L’Encyclopédie/1re édition/INDIGENE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 676).
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INDIGENE, (Géogr.) on ne trouve pas dans les dictionnaires le mot indigène, mais il devroit, ce me semble, être reçû depuis long-tems dans notre langue. On appelloit indigenæ, chez les anciens latins, les premiers habitans d’un pays ; que l’on croyoit n’être point venus s’y établir d’un autre lieu. Indigena est formé d’indu, employé anciennement pour in, comme on le voit quelquefois dans Lucrece, & de geno, au lieu duquel on dit gigno, mais d’où genus & genitus sont formés. Ce mot s’exprime en grec par ἀιγενές, qui a été engendré-là.

Les payens ignorant leur premiere origine, se figurerent que les premiers hommes avoient été engendrés par la terre ; & en conséquence, ils se crurent une production de cette terre qu’ils habitoient. Les Germains ne donnoient à leur dieu Tuiscon, pere de Mannus, l’un & l’autre fondateurs de leur nation, qu’une origine commune avec les arbres de leurs forêts. Les Athéniens, qui affectoient de se dire ἀυτόχθονες, ou nés d’eux-mêmes, ne se prenoient pas dans un autre sens. Mais sans nous arrêter à réfuter leurs erreurs, c’est assez de dire que par le mot indigène nous entendons les naturels d’un pays, ceux qui y sont nés, pour les distinguer de ceux qui viennent ensuite s’y établir. C’est ainsi que les Hotentots étoient indigènes par rapport aux Hollandois, qui ont commencé la colonie au cap de Bonne-Espérance ; & la postérité de ces mêmes Hollandois est devenue indigène dans ce pays-là par rapport aux nouvelles familles qui iront l’augmenter. (D. J.)