L’Encyclopédie/1re édition/HOMBRE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 248-249).
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HOMBRE, s. m. (Jeu.) il est inutile de s’arrêter à l’étymologie de ce mot ; il suffit de dire que les Espagnols en sont les auteurs, & qu’il se sent par la tranquilité qu’il exige, du flegme & de la gravité de la nation. Il faut un jeu de cartes entier, dont la valeur est la même qu’au quadrille ; les matadors sont les mêmes encore, & ont les mêmes privileges. Après avoir compté vingt jettons & neuf fiches, qui valent cent à chacun des joueurs, & en avoir fixé la valeur, on tire les places comme au quadrille ; on donne ensuite neuf cartes trois à trois à chaque joueur, qui a dû auparavant marquer de trois jettons devant soi, leur en ajoûtant encore deux autres à chaque fois que tous les joueurs passent ; on ne peut point jouer avec dix cartes qu’on n’en ait averti ; & celui qui les a données à lui-même ou aux autres, est exclus du jeu pour ce coup. La triomphe est celle que le joueur a nommée, ce qu’il faut qu’il fasse avant d’avoir vû sa rentrée. On tire une carte au hasard du jeu de celui qui ayant dix cartes joueroit le sans-prendre. Ce que nous venons de dire pour celui qui donne dix cartes, doit s’entendre aussi à tous égards de celui qui n’en donneroit que huit ; on ne doit jouer le sans-prendre que lorsqu’on a assez beau jeu pour faire cinq mains, ce qui est le nombre requis pour gagner, à-moins que les deux autres joueurs n’en fissent cinq à eux deux, trois l’un & deux l’autre ; ce qui n’empêcheroit point l’hombre de gagner ; on ne doit écarter qu’autant de cartes qu’on en prend du talon ; le sans-prendre ou les matadors gagnent le double. Quant à l’écart, le premier peut prendre jusqu’à huit ; & le second, qui est celui qui écarte après lui, ne doit point aller à fond, c’est-à-dire, laisser moins de cinq cartes à l’autre, à-moins qu’il n’ait quelque matador. Les cartes se jouent du reste à l’ordinaire, excepté que quand on n’a point de la couleur dont on joue, on n’est point obligé de mettre de triomphe si l’on veut. La bête se fait toutes les fois que l’hombre fait moins de cinq mains, ou que n’en faisant que cinq, l’un des deux autres joueurs en fait autant. On la fait encore quand on joue avec plus de neuf cartes, ou moins, sans en avertir, & quand on renonce ; ce qui n’arrive que lorsqu’on a laissé plier les cartes sans reprendre la sienne, à-moins que toutes les cartes ne soient jouées. Qui fait la bête pour avoir renoncé, doit reprendre sa carte si elle peut nuire au jeu. Quand la premiere bête est tirée, ce sont toûjours les plus fortes qu’on gagne devant ; on ne remet de jettons devant soi, que quand les bêtes sont gagnées par codille, autrement on n’en met point ; si après qu’on aura passé un coup, l’hombre perd, il fait la bête de quarante-cinq, parce qu’il y en a cinq devant chaque joueur qui font quinze à trois chacun. Or quinze jettons devant chacun des trois joueurs, font quarante-cinq, & ainsi des autres bêtes, qui augmentent à proportion du nombre de jettons que chaque joueur a devant soi.

La vole est quand on fait toutes les levées ; elle gagne toutes les bêtes qui sont sur le jeu, & le double de ce qui y est quand il n’y en a qu’une. La vole est entreprise, quand ayant déjà cinq levées premieres on lâche la sixieme carte. L’hombre ne peut l’entreprendre quand il a vû les cartes de son écart. Quand la vole entreprise n’est pas faite, les deux autres partagent entre eux tout ce qui est au jeu, les tours & les bêtes ; cependant celui qui a joué le sans-prendre s’en fait payer comme de ses matadors s’il en a. Si en donnant les cartes il se trouve un as noir retourné, on refait ; s’il y a plusieurs cartes retournées on refait encore ; celui qui mêle ne peut point jouer lorsqu’il y a une carte tournée au talon. Celui qui mêle & donne dix cartes ou les prend pour lui, ne peut jouer du coup ; les deux autres peuvent jouer, mais il faut auparavant de demander à jouer en prenant, ou de nommer en jouant sans prendre, qu’ils déclarent qu’ils ont dix cartes, sans quoi ils feroient la bête & le coup acheveroit de se jouer. Celui qui n’en donne ou prend que huit, ne peut jouer non plus ; celui qui les a reçûes peut jouer comme nous l’avons déjà dit. Celui qui n’a que huit cartes doit en prendre du talon une de plus qu’il n’en écarte ; celui qui se trouve avec plus ou moins de cartes après avoir pris, fait la bête ; celui qui passeroit avec plus ou moins de cartes ne feroit pas la bête, pourvû qu’en écartant il prît ce qui lui manque, ou se défît de ce qu’il auroit de trop.

Celui qui en mêlant donne plus de dix cartes à un joueur, refait. Si le jeu est faux, soit que ce soit pour avoir plus de cartes, plusieurs d’une même couleur, ou des huit & des neuf, le coup est nul si l’on s’en apperçoit en le jouant, mais il est bon si l’on ne s’en apperçoit qu’après.

Le coup est joué lorsqu’il ne reste plus de cartes dans la main des joueurs, ou que l’hombre a fait assez de mains pour gagner, ou l’un des tiers pour gagner codille. Si l’hombre oublie à nommer sa couleur, l’un des deux joueurs peut nommer pour lui ; & si les deux nomment ensemble, on joue en celle qui a été nommée par celui qui est à la droite de l’hombre. L’hombre qui a oublié à nommer sa couleur, ou s’est mépris en la nommant, peut refaire son écart, si la rentrée n’est pas confondue avec son jeu. L’hombre doit nommer formellement la couleur dont il joue.

Quoique l’hombre ait vû sa rentrée, sa couleur est bien nommée s’il prévient les deux autres. Si celui qui joue ou sans prendre ou en prenant, nomme une couleur pour l’autre, ou qu’il en nomme deux, celle qu’il a nommée la premiere est la triomphe sans pouvoir en revenir ; celui qui a passé n’est plus reçû à jouer ; celui qui a demandé à jouer ne peut ni se dispenser de jouer, ni jouer sans prendre, à-moins qu’il ne soit forcé, auquel cas il le peut par préférence à celui qui le force. Celui qui n’étant pas dernier en carte, & n’ayant pas de jeu à jouer sans prendre, nomme sa couleur sans avoir écarté & sans avoir demandé si l’on joue, est obligé de jouer sans prendre : celui qui joue sans prendre à jeu sûr en l’étalant sur table, n’est point obligé de nommer sa couleur, si ce n’est qu’on l’obligeât à jouer, & que les autres voulussent écarter. Celui qui tourne une carte du talon pensant jouer à un autre jeu, ne peut point jouer du coup, sans en empêcher pour cela les autres, & fait la bête.

De même si quelqu’un en remettant le talon sur la table ou autrement en tourne une carte, on joue le coup, mais il fait la bête. S’il reste des cartes du talon, celui qui a écarté le dernier les peut voir, & les autres ont le même droit après lui ; mais celui des deux autres qui les regarderoit si le dernier ne les avoit vûes, feroit la bête. Celui qui a pris trop de cartes du talon, peut remettre celles qu’il a de trop s’il ne les a pas vûes, & qu’elles ne soient pas confondues avec son jeu, & il ne fait pas la bête ; & s’il les a vûes ou qu’elles soient confondues avec son jeu, il fait la bête, & on lui tire au hasard celles qu’il a de trop dans son jeu. S’il n’en prenoit pas assez, il peut reprendre dans le talon ce qui lui manque, s’il est encore sur la table, sinon au hasard dans les écarts, & il ne fait pas la bête, si l’on n’a pas commencé de jouer. Celui qui n’a pas de la couleur dont on joue n’est pas obligé de couper, & celui qui a de la couleur n’est pas obligé de forcer, quoiqu’il le puisse. L’on ne doit point jouer avant son rang, mais on ne fait pas la bête pour cela : celui toutefois qui n’étant pas à jouer jetteroit une carte qui pourroit nuire à l’hombre, feroit la bête.

