L’Encyclopédie/1re édition/GARGOULETTE
GARGOULETTE, s. f. terme de relation. La gargoulette est un vase de terre du Mexique, extrèmement legere & transparente. Ce vase est double, c’est-à-dire qu’il y en a deux en partie l’un dans l’autre. Le premier, ou supérieur, a la forme d’un entonnoir qui n’est pas percé, dont le bout est enchâssé dans le second, ou inférieur. Celui-ci a un petit goulot, comme une théyere, pour rendre la liqueur qu’il a reçûe. C’est dans le supérieur qu’on verse la liqueur, d’où elle passe en filtrant dans celui de dessous. On met une attache aux ances de la gargoulette, pour la suspendre à l’ombre, & l’eau y devient d’une grande fraîcheur.
On a voulu imiter ces vases en Europe, & particulierement en Italie ; mais on n’a pas pû y réussir jusqu’à-présent : c’est la terre qui en fait toute la bonté, & ils sont d’une commodité merveilleuse au Mexique. On n’y met pour l’ordinaire que de l’eau pure, parce que le vin est trop chargé de corpuscules hétérogenes qui ne passeroient pas au-travers des pores de la terre, ou qui les rempliroient bientôt ; au lieu que l’eau étant plus homogene, se filtre avec facilité, & se rafraîchit considérablement par le moyen de l’air frais qui pénetre les pores des deux vaisseaux.
Mais les gargoulettes des Indes orientales, faites avec la terre de Patna, sont encore au-dessus de celles du Mexique. Ce sont des bouteilles assez grandes, capables de contenir autant de liqueur qu’une pinte de Paris ; cependant elles sont si minces & si legeres, qu’elles pourroient être enlevées en l’air, étant vuides, par le souffle seul, comme les boules d’eau de savon que font les enfans. On se sert de ces sortes de vases pour rafraîchir l’eau dans un lieu frais, & l’on dit que dans le pays cette eau y contracte une odeur & un goût très-agréable. L’on ajoûte que les dames indiennes, après avoir bû l’eau, mangent avec délices le vase qui la contenoit ; ensorte qu’il y a telle femme grosse au Mogol, qui, si on ne l’en empêchoit, dévoreroit en peu de tems les plats, les pots, les caraffes, les bouteilles, & tous les autres ustensiles de la terre de Patna qu’elle trouveroit sous sa main. (D. J.)