L’Encyclopédie/1re édition/GITE

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GITE, s. m. (Gramm.) lieu où l’on s’arrête pour coucher à la fin de la journée, lorsqu’on est en voyage : on a un peu étendu l’acception de ce mot, & il signifie souvent en général le lieu ou l’on couche : ainsi on dit, de retour au gîte, nous fîmes, &c. il se dit surtout de l’endroit où le lievre a coûtume de se reposer.

Gîte, (droit de-) Hist. de France ; dans les titres ce droit s’appelle jus gisti, gistum, jus subventionis, ou procurationis. Voyez Ducange, au mot gistum. Ancien droit que les rois de France levoient dans les villes, bourgs, évêchés, & abbayes, pour les indemniser des frais du voyage, passage, ou séjour qu’ils faisoient sur les lieux.

Quand les rois de la premiere race & quelques-uns de la seconde, voyageoient, ce qui leur arrivoit souvent, ils logeoient avec leur suite pendant une nuit, aux dépens des villes, des bourgs, & des villages qui étoient sur leur route. On leur fournissoit tout ce dont ils avoient besoin, & ils étoient magnifiquement défrayés ; car leurs hôtes ne manquoient jamais d’y joindre au départ quelque présent en argenterie. Peu-à-peu cet établissement devint un droit royal, qu’on nomma droit de gîte ; & personne n’en fut exempt. Jean le Coq rapporte un arrêt qui déclare les villes données en doüaire à la reine, sujettes au droit de gîte.

Les évêques & les abbés payoient ce droit de gîte pour la visite de leur église ; & quand nos rois se dégoûterent de mener une vie errante, ils continuerent d’exiger leur droit de gîte des évêques, des abbés, & autres prélats. Lors même que ces évêques & abbés furent affranchis du service militaire, ils resterent soûmis au droit de gîte. Louis VII. en exempta la seule église de Paris, en reconnoissance de l’éducation qu’elle lui avoit donnée.

Ce droit de gîte étoit fixé à une certaine somme pour chaque évêché ou abbaye, toutes les fois que le roi venoit visiter l’église ou l’abbaye du lieu : p. ex. l’abbé du grand monastere de Tours étoit taxé à soixante livres du pays ; abbas majoris monasterii Turonensis debet unum gistum, taxatum sexaginta libras turonenses, levandas quolibet anno, si rex visitaverit ecclesiam.

Quelques églises s’abonnerent à payer le droit de gîte à une certaine somme, soit que le roi vînt ou non les visiter ; l’archevêque de Tours prit ce parti, & composa pour cent francs. Pasquier rapporte à ce sujet un grand passage qu’il a tiré des archives de la chambre des comptes, & dont voici le précis : L. anno Domini 1382, dominus P. Mazerii, episcopus Atrebatensis, pro jure procurationis . . . . . . . . composuit in ducentis & quadraginta francis auri, franco sexdecim solidorum, pro eo quod debebat ; de quibus satisfactum, dominus Atrebatensis habet penès se litteras regias, unâ cum litteris quitationis secretariorum. Le latin de ce tems-là n’est pas élégant, mais le sens en est clair. Ce passage dit qu’en 1382 l’évêque d’Arras traita à deux cents quarante francs d’or, chaque franc de seize sous, pour ce qu’il devoit du droit de gîte ; qu’il paya cette somme, en prit l’écrit du roi, & quittance de ses secrétaires.

Ce même passage nous apprend positivement que le droit de gîte subsistoit encore en 1382. « Enfin, dit Pasquier en son vieux gaulois, le tems a depuis fait mettre en oubli, tant les services militaires, que droits de gîte ; au lieu desquels on a introduit l’octroi des décimes sur tout le clergé, n’étant demeuré de cette ancienneté, que la prestation de serment de fidélité au roi, qui doit être faite par tous les prélats de France, lors de leurs avénemens ». (D. J.)

Gîtes, s. m. pl. (Art milit.) ce sont des pieces de bois dont on se sert pour la construction des plates-formes des batteries sur lesquelles on pose les madriers. Voyez Plate-Forme. (Q).

Gîte, (Boucherie & Cuisine.) Le gîte est le bas de la cuisse du bœuf ; on y distingue trois parties, le bas où est le morceau à la noix, & le derriere du gîte ; la levée & le gîte à l’os.