L’Encyclopédie/1re édition/FLOTTE

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FLOTTE, s. f. (Marine.) c’est un corps de plusieurs vaisseaux qui naviguent ensemble.

Les Espagnols donnent le nom de flotte, flotta ou flottilla, aux vaisseaux qui vont tous les ans à la Vera-Crux, qui est un port au fond du golfe du Mexique ; & ils appellent galions, la flotte des vaisseaux, grands ou petits, qui vont à Carthagene & à Porto-Bello. (Q)

Flottes de la Chine, (Marine.) On donne ce nom à un assemblage de plusieurs bâtimens chinois qui s’assemblent & naviguent ensemble, & forment comme des villages sur les lacs & les rivieres : ils traversent le pays de cette façon, & font un grand commerce.

Le fond de la liaison de tous ces vaisseaux est de jonc ou de bambouc, entrelacés de liens de bois qui sont entretenus par de grosses poutres sur lesquelles porte tout l’ouvrage.

Pour faire avancer ces villages, on les pousse à l’avant & à l’arriere avec de grandes perches ; & il y a une grosse piece de bois debout à l’arriere, pour servir à amarrer la flotte à gué avec un cordage, lorsqu’il en est besoin.

Outre ces grandes flottes, qui sont comme des villages, & où les maîtres & propriétaires des bâtimens passent leur vie avec toute leur famille, il y a encore à la Chine de simples bateaux ou petits vaisseaux qui servent de demeure à une famille. Ils n’ont ni rames ni voiles, & on ne les fait avancer qu’avec le croc. Les marques des marchandises qui sont à vendre dans ces bateaux, sont suspendues à une perche qu’on tient élevée, afin qu’on les puisse voir aisément. (Z)

Flotte invincible, (Hist. mod.) C’est le nom que Philippe II. donna à la flotte qu’il avoit préparée pendant trois ans en Portugal, à Naples & en Sicile, pour déthroner la reine Elisabeth.

Les Espagnols en publierent une relation emphatique, non-seulement dans leur langue, mais en latin, en françois, & en hollandois. M. de Thou, qui avoit été bien intormé de l’équipement de cette flotte par l’ambassadeur de S. M. C. à la cour de France, rapporte qu’elle contenoit huit mille hommes d’équipage, vingt mille hommes de débarquement, sans compter la noblesse & les volontaires ; & qu’en fait de munitions de guerre, il y avoit sur cette flotte 12 mille boulets, 5 mille 600 quintaux de poudre, 10 mille quintaux de balles, 7 mille arquebuses, 10 mille haches, un nombre immense d’instrumens propres à remuer ou à transporter la terre, des chevaux & des mulets en quantité, enfin des vivres & des provisions en abondance pour plus de six mois.

Tout cela s’accorde assez bien avec la relation abregée de l’équipement de cette flotte, que Strype a tirée des notes du grand thrésorier d’Angleterre, mylord Burleigh, & qu’il a insérée dans l’appendice des mémoires originaux, n°. 51.

L’extrait de Strype se réduit à ceci, que la flotte invincible composoit 130 vaisseaux de 57868 tonneaux, 19295 soldats, 8450 matelots, 2088 esclaves, & 2630 grandes pieces d’artillerie de bronze de toute espece, sans compter 20 caravelles pour le service de l’armée navale, & 10 vaisseaux d’avis à 6 rames. Cette flotte, avant que de sortir du port de Lisbonne, coûtoit déjà au roi d’Espagne plus de 36 millions de France, évaluation de ce tems-là ; je ne dis pas évaluation de nos jours.

Le duc de Médina-Celi fit voile de l’embouchure du Tage avec cette belle flotte en 1588, & prit sa route vers le Nord. Elle essuya une premiere tempête qui écarta les vaisseaux les uns des autres, ensorte qu’ils ne purent se rejoindre ensemble qu’à la Corogne. Elle en partit le 12 Juillet, & entra dans le canal à la vûe des Anglois, qui la laisserent passer.

On sait assez quel en fut le succès, sans le détailler de nouveau. Les Espagnols perdirent dans le combat naval, outre six à sept mille hommes, quinze de leurs plus gros vaisseaux ; & ils en eurent un si grand nombre qui se briserent le long des côtes d’Ecosse & d’Irlande, qu’en 1728 le capitaine Row en découvrit un du premier rang sur la côte occidentale d’Ecosse ; & qu’en 1740 on en apperçut deux autres de cet ordre dans le fond de la mer près d’Edimbourg, dont on retira quelques canons de bronze, sur la culasse desquels étoit une rose entre une F & une R.

Les Provinces-Unies frapperent au sujet de cet évenement une médaille admirable, avec cette exergue, la gloire n’appartient qu’à Dieu ; & au revers étoit représentée la flotte d’Espagne, avec ces mots : elle est venue, elle n’est plus.

Soit que Philippe II. reçût la nouvelle de la destruction de la flotte avec une fermeté héroïque, comme le dit Cambden ; soit au contraire qu’il en ait été furieux, comme Strype le prétend sur des mémoires de ce tems-là qui sont tombés entre ses mains, il est au moins sûr que le roi d’Espagne ne s’est jamais trouvé depuis en état de faire un nouvel effort contre la Grande-Bretagne : au contraire, l’année suivante Elisabeth elle-même envoya une flotte contre les Espagnols, & remporta des avantages considérables.

On a sagement remarqué que ces prodigieuses armées navales n’ont presque jamais réussi dans leurs expéditions : l’histoire en fournit plusieurs exemples. L’empereur Léon I. dit le-Grand par ses flateurs, qui avoit envoyé contre les Vandales une flotte composée de tous les vaisseaux d’Orient, sur laquelle il avoit embarqué 100 mille hommes, ne conquit pas l’Afrique, & fut sur le point de perdre l’Empire.

Les grandes flottes & les grandes armées de terre épuisent un état ; si l’expédition est longue, & si quelque malheur leur arrive, elles ne peuvent être secourues ni réparées : quand une partie se perd, le reste n’est rien, parce que les vaisseaux de guerre, ceux de transport, la cavalerie, l’infanterie, les munitions, les vivres, en un mot chaque partie dépend du tout ensemble. La lenteur des entreprises fait qu’on trouve toûjours des ennemis préparés ; outre qu’il est rare que l’expédition ait lieu dans une saison commode, qu’elle ne tombe dans le tems des tempêtes, qu’elle n’en essuie d’imprévûes, qu’elle ne manque des provisions nécessaires ; & qu’enfin les maladies se mettant dans l’équipage, ne fassent échoüer tous les projets. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Flotte d’une Ligne à pêcher, c’est un morceau de liége ou de plume qui flotte sur l’eau, pour marquer l’endroit où est l’hameçon, & découvrir si quelque poisson y mord.

Flotte, dans les Manufactures de soie, est synonyme à écheveau.