L’Encyclopédie/1re édition/HOLLANDE
HOLLANDE (Comté de), Géogr. la plus considérable des sept Provinces-Unies.
Le nom de Hol-land veut dire pays creux ; soit que par le mot de creux on ait entendu un pays bas & enfoncé, soit qu’on ait voulu dire un pays dont la terre semble creusée intérieurement, les deux sens conviennent également : cependant le nom de Holland ne se trouve point usité avant le milieu de l’onzieme siecle.
L’ancienne Hollande propre étoit bornée au nord par le vieux canal du Rhin, & c’est ce qu’on peut appeller la vraie Hollande : du tems des Romains, elle faisoit partie de la Gaule Belgique, ses peuples étoient les Caninéfates, peuples que les anciens plaçoient dans la partie maritime & occidentale de l’île des Bataves.
Cette île s’étendoit jusqu’auprès de Gortrnydenberg : tout ce qui étoit au nord du vieux canal du Rhin (j’appelle ainsi le canal qui passe à Leyden, & qui avoit son embouchure à Catwyck) s’appelloit la Frise, & étoit possédé par les Marsatiens (peuple dont le Kennemerland conserve en partie le pays & le nom), & par les Frisons qui occupoient portion du Rhinland, l’Amstelland, le Goyland, le Waterland, & tout ce qui est présentement de la Westfrise. Tout ce pays, aussi-bien que la véritable Frise d’aujourd’hui, & même le pays d’Utrecht, s’appelloit encore Frise dans l’onzieme siecle.
Les Romains firent des tentatives inutiles pour dompter les Frisons qui demeurerent indépendans, & reçurent la foi chrétienne sous le regne de Charlemagne. Les Danois, connus alors sous le nom de Normands ou Nordalbingiens, se rendirent maîtres de la Frise jusqu’à l’an 900 : mais du tems de Charles le Simple, les Frisons secouerent le joug de ces barbares ; & ce même Charles donna le titre de comte de Frise à Thierry.
Voilà le seigneur que l’on tient pour avoir été le premier comte de Hollande. Il s’établit à Vlaërding ou Flarding, bourgade au-dessous de Roterdam, qui étoit autrefois une ville capitale du pays. Ce fut là que commença le marquisat de Flarding ou Fladerting, qui est l’ancien nom de la véritable Hollande. En effet, Hermanus Contractus, moine bénédictin, qui écrivoit l’an 1066, la nomme Fladirtinga, & ne se sert pas une seule fois du mot Hollande.
Ce que nous appellons aujourd’hui la Nord Hollande, habitée alors par les Frisons, demeura dans l’indépendance jusqu’en 1313, que Jean de Baviere, comte de Hollande, prit leur capitale & la ruina. Ce pays ayant depuis fait partie du comté de Hollande, on l’appella Nord Hollande, quoique dans les actes publics le nom de Westfrise se soit conservé jusqu’à ce jour.
Avant que ce pays fût soumis aux comtes de Hollande, il étoit gouverné par divers seigneurs particuliers, qui n’avoient de supériorité les uns sur les autres, que celle que leurs forces, leur génie, ou leurs alliances pouvoient leur donner. Ainsi le comté de Hollande méridional & septentrional s’est formé peu à peu sur les ruines de plusieurs seigneurs particuliers, comme tous les autres grands états de l’Europe.
La succession des comtes de Hollande a subsisté jusqu’à Philippe pere de Charles V. qui laissa ce comté à Philippe II. roi d’Espagne : on sait de quelle maniere ce monarque le perdit, de même que les autres états dont se forma la république des Provinces-Unies.
Les premiers comtes de Hollande faisoient leur capitale de Vlaerding, laquelle ayant été ruinée vers l’an 1200, par le débordement de la Meuse, les comtes s’établirent à Gravesande, & finalement à la Haie : ce détail suffit pour l’ancienne Hollande.
La Hollande moderne se divise, comme autrefois, en Hollande septentrionale, ou Westfrise, & en Hollande méridionale, ou Zuyde-Hollande ; mais les limites en sont différentes. Aujourd’hui l’on prend la Hollande septentrionale à l’Ye : ce petit golfe, qui est une extinction du Zuydersée, sépare la Hollande méridionale de la Westfrise. Ce qui est au midi est la Hollande proprement dite ; ce qui est au nord est la Westfrise, ou la Nord-Hollande : & les deux ensemble ne font qu’une province, dont les états prennent la qualité d’états d’Hollande & de Westfrise.
L’assemblée des états de Hollande & de Westfrise est composée des députés des conseils de chaque ville. Originairement il n’y avoit que la noblesse, laquelle fait un corps, & six villes principales, qui eussent voix & séance aux états : ces six villes étoient Dordrecht, Harlem, Delft, Leyden, Amsterdam & Gouda. Aujourd’hui, outre la Noblesse, il y entre des députés de dix-huit villes ; savoir, des six que nous venons de nommer, & des douze villes suivantes, Roterdam, Gorcum, Schiedam, Schoomhoven, la Brille, Alkmaer, Hoorn, Enckuysen, Edam, Monichendam, Medenblick, & Purmerend.
La noblesse a la premiere voix, & Amsterdam le plus grand crédit. L’assemblée des états de Hollande & de Westfrise est fixée à la Haie par une résolution de l’année 1581 ; résolution qui porte néanmoins qu’on pourroit changer le lieu si le cas le requéroit : mais cela n’est jamais arrivé.
Cette assemblée se forme quatre fois par an, aux mois de Mars, de Juillet, de Septembre & de Novembre. Si les nobles ou quelques villes trouvent qu’il soit nécessaire de convoquer extraordinairement les états, on s’adresse aux conseillers-députés, qui jugent de l’importance de la matiere ; lorsqu’ils pensent qu’elle requiert l’assemblée des états, ils ont droit de les convoquer, & en fixent le jour. Les députés qui composent les états de Hollande n’en sont pas les souverains ; ce droit réside dans le collége des nobles & le conseil des villes.
