L’Encyclopédie/1re édition/ISOPSÈPHE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 928).
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ISOPSÈPHE, adj. (Littérat. Grecq.) mot composé de ἴσος égal, & de ψῆφος, calcul, suffrage.

Il faut donc savoir, pour se former une idée claire du sens de ce terme, que l’adjectif ἰσόψηφος, s’entendoit de plusieurs manieres, ainsi qu’on le remarque dans l’Histoire de l’Acad. des Belles-Lettres.

Comme le mot ψῆφος, signifie tout-à-la fois suffrage & calcul ; par rapport à ces deux différentes choses, le mot ἰσόψηφος, étoit susceptible de différentes acceptions. Si on le considere comme formé de ψῆφος suffrage, ou il se disoit d’un magistrat, d’un juge, & alors il signifioit qui a le même droit de suffrage, qui jouit d’une égale autorité ; ou il se disoit d’une assemblée, d’une délibération, & en ce cas on s’en servoit pour exprimer celle où les suffrages sont partagés, où le nombre des suffrages est égal de part & d’autre. