L’Encyclopédie/1re édition/HUNTINGTON ou HUNDINGTON

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 354-355).

HUNTINGTON ou HUNDINGTON, (Géog.) ville d’Angleterre, capitale de l’Hundingtonshire, sur l’Ouse, à 50 milles de Londres ; elle envoie deux députés au Parlement. Longit. 17. 15. latit. 52. 15.

C’est à Huntington que naquit Cromwell en 1599. Les nations de l’Europe, dit M. de Voltaire, « crurent la grande Bretagne ensevelie sous ses ruines, lorsqu’elle devint tout-à-coup plus formidable que jamais sous la domination de Cromwell, qui l’assujettit en portant l’évangile dans une main, l’épée dans l’autre, le masque de la religion sur le visage, & qui, dans son gouvernement, couvrit des qualités d’un grand roi tous les crimes d’un usurpateur ».

Né avec un courage & des talens extraordinaires, il fut le plus habile politique & le premier capitaine de son tems, fit fleurir le commerce de sa patrie, en étendit la domination, & mourut à l’âge de 59 ans, craint & courtisé de tous les souverains. Avant que d’expirer, il nomma Richard Cromvell son successeur, & conserva son autorité jusqu’au dernier soupir. Le conseil d’état lui ordonna des funérailles plus magnifiques que pour aucun roi d’Angleterre. Raguenet & Gregoire Léti ont écrit sa vie, mais il lui falloit d’autres historiens ; Waller a fait son éloge funebre, chef-d’œuvre de l’art, qu’il convient de transcrire ici par cette seule raison. J’y joindrai la traduction libre de M. de Voltaire en faveur de ceux à qui la langue angloise n’est pas connue. Il s’agit seulement, pour entendre ce beau morceau, de savoir que Cromwell mourut le jour d’une tempête extraordinaire dans la grande Bretagne.

We must resign ! Heav’n his great soul does claim,
In storm as loud as his immortal fame :
His dying groans, his last breath, shakes our isle.
And trees uncut for his fun’ral pile :
About his palace their broad roots are tost
Into the air. So Romulus was lost !
New Rome in such a tempest miss’d her king,
And from obeying fell to worshipping :
On Oeta’s top thus Hercules lay dead,
With ruin’d oaks and pines about him spread.
Nature herself took notice of his death,
And sighing, swell’d the sea with such a breath,
That to remotest shores her billows roll’d,
The approching fate of their great ruler told.

Voici l’imitation de M. de Voltaire :

Il n’est plus, c’en est fait, soumettons-nous au sort,
Le ciel a signalé ce jour par des tempêtes ;
Et la voix du tonnerre éclatant sur nos têtes,
A déclaré sa mort.
Par ses derniers soupirs, il ébranle cette île,
Cette île, que son bras fit trembler tant de fois,
Quand, dans le cours de ses exploits,
Il brisoit la tête des rois,
Et soumettoit un peuple à son joug seul docile.
Mer, tu t’en es troublée : ô mer ! tes flots émus
Sembloient dire en grondant aux plus lointains rivages,
Que le roi de ces lieux & ton maître n’est plus.
Tel au ciel autrefois s’envola Romulus,
Tel il quitta la terre au milieu des orages,
Tel d’un peuple guerrier il reçut les hommages.
Obéi dans sa vie, à sa mort adoré,
Son palais fut un temple.

(D. J.)