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L’Encyclopédie/1re édition/GIGUE

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GIGUE, s. f. (Musique.) air qui se marque ordinairement d’un , qui se bat à deux tems inégaux & vifs, & qui commence ordinairement en levant. La gigue n’est proprement qu’une espece de loure dont le mouvement est accéléré. Voyez Loure. Il y a même dans les anciens opéra françois des gigues designées par le mouvement de la loure, comme dans le prologue de l’opéra de Roland. La gigue est très-commune dans nos opéra, parce que cet air par sa vivacité & son sautillement est très-propre à la danse ; on lui a même donné plus essentiellement ce caractere parmi nous par la maniere dont on l’a souvent noté. Chez les Italiens la mesure de la gigue est de six croches qui se passent de trois en trois ; la premiere plus vîte, la seconde un peu moins, la troisieme encore un peu moins. Chez nous, au lieu des trois croches on substitue trois autres notes équivalentes ; mais dont la premiere se passe très-vite, la seconde une fois moins, la troisieme deux fois moins : ce sont une double croche, une croche simple, & une croche pointée. Par cette maniere de noter & de joüer, la gigue devient plus vive, d’une mesure plus marquée & plus propre pour la danse ; elle est aussi en cet état très-propre à recevoir des paroles gaies, & quelquefois susceptible d’une expression très-heureuse. Telle est la gigue de Thésée chantée en duo par deux vieillards, Pour le peu de bon tems qui nous reste, &c. Cet air, plein de caractere & de vérité, est bien préférable à un grand nombre d’autres airs du même musicien qui n’ont pas ce mérite, mais qu’on admire encore chez nous par préjugé & par habitude.

Les Italiens font aussi beaucoup d’usage de la gigue, même dans leurs pures symphonies ; & on sait que Corelli entr’autres a excellé dans ce genre. Mais ils ne bornent pas le mouvement de cet air à des sonates, ni même à des airs de chant gai ; ils l’employent quelquefois très-à-propos dans des airs vifs de différente espece, d’amour, de fureur, de douleur même. La maniere dont nous notons nos airs de gigue, ne les rend propres qu’à rendre des paroles gaies ; la petite différence dans la maniere de noter des Italiens, les met à portée d’exprimer par ce mouvement beaucoup plus que nous. Nous ne pouvons, il est vrai, nous persuader, graces à la finesse de notre tact en Musique, & aux modeles que nous en avons, qu’un mouvement vif puisse exprimer autre chose que la joie, comme si une douleur vive & furieuse parloit lentement. C’est en conséquence de cette persuasion que les morceaux vifs du Stabat, exécutés gaiement au concert spirituel, ont paru des contre-sens à plusieurs de ceux qui les ont entendus. Nous pensons sur cet article à-peu-près comme nous faisions il y a très-peu de tems sur l’usage des cors-de-chasse. On sait, pour peu qu’on ait entendu de beaux airs italiens pathétiques, l’effet admirable que cet instrument y produit ; avant cela nous n’aurions jamais imaginé qu’il pût être placé ailleurs que dans une fête de Diane.

Au reste, pour en revenir à la gigue, comme elle se bat à deux tems, les François & les Italiens l’ont quelquefois marquée d’un 2 au lieu d’un , en y conservant d’ailleurs la maniere de noter que nous avons dite. (O)