La province de Hollande & de Westfrise n’a point de ports sur l’Océan immédiatement ; les siens sont ou dans la Meuse, ou dans le Zuyder-sée. Elle est bordée à l’occident par des dunes qui arrêtent l’impétuosité des flots de la mer ; & du côté des rivieres & du Zuyder-sée, par de fortes digues qui sont entretenues avec beaucoup de soins & à grands frais ; sans quoi le terrein seroit bientôt submergé. La nature a fait la Hollande pour avoir une attention perpétuelle sur elle même, & jamais pour être abandonnée à la nonchalance ou au caprice. Tout y est entrecoupé de canaux qui servent à dessécher les prairies & à faciliter le transport des denrées d’un lieu à l’autre. On ne voyage nulle part ni si sûrement, ni si commodément, ni si fréquemment, soit de jour soit de nuit, de ville en ville ; & l’on sait toûjours, à quelques minutes près, l’heure à laquelle on arrivera.
D’un bout de la Hollande à l’autre regnent sans interruption dans les grands chemins, les villes, les bourgs & les villages, des allées & des avenues d’arbres tirées au cordeau, taillées de toutes les manieres, & bien mieux soignées que ne sont les avenues des palais des rois. Les bourgs & les villes se touchent presque & paroissent bâties de l’année. Ce qu’on appelle villages en Hollande, seroit nommé ailleurs des villes ou des bourgs magnifiques : presque tous ont leur église, leurs magistrats, leurs foires annuelles, leurs maisons pour les orphelins, & beaucoup de droits & de commodités que n’ont pas plusieurs villes de France. D’ailleurs tout le pays est couvert de maisons de campagne, qui loin de rien rapporter aux propriétaires, coûtent beaucoup pour l’entretien.
Les impôts y sont fort grands, parce qu’ils sont nécessaires pour subvenir aux frais immenses de l’entretien du pays contre la mer, ou contre les projets des puissances voisines : mais chacun y est maître de son bien. La monnoie y est invariable, le commerce libre, & c’est le plus solide appui de la province. La religion protestante y est la dominante, mais on y tolere toutes les religions du monde.
Ce pays si beau & si sage essuie, comme les autres, des révolutions qui le minent insensiblement, & qui lui font perdre cette splendeur brillante dont il jouissoit au commencement de notre siecle.
La Hollande désigne quelquefois les Provinces-Unies : mais comme il ne convient pas dans cet Ouvrage de confondre une partie avec le tout, voyez Provinces-Unies. (D. J.)
Hollande (la nouvelle), Géogr. on a donné ce nom 1°. à un vaste pays des terres australes, au sud de l’île de Timor, en-deçà & au-delà du tropique du capricorne : 2°. à un petit pays de l’Amérique septentrionale, sur la côte d’orient, au midi de la nouvelle Angleterre ; cette nouvelle Hollande a perdu son nom, elle appartient à la Grande-Bretagne, qui a étendu sa domination le long de cette côte, & a effacé les traces de possession que les autres peuples y avoient laissées : 3°. à une petite contrée au nord de l’Europe, le long du détroit de Heigatz ; mais ce dernier nom n’existe plus que dans de vieilles cartes.
Les habitans de la côte de la nouvelle Hollande, qui est au sud de l’île de Timor, à 15 degrés 16 minutes de latitude méridionale, méritent bien nos regards, parce que ce sont peut-être les gens du monde les plus misérables, & ceux de tous les humains qui approchent le plus des brutes. Ils sont grands, droits & menus ; ils ont les membres longs & déliés, la tête grosse, le front rond, les sourcils épais ; leurs paupieres sont toûjours à demi fermées, ils prennent cette habitude dès leur enfance, pour garantir leurs yeux des moucherons qui les incommodent beaucoup ; & comme ils ouvrent rarement les yeux, ils ne sauroient voir de loin, à moins qu’ils ne levent la tête, comme s’ils vouloient regarder quelque chose au-dessus d’eux.
Ils ont le nez gros, les levres grosses, & la bouche grande ; ils s’arrachent apparemment les deux dents du devant de la mâchoire supérieure, car elles manquent à tous, tant aux hommes qu’aux femmes, aux jeunes & aux vieux ; ils n’ont point de barbe ; leur visage est long, d’un aspect très-desagréable, sans un seul trait qui puisse plaire ; leurs cheveux ne sont pas longs & lisses, comme ceux de presque tous les Indiens, mais ils sont courts, noirs & crépus, comme ceux des negres de Guinée.
Ils n’ont point d’habits, mais seulement un morceau d’écorce d’arbre attaché au milieu du corps en forme de ceinture, avec une poignée d’herbes longues au milieu. Ils n’ont point de maisons, ils couchent à l’air sans aucune couverture, & n’ont pour lit que la terre ; ils demeurent en troupes de vingt ou trente hommes, femmes & enfans, tous pêle-mêle. Leur unique nourriture est un petit poisson qu’ils prennent en faisant des reservoirs de pierre dans de petits bras de mer. Enfin ils n’ont ni pain, ni grains, ni légumes. Dampier, qui y passa en 1700, fait, dans son voyage aux terres australes, un détail de ce qu’il put voir dans les endroits de ce pays où il aborda. J’en ai transcrit cet extrait du tome III. de l’hist. natur. de l’homme, par M. de Buffon. Les Hollandois découvrirent cette nouvelle Hollande des terres Australes en 1644, mais ils n’y firent point d’établissemens. (D. J.)