L’hombre qui a vû une carte qu’un des joueurs a tiré de son jeu, n’est pas en droit de la demander, à-moins qu’étant vûe, elle puisse préjudicier à son jeu ; auquel cas, celui qui a montré sa carte est obligé de la jouer, s’il le peut sans renoncer, sinon il ne la jouera pas, mais il fera la bête. Il est libre de tourner les levées faites par les autres pour voir ce qui est passé ; l’on ne doit cependant pas tourner les levées faites, ni compter tout haut ce qui est passé, que lorsqu’on est à jouer, devant laisser compter son jeu à chacun Celui qui au lieu de tourner les levées qui sont devant un joueur, tourne & voit son jeu, fait la bête de moitié avec celui à qui sont les cartes retournées ; de même celui qui au lieu de prendre le talon, prendroit le jeu d’un des tiers. Dans ce dernier cas, il faudroit faire remettre le jeu comme il étoit ; & s’il étoit confondu de maniere à ne pouvoir être remis, il dépendroit de l’hombre de refaire. Celui qui renonce fait la bête autant de fois qu’il renonce, si l’on l’en fait appercevoir à chaque différente fois qu’il a renoncé ; mais si les cartes sont pliées il ne fait qu’une bête quand il auroit renoncé plusieurs fois ; il faut pour que la renonce soit faite que la levée soit pliée. Celui qui ayant demandé en quoi est la triomphe, couperoit de la couleur qu’on lui auroit dit, quoi qu’effectivement ce ne soit pas la triomphe, ne feroit pas la bête, mais il ne pourroit pas reprendre sa carte. Celui qui sans avoir demandé la triomphe couperoit d’une couleur qui ne la seroit pas, feroit la bête. Il n’est pas permis à l’hombre de la demander remise, ni de s’en aller quand sa couleur n’est pas favorable ; il le lui est pas libre non plus de donner codille à qui bon lui semble, étant obligé de le payer à celui qui le gagne de droit.

L’hombre ne peut en aucune maniere demander gano ; celui des deux tiers qui est sûr de ses quatre mains, ne doit pas demander gano ni faire appuyer ; celui qui a demandé gano ayant sa quatrieme main sûre, & a gagné codille par ce moyen, est en droit de tirer le codille, mais cela ne se fait point parmi les beaux joueurs. Plusieurs bêtes faites sur un même coup vont ensemble, à-moins qu’on ne soit convenu autrement ; celui qui en fait deux à-la-fois, peut les faire aller ensemble ; mais celui qui en fait une sur une autre, ne le peut que du consentement des autres tiers. Quand les joueurs marquent diversement, on paye suivant celui qui marque le plus, & on fait la bête de même. Quand on a gagné codille on met trois jettons au jeu, quoiqu’il y ait encore des bêtes à tirer. Les trois matadors ne peuvent être forcés par une triomphe inférieure ; le matador supérieur force l’inférieur lorsqu’il est jetté par le premier qui joue ; le supérieur ne force pas l’inférieur s’il est joué sur une triomphe inférieure jouée la premiere ; les matadors ne se payent que dans la main de l’hombre. Si celui qui joue sans prendre avec des matadors demande l’un sans l’autre, il ne lui est dû que ce qu’il a demandé. Celui qui au lieu de demander les matadors qu’il a, demanderoit le sansprendre qu’il n’auroit pas, ou le sans-prendre au lieu de matadors, ne pourroit exiger ni l’un ni l’autre, ce jeu demandant une explication formelle ; le jeu, la consolation & la bête peuvent se demander plusieurs coups après. On ne peut pas revenir des méprises en comptant les bêtes, passé le coup où elles ont été tirées ; celui qui gagne par codille ne manque point au tour, non plus que celui qui fait la vole. Quand la vole est entreprise, ceux qui la défendent peuvent se communiquer leur jeu, & convenir de ce qu’ils garderont pour l’empêcher. Celui qui ayant joué sans prendre s’étoit engagé à faire la vole & ne la fait pas, paye à chacun le droit de la vole, & il n’est payé ni du sans-prendre ni des matadors, pas même de la consolation ni du jeu. Il ne gagne rien, mais il ne fait pas la bête, à-moins qu’il ne perde le jeu ; auquel cas, il doit payer à chacun, outre la vole manquée, ce qui lui revient pour le sans-prendre, les matadors, & le jeu, & fait la bête à l’ordinaire.

Lorsqu’on admet les hazards au jeu de l’hombre, on ne les paye à celui qui fait jouer qu’autant qu’il gagne, de même qu’il les paye aux deux tiers lorsqu’il perd.

L’hombre se joue aussi à deux ; il n’est pas amusant. Il se joue comme à trois, à peu de différence près : il faut ôter une couleur rouge, de sorte que le jeu n’est que de trente cartes ; on n’en donne que huit à chacun trois, trois, & deux, en sorte qu’il en reste quatorze au talon, dont chacun prend ce qui lui convient. Pour gagner il faut faire cinq levées ; la partie est remise si chacun en fait quatre ; si celui qui défend en fait cinq il gagne codille. Remarquez qu’on ne peut nommer la couleur que l’on a ôtée ; car s’il étoit permis de la nommer, avec spadille seul, on feroit quelquefois la vole avec plusieurs cartés de la même couleur, & à soi à jouer.