L’Encyclopédie/1re édition/HYPERSARCOSE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 406-407).

HYPERSARCOSE, s. f. terme de Chirurgie, excroissance charnue, qui se forme dans les plaies & les ulceres.

C’est précisément une végétation qui differe d’une excroissance, proprement dite, en ce que celle-ci forme une tumeur revêtue des tégumens naturels de la partie ; tels sont les polypes, les condylomes, les fics, &c. Voyez Excroissance, & que l’hypersarcose est une chair ulcérée.

Il n’est pas possible de parvenir à la guérison des plaies ou des ulceres avec hypersarcose, sans avoir détruit cette excroissance charnue : on la consomme communément avec des escharotiques, comme les trochisques de sublimé corrosif, l’alun calciné, le précipité rouge, la pierre infernale, &c. les carnosités de l’ulcere sont des hypersarcoses. Voyez Carnosités.

Il y a beaucoup d’observations qui ont fait voir que des excroissances fongueuses que l’amputation réïterée & l’usage des cathérétiques n’empêchoient pas de répulluler, ont cedé à l’usage des remedes fondans & des purgatifs. On a principalement cette expérience à l’occasion des hypersarcoses de la dure-mere après des plaies de tête qui avoient exigé l’opération du trépan. Les excroissances fongueuses qui se forment sur l’œil, sont à-peu-près dans le même cas. On sait en général qu’elles peuvent être emportées par la ligature, ou par l’instrument tranchant, suivant que leur base est large ou étroite. On peut même, à moins qu’elles ne soient bien décidement carcinomateuses, employer des remedes cathérétiques pour consumer la racine, avec la circonspection que prescrivent la délicatesse & la sensibilité de l’organe à la circonférence de la tumeur. Bidloo se plaint du peu d’efficacité qu’il a reconnue dans les caustiques : il a vu que l’escarre étant tombée, l’hypersarcose se reproduisoit, & qu’il a été obligé de se réduire à la cure palliative. Cependant il a éprouvé depuis que le meilleur corrosif, dans le cas dont il s’agit ici, étoit le beurre d’antimoine affoibli par la teinture de safran ou d’opium, & dont on touche l’excroissance selon l’art avec un pinceau. L’histoire de l’académie royale des Sciences, année 1703, fournit un fait communiqué par M. Duverney le jeune, chirurgien de Paris, qui guérit un ecclésiastique de Lyon d’une excroissance à l’œil qui se renouvelloit toûjours, malgré des extirpations réïterées. Cette observation est intéressante.

L’excroissance étoit fongueuse sur la conjonctive ; elle commença par un point rouge au petit angle ; elle s’accrut au point de couvrir absolument la cornée sans y être adhérente. On l’emporta avec la pointe d’une lancette, mais il en revint une seconde que l’on emporta encore, & à laquelle succéda une troisieme. On proposa au malade d’y appliquer le feu ; il ne put s’y résoudre. Ce fut alors que M. Duverney le vit : après avoir médité sur sa maladie, il lui fit user pendant quinze jours d’une tisane diaphorétique & purgative, & pendant tout ce tems, on bassinoit simplement l’excroissance avec de l’eau céleste ; ensuite on lui appliqua un séton entre les deux épaules, pour faire diversion des humeurs & faciliter l’action des remedes. On mêla en même tems à l’eau céleste de l’alun calciné : le malade fut purgé une fois la semaine avec la grande hiere de Galien. Tous ces remedes joints ensemble tarirent en deux mois la source de l’humeur qui causoit l’excroissance, & elle disparut.

Le succès de cette cure fait voir qu’un chirurgien ne peut compter sur le fruit de ses opérations, qu’en sachant aider la nature par tous les secours qui peuvent favoriser son action. (Y)