées dans le fond, par où elles s’articulent avec le pistil. Lorsque les fleurs sont passées, le pistil & le calice deviennent tous les deux ensemble un fruit divisé en plusieurs loges, remplies de semences. Tournefort, mémoires de l’acad. roy. des Sciences, ann. 1705. Voy. Plante. (I)

Ficoïdes, (Bot. exot.) genre de plante exotique, qui n’est connue que des Botanistes & des curieux, & beaucoup plus en Hollande & en Angleterre, qu’en France & en Allemagne. Voici ses caracteres.

Toute cette plante est succulente ; elle ressemble à la joubarbe. Ses feuilles sont conjuguées, & croissent deux à deux. Le calice environne l’extrémité des bords de l’ovaire : c’est une substance charnue ; il est à cinq pieces, ou pentaphylloïdal ; sa fleur est polypétale, très-finement découpée, & sortant de la partie supérieure d’une capsule. L’ovaire pousse cinq tuyaux courbés, se remplit d’abord de suc, mais devient dans la suite un fruit fongueux ; il est divisé en cinq cellules, ou plus ; ces cellules ressemblent à de petites gousses, & sont pleines d’une grande quantité de semences très-menues. Le fruit du ficoïde se mange, & il fait la plus grande partie de la nourriture des Hottentots.

Boerhaave distingue cinquante-trois especes de ficoïdes ; & Miller en nomme quarante-un, qui sont aujourd’hui cultivées dans les jardins d’Angleterre. C’est mal-à-propos que quelques botanistes ont confondu le ficoïdes avec le bananier, & d’autres avec l’opuntia, ou figuier d’Inde, pour me servir du terme vulgaire. Le ficoïdes a pourtant cette ressemblance avec cette derniere plante, que son fruit est toujours formé avant que sa fleur s’épanoüisse, & qu’il a à-peu-près la figure d’une figue ; ce qui a engagé Bradley à le nommer soucy-figue.

Les feuilles du ficoïdes sont toûjours pleines de suc, & il est rare de trouver dans sa classe nombreuse des especes qui n’ayent pas les feuilles conjuguées, c’est-à-dire dont les feuilles ne naissent pas par paires à chaque jointure. Presque tous les ficoïdes sont originaires d’Afrique, sur-tout des environs du cap de Bonne-Espérance dont nous les tirons.

Ils croissent communément dans les pierres & les rocailles, aux endroits où il n’y a pas trop d’humidité ; & on les multiplie aisément de graine, ou de bouture, pourvû qu’on s’y prenne dès le commencement du printems : mais les boutures doivent être plantées dans une terre naturelle, legere, sablonneuse, & au mois de Mai ; elles y réussiront fort bien, & seront en état d’être mises au mois d’Août suivant dans des pots & couches chaudes, où on les laissera en plein air jusqu’au mois de Septembre ; car les ficoïdes se plaisent à découvert, & les petites gelées ont de la peine à mordre dessus. Par rapport au tems de leur durée, la plûpart des especes en buisson veulent être renouvellées tous les deux ou trois ans, aussi bien que les especes rampantes ; car les plantes de ce genre qui ont trois ans périssent souvent, ou si elles vivent, elles sont ordinairement mal-faites & délabrées.

Il est d’usage en plusieurs endroits d’Angleterre, de faire venir ces boutures sur une couche faite avec du tan, qui est un mélange, lequel, sans brûler les plantes, leur fournit une chaleur douce pendant trois ou quatre mois.

Il y a quelques especes de ficoïdes qui sont annuelles, & qu’on doit multiplier de graine tous les ans. Leurs feuilles sont d’abord à-peu-près comme celles de la tête de fleche, couvertes de petites vessies remplies d’un jus clair, qui les fait paroître comme autant de diamans lorsque le soleil donne dessus ; mais à mesure que la plante grossit, les feuilles diminuent & changent de figure. Leurs branches sont couvertes de vésicules transparentes, & produisent au mois de Septembre des petites fleurs blanches. Cette espece passera l’hyver, pourvû qu’on fasse lever les jeunes plantes vers le mois de Juillet & d’Août ; car alors elles ne se disposeront point à fleurir pendant trois ou quatre mois.

Il y a une autre espece de ficoïdes qui sont nains, & qui ont la même forme que l’aloès ; ils croissent toûjours fort près de terre, sans pousser de branches. La plûpart durent cinq ou six ans sans être renouvellées ; mais elles pourront perdre quelques-unes de leurs feuilles les plus proches de terre, si la surface du terrein n’est pas couverte de décombres criblés, qui contribuent à boire l’humidité, & à empêcher les feuilles de se pourrir. Ces especes basses ont ordinairement les feuilles plus succulentes, & par conséquent ont plus à craindre l’humidité que les autres : on les plante sur de petites élévations de terre au milieu des pots.

Pareillement, quelques-unes des especes rampantes, qui ont les feuilles bien succulentes & les tiges tendres, doivent être mises dans une terre dont le sommet soit couvert d’une couche mince de décombres, ou de cendres de charbon de terre, pour empêcher que le trop d’humidité ne les pourrisse. La terre que l’on destine à chaque espece de cette plante, doit être legere & sablonneuse, & mêlée avec une quatrieme partie de décombres.

Les especes en buisson dont la tige est ligneuse, doivent être arrosées modérément. Cette classe de ficoïdes demande la chaleur & l’avantage du soleil, sans quoi leurs fleurs ne s’épanoüiroient jamais, à l’exception des especes qui ne fleurissent que la nuit. Il est bon de ne planter les boutures, que quand la cicatrice de leur coupe est formée.

Les ficoïdes sont très-diversifiés par la couleur de leurs fleurs blanches, jaunes, dorées, orangées, bleues, pourpres, écarlates ; & même quelques especes sont continuellement en fleurs. Un des plus remarquables ficoïde est celui que les Anglois nomment diamond plant, ou ice plant, & les Botanistes ficoïde d’Afrique, à fleurs de plantain ondées, argentées, & brillantes comme des facettes de glace. Miller a trouvé le secret d’en perfectionner la culture, & de faire venir en Angleterre la tige, les branches & les feuilles de cette espece, plus belles qu’en Afrique. Voyez ce qu’il dit à ce sujet dans son dictionnaire des plantes de jardin, & joignez-y l’ouvrage de Bradley, intitulé Historia plantar. succulentar. ornée de figures en taille-douce, & dont les diverses décades ont paru successivement à Londres en 1716, 1717, 1725, & 1727, in-4°. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.