L’Encyclopédie/1re édition/INTERCESSION

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 813).

INTERCESSION, s. f. (Morale.) en latin intercessus, c’est-à-dire médiation, entremise. L’intercession est une demande, une priere faite en faveur de quelqu’un avec instance & avec empressement, pour lui obtenir quelque grace, quelque avantage, & plus communément encore, le pardon ou l’adoucissement de quelque peine. C’est le caractere d’une belle ame d’intercéder fortement & généreusement pour les fautes de l’humanité.

L’histoire ecclésiastique est remplie d’intercessions des évêques auprès des magistrats pour les chrétiens accusés de crimes, ou accablés de dettes. On sait à ce sujet, l’effet qu’eurent celles de Flavien auprès de Théodose, lorsque les habitans d’Antioche se révolterent, & abattirent les statues de l’empereur & de l’impératrice Placille. Théodose extrèmement irrité alloit détruire Antioche, sans les intercessions du prélat qui, par son discours & par ses larmes, obtint le salut de sa ville & celui de son troupeau. La harangue de Flavien à Théodose mérite les plus grands éloges ; elle est de la main de saint Chrysostome qui, dans le même tems, voyant le troupeau de son ami justement allarmé, tâcha de le consoler par des homélies que l’on ne peut lire sans en être sensiblement touché.

La lettre que saint Augustin écrivit à Macédonius, est non-seulement une piece instructive de l’ancien usage de l’intercession des évêques, en faveur de ceux qui étoient exposés à la rigueur de la justice, mais c’est un des meilleurs morceaux qu’il ait fait. Macédonius lui ayant témoigné que c’étoit approuver le crime que de s’opposer à la punition. Saint Augustin lui répondit entre autres choses : « Je mets une grande différence entre celui qui défend & celui qui intercede ; l’un ne travaille qu’à cacher la faute, l’autre demande grace ou une modération de la peine ; c’est un devoir du christianisme. Jesus-Christ lui-même a intercédé auprès des hommes, pour empêcher qu’on ne lapidât la femme adultere. Nous sommes bien éloignés d’approuver les pécheurs, puisque nous exigeons qu’ils se corrigent pour éviter leur condamnation à venir ; mais en détestant le crime, nous devons avoir pitié des criminels. La charité veut que nous aimions les impies, que nous leur fassions du bien, que nous prions Dieu pour eux, & que nous tâchions de les ramener à leur devoir, non par des supplices, mais par nos exemples, par nos conseils, par nos exhortations, &c. » Je n’examinerai point si la conduite de saint Augustin a toujours répondu à cette morale chrétienne, il me suffit de dire que rien n’en peut détruire l’excellence & la solidité. (D. J.)