L’Encyclopédie/1re édition/INSPECTEUR

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 792-793).

INSPECTEUR, s. m. inspector ; (Hist. anc.) celui à qui l’on confie le soin & la conduite de quelque ouvrage. Voyez Intendant.

On appelloit inspecteurs chez les Romains des personnes commises pour examiner la qualité & la valeur des biens & effets des citoyens, afin de proportionner les taxes & les impôts aux facultés d’un chacun.

Les Juifs ont aussi un officier dans leur synagogue qu’ils nomment inspecteur, mazam. Il est chargé d’avoir l’œil sur les prieres & sur les leçons, de les préparer & de les montrer au lecteur, & de se tenir auprès de lui pour voir s’il lit comme il faut, & le reprendre lorsqu’il manque.

Inspecteur, (Art milit.) on appelle ainsi en France des officiers, dont les fonctions sont de faire la revûe des troupes, d’examiner les compagnies en gros & en détail, pour connoitre celles qui sont en état de servir, & les soldats propres aux travaux militaires ; de casser ceux qui ne sont point de la taille qu’on les veut, ou qui ne peuvent pas supporter les fatigues. Ils rendent aussi compte au ministre de l’exactitude ou du service des officiers. C’est sur leurs mémoires qu’on les casse ou qu’on les avance. Ils retranchent ou réforment dans la cavalerie les chevaux qu’ils jugent mauvais. Ils étoient obligés d’abord de faire leurs revûes tous les mois, mais ils ne la font plus guere qu’une fois l’année. Ces officiers sont choisis ordinairement parmi les brigadiers ou les maréchaux de camp ; on en a vu qui étoient lieutenans-généraux. Ces charges sont de la création du roi Louis XIV.

Inspecteur de manufactures, (Commerce & Finances.) commis sur la conduite & exécution d’une manufacture conformément aux réglemens.

L’établissement des inspecteurs est dû à M. Colbert. Si ce fut un bon établissement que celui-là, dit l’auteur des considérations sur les finances, dont les remarques orneront cet article ; c’est un établissement bien plus habile d’avoir formé une école à ces mêmes inspecteurs, & de les avoir astreints à travailler sur le métier, ou plûtôt c’est lui avoir donné le seul genre d’utilité qu’il fût possible d’en retirer. Il seroit desirable sans doute qu’ils pussent avoir voyagé dans tous les pays où se consomment les ouvrages des manufactures qu’ils sont destinés à conduire : car c’est le goût du consommateur qui doit régler la fabrication ; c’est dans le pays de la consommation que l’on prend connoissance des étoffes étrangeres qui se pourroient imiter, de l’avantage ou du desavantage que les uns & les autres ont dans leur concurrence mutuelle, & des causes qui y contribuent.

La maniere dont l’opération du commerce s’y fait, influe encore d’une maniere essentielle sur les mesures que les manufacturiers ont à prendre. Enfin, plus les inspecteurs s’approcheront de la fonction des consultans avec les manufacturiers ou de professeurs des arts, plus ils seront utiles.

Mais que penser des amendes décernées par M. Colbert contre l’impéritie des ouvriers à chaque article de ses réglemens de manufactures ? Des amendes ne sont point des raisons, c’est tout au plus l’indication d’une volonté rigoureuse, à moins qu’elles ne regardent des choses faites contre la bonne foi ; & peut-être dans ce cas les amendes ne suffisent-elles pas. Celui qui se défie de sa main & de son adresse, ne peut lire ce réglement de M. Colbert sans frémir. Sa premiere pensée est, qu’on est plus heureux en ne travaillant pas, qu’en travaillant. Si par malheur le réglement est impraticable, comme cela s’est vû quelquefois, l’ouvrier se dégoûte, & cesse au moins son travail pendant le tems de la tournée de l’inspecteur.

On demande à tout homme de bonne foi s’il seroit bien invité à une profession, en lui disant : « au cas que vos ouvrages ne soient pas faits conformément au réglement, pour la premiere fois ils seront confisqués & attachés sur un poteau avec un carcan, votre nom au-dessus pendant 48 heures ; pour la seconde fois pareille peine, & vous serez blâmé ; pour la troisieme fois vous serez vous-même attaché au poteau ». On répondroit que cette ordonnance est sans doute traduite du japonnois. Non ; c’est le dispositif d’un réglement de 1670, extorqué sans doute au sage ministre que nous avons nommé, par quelque subalterne qui comptoit bien de n’entrer jamais en qualité d’ouvrier dans aucune manufacture soumise à un inspecteur.

Inspecteur des constructions, (Marine.) c’est un officier commis à la construction & aux radoubs des vaisseaux. Il examine les plans & les profils avant qu’on commence de mettre le vaisseau sur le chantier ; fait faire un devis exact des bois qui doivent y entrer, & enseigne aux charpentiers les méthodes les meilleures de faire les fonds, les hauts, les ponts, &c. (Q)