L’Encyclopédie/1re édition/FOL ou FOU
FOL ou FOU, s. m. voyez Folie.
Fol, & depuis Fou, (Littérat. mod.) bouffon de cour entretenu aux dépens du prince.
L’usage des rois d’avoir des fous ou des bouffons à leur cour, pour les divertir par leurs bons mots, leurs gestes, leurs plaisanteries, ou leurs impertinences : cet usage, dis-je, tout ridicule qu’il est, remonte assez haut dans l’histoire moderne.
Au commencement du neuvieme siecle, l’empereur Théophile avoit pour fou un nommé Daudery, qui par son indiscrétion pensa causer les plus cuisans chagrins à l’impératrice Théodora. Il s’avisa d’entrer un jour brusquement dans le cabinet de cette princesse, lorsqu’elle faisoit ses prieres devant un oratoire orné de très-belles images qu’elle gardoit en grand secret, pour éviter que l’empereur qui étoit iconoclaste, en eût connoissance. Daudery, qui n’avoit jamais vû d’images, lui demanda vivement ce que c’étoit : à quoi Théodora répondit que c’étoit des poupées qu’elle préparoit pour donner à ses filles : sur cela Daudery vint dire au dîner de l’empereur, qu’il avoit trouvé l’impératrice occupée à baiser les plus jolies poupées du monde. Théodora eut bien de la peine à se tirer de ce mauvais pas : mais elle fit si bien châtier le fou de l’empereur, qu’elle le corrigea pour jamais de parler de tout ce qui pourroit la regarder.
Après l’expédition des croisades, on vit la mode d’avoir des fous s’établir dans toutes les cours de l’Europe, dans celles d’Italie, d’Allemagne, d’Angleterre, & de France. Ici les princes du bon air voulurent avoir des fous à leur suite, qui leur servissent de joüet & d’amusement. Là les grandes maisons se procuroient un fol qu’on habilloit ridiculement, afin que l’héritier présomptif eût occasion de se divertir de ses discours ou de ses bévûes. En Italie, Nicolas III. marquis d’Est & de Ferrare, avoit à sa cour un fou ou bouffon nommé Gonelle, qui devint célebre par ses reparties.
En France, on poussa la chose plus loin que partout ailleurs : car l’emploi de fou à la cour y fut érigé en titre d’office particulier. On conserve dans les archives de Troies en Champagne une lettre de Charles V. qui écrivit au maire & aux échevins, que son fou étant mort, ils eussent à lui envoyer un autre fou, suivant la coûtume. A S. Maurice de Senlis, on lit cette épitaphe : « Cy gist Thévenin de Saint-Légier, fou du roi notre sire, qui trépassa le premier Juillet 1374 : priez Dieu pour l’ame de ly ».
Le fou de François I. nommé Triboulet, disoit que Charles-Quint étoit plus fou que lui de passer par la France pour aller aux Pays-bas ; mais, lui dit François I. Si je le laisse passer ! En ce cas, dit Triboulet, j’effacerai son nom de mes tablettes, & j’y mettrai le vôtre. Cependant Charles-Quint avoit raison de ne pas hésiter, en se rendant dans les Pays-Bas, de passer en France sur l’invitation d’un monarque, qui après la bataille de Pavie, mandoit à la duchesse d’Angouleme : tout est perdu, hormis l’honneur.
Le dernier fou de cour dont il soit parlé dans notre histoire, est le fameux l’Angely, que M. le Prince amena des Pays-Bas, & qu’il se fit un plaisir de donner à Louis XIV. Mais l’Angely étoit un fou plein d’esprit, qui trouva le secret de plaire aux uns, de se faire craindre des autres, & d’amasser par cette adresse une somme de vingt-cinq mille écus de ce tems-là. On sait à ce sujet les deux vers de Despréaux, & le bon mot de Marigny, qui étant un jour au diner du roi, dit à quelqu’un, en voyant l’Angely qui amusoit Louis XIV. par ses bons mots : « De tous nous autres fous qui avons suivi M. le Prince, il n’y a que l’Angely qui ait fait fortune ». Cependant les railleries piquantes de l’Angely le firent à la fin chasser de la cour ; & depuis, cette espece de fous n’y a plus paru. L’Angely disoit qu’il n’alloit pas au sermon, parce qu’il n’aimoit pas le brailler, & qu’il n’entendoit pas le raisonner. (D. J.)
Fol Appel, (Jurisprud.) est celui qui est interjetté témérairement & sans cause, ni moyens valables. L’amende du fol appel, proprement dit, est la grosse amende à laquelle on condamne celui que l’on déclare non recevable dans son appel. Voyez l’ordonnance de 1539. art. 96. & le praticien de Ferriere, tit. des appellat. Cependant quelques-uns entendent par fol appel tout appel dans lequel l’appellant succombe ; & par amende du fol appel ils entendent aussi l’amende ordinaire à laquelle en ce cas on condamne l’appellant. (A)