L’Encyclopédie/1re édition/GOUACHE
GOUACHE, s. f. (Peinture.) peindre à goüache ; la maniere de peindre qu’on distingue par ce nom est une des plus anciennes de celles que nous connoissons, si ce n’est pas celle qu’on doit regarder comme ayant précédé toutes les autres. L’eau est sans doute le moyen le plus facile de donner à des matieres colorées, mises en poudre, la fluidité nécessaire pour pouvoir les étendre sur des surfaces, & les y incorporer. Les premieres couleurs ont été vraissemblablement des terres & des pierres broyées, qu’on a rendu liquides par le moyen de l’eau ; mais comme l’usage a fait voir que lorsque l’humidité de ces couleurs étoit totalement dissipée, elles n’étoient plus retenues, & qu’elles quittoient trop aisément les corps sur lesquels on les avoit employées, on a cherché à leur donner plus de consistance par des mélanges de matieres visqueuses ; alors les gommes que certains arbres fournissent abondamment, & qui par leur transparence ne peuvent alterer les nuances des couleurs, se sont offertes naturellement pour cet usage.
La goüache n’est autre chose que cet apprêt simple des couleurs broyées, délayées dans de l’eau, que l’on charge plus ou moins d’une dissolution de gomme. On employe les couleurs ainsi préparées sur toutes sortes de corps principalement sur la toile, le vélin, le papier, l’yvoire, &c. On se sert communément de la gomme arabique, que l’on fait fondre dans l’eau commune, comme on fait pour peindre en miniature ; & après avoir proportionné le mélange de la gomme avec les différentes couleurs, on couche ces couleurs en les empâtant, & en leur donnant du corps, ce qui n’a lieu, ni dans le lavis, comme je le dirai, ni dans la miniature. Il est des couleurs qui demandent à être plus gommées les unes que les autres ; l’expérience donnera des regles à cet égard ; & les inconvéniens qu’il faut éviter serviront à les établir. Ces inconvéniens sont que les couleurs qui ne sont point assez gommées, se dissipent lorsqu’elles sont seches, & qu’elles s’évaporent. Elles s’écaillent, se fendent, & se détachent par morceaux lorsqu’elles sont trop gommées : des essais faciles à faire instruiront mieux que tout ce qu’on pourroit dire à ce sujet. La goüache est très-propre à peindre le paysage d’après nature ; elle sert aussi à faire des esquisses colorées pour de grandes compositions, &c. Cette maniere est prompte & expéditive, elle a de l’éclat ; mais on doit sur-tout éviter, en la mettant en usage, une sécheresse qui dans cette espece de travail, doit provenir de la promptitude avec laquelle les couleurs se sechent. L’artiste qui n’a pas toûjours le tems nécessaire pour dégrader ses teintes, pour fondre ses nuances, & pour accorder son ouvrage, laisse échapper des touches dures, & des passages de tons trop marqués. La miniature dans l’usage de laquelle on cherche à éviter cet inconvénient, en pointillant, comme je le dirai, tombe assez souvent dans un défaut contraire ; & il est aussi commun de voir des goüaches trop dures, que des miniatures dont la maniere est trop molle. Voyez Lavis, Miniature, &c.
Est modus in rebus, sunt certi denique fines,
Quos ultra citraque nequit consistere rectum.
Article de M. Watelet.