L’Encyclopédie/1re édition/HELLENODICES

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 106).

HELLENODICES, sub. m. (Antiq.) président, juge, & directeurs des jeux agonistiques.

Les héllénodices, ou hellénodiques, étoient des magistrats distingués, qui présidoient aux jeux de la Grece, & qui furent institués lors du rétablissement des jeux olympiques par Iphytus, 408 ans après la prise de Troie, & 23 ans après la fondation de Rome.

Au commencement il n’y eut qu’un seul hellénodice, ensuite deux, bien-tôt après on en créa trois ; enfin on en augmenta le nombre jusqu’à neuf, savoir trois pour les courses des chars & des chevaux, trois pour les autres exercices, & trois pour la distribution des prix.

Ils prirent le nom de hellénodices, du lieu de leur assemblée, qu’on appelloit hellénodicée ; c’étoit originairement un certain espace de terrain de la grande place des Eléens.

Leur fonction principale étoit de présider aux jeux sacrés, d’y maintenir l’ordre, la discipline, d’adjuger & de distribuer les prix : pour prévenir toute injustice, autant qu’il étoit possible, ils prétoient serment de ne se point laisser gagner par aucun intérêt, ni directement, ni indirectement, de juger avec impartialité, & de ne pas découvrir la raison, pour laquelle ils admettoient, ou refusoient tel ou tel combattant.

Ils étoient obligés de résider dix mois dans l’hellénodicée, avant la célébration des jeux, afin de s’instruire à fond des statuts agonistiques, & de veiller à ce que ceux qui se proposoient pour les combats, fissent exactement leurs exercices préparatoires, & fussent instruits dans toutes les loix de l’agonistique, par les nomophylaces, c’est-à-dire les gardiens de ces loix.

Le jour de la célébration des jeux étant arrivé, les hellénodices écrivoient sur un registre le nom & le pays de ceux qui s’enrôloient pour entrer en lice ; ensuite, après leur avoir exposé les conditions auxquelles ils les admettoient, ils ordonnoient à un héraut de les proclamer à haute voix, & de les faire passer comme en revûe dans le stade, pour savoir s’il y avoit dans l’assemblée quelqu’un qui eût contre les uns ou les autres athletes des reproches à faire, qui pussent être à leur charge un sujet d’exclusion, comme la qualité d’esclave, une action criminelle, un vol, &c. Enfin, quand il n’y avoit aucune déposition valable, les athletes prétoient entre les mains des hellénodices le serment solemnel par lequel ils s’engageoient d’observer les lois prescrites dans chaque sorte de combats.

Ce même jour les hellénodices se rendoient dans la place avant le lever du soleil pour apparier les courses, & pour que toutes choses fussent en ordre, au moment de l’ouverture des jeux.

Pendant leur solemnité, ils étoient assis la tête nue, à l’une des extrémités du stade ou de l’hippodrome, & dans l’endroit où se terminoient ces divers combats.

Ils avoient devant eux, sur une espece de gradin élevé, les palmes, les couronnes, & les prix destinés aux vainqueurs ; quelquefois les athletes victorieux les recevoient d’un héraut, qui les leur portoit dans le lieu du stade où ils avoient triomphé ; mais c’étoit ordinairement l’hellénodice qui distribuoit de sa propre main les couronnes à ceux auxquels il les adjugeoit.

Alexandre ayant gagné le prix de la course des chevaux aux jeux olympiques, alla victorieux se présenter devant l’un des hellénodices, qui en le couronnant lui dit ces paroles remarquables : « Fiez-vous à moi, Alexandre ; de la maniere dont vous avez gagné la victoire à la course, vous en remporterez bien d’autres à la guerre ». Paroles dont le jeune héros tira un augure capable de lui élever l’ame, jusques à former les grandes entreprises qui depuis étonnerent l’univers.

Comme on érigeoit souvent des statues en l’honneur des athletes victorieux, sur-tout dans les olympioniques, & communément dans le lieu même où ils avoient été couronnés, la loi défendoit formellement que ces statues fussent plus grandes que nature ; & c’est à quoi les hellénodices prenoient garde de si près, au rapport de Lucien, qu’ils n’y apportoient pas moins d’attention qu’à l’examen sévere des athletes & à toute autre partie de leur district. En effet, s’il se trouvoit quelqu’une de ces statues qui surpassât la grandeur naturelle, ils la faisoient aussi-tôt jetter par terre. Sans doute qu’ils en agissoient ainsi, de crainte que le peuple, qui n’étoit que trop disposé à rendre aux athletes des honneurs divins, ne s’avisât en voyant leurs statues d’une taille plus qu’humaine, de les mettre à la place de celles des dieux.

La jurisdiction des hellénodices ne réunissoit pas les avantages de la durée à ceux de son importance, car elle finissoit le jour même avec les jeux ; mais ils avoient la gloire d’emporter l’opinion favorable de la justice & de l’impartialité. Aussi, pour n’être point tentés d’enfreindre leur serment, ils remettoient toûjours la lecture des lettres de recommandation qu’on leur faisoit en faveur de certains athletes, jusqu’après leurs combats ou leurs victoires.

Cependant, quelque déférence qu’eussent les Grecs pour le jugement des hellénodices, quelques-uns d’eux furent accusés de défaut d’expérience, & d’autres d’acception de personnes ; d’ailleurs, il arrivoit quelquefois dans les jeux tel incident délicat ou imprévû, qui obligeoit les athletes d’en appeller au sénat d’Olympie, lequel alors décidoit en dernier ressort ces sortes d’affaires agonistiques. Enfin, aux jeux Pithiens on appelloit de leur jugement à celui de l’empereur ; je crains bien que l’équité de ce dernier tribunal ne valût pas celle du premier. Je sais du-moins, pour en citer un exemple, que le jugement de Panis roi de Chalcide, a passé en proverbe, pour caractériser un jugement d’ignorance & de faveur. (D. J.)