L’Encyclopédie/1re édition/HAWAMAAL
HAWAMAAL, s. m. (Hist. anc.) c’est ainsi qu’on nommoit chez les anciens Celtes Scandinaves ou peuples du Nord, un poëme qui renfermoit les préceptes de morale que le scythe Odin ou Othen avoit apportés à ces nations dont il fit la conquête. Hawamaal signifie en leur langue discours sublime ; ce poëme contient cent vingt strophes, dont quelques-unes renferment des maximes d’une très-belle simplicité : en voici quelques-unes.
Plus un homme boit, plus il perd de raison ; l’oiseau de l’oubli chante devant ceux qui s’enyvrent, & leur dérobe leur ame.
L’homme gourmand mange sa propre mort ; & l’avidité de l’insensé est la risée du sage.
Quand j’étois jeune j’errois seul dans le monde ; je me croyois devenu riche quand j’avois trouvé un compagnon : un homme fait plaisir à un autre homme.
Qu’un homme soit sage modérément, & qu’il n’ait pas plus de prudence qu’il ne faut ; qu’il ne cherche point à savoir sa destinée, s’il veut dormir tranquille.
Il vaut mieux vivre bien que long-tems : quand un homme allume du feu, la mort est chez lui avant qu’il soit éteint.
Il vaut mieux avoir un fils tard que jamais ; rarement voit-on des pierres sépulchrales élevées sur les tombeaux des morts par d’autres mains que celles de leurs fils.
Louer la beauté du jour quand il est fini ; une femme quand vous l’aurez connue ; une épée quand vous l’aurez essayée ; une fille quand elle sera mariée ; la glace quand vous l’aurez traversée ; la bierre quand vous l’aurez bûe.
Il n’y a point de maladie plus cruelle que de n’être pas content de son sort.
Les richesses passent comme un clin-d’œil ; elles sont les plus inconstantes des amies. Les troupeaux périssent, les parens meurent, les amis ne sont point immortels, vous mourrez vous-même : je connois une seule chose qui ne meurt point, c’est le jugement qu’on porte des morts.
Voyez les monumens de la Mythologie & de la Poésie des Celtes, par M. Mallet ; voyez l’article Scandinaves (philosophie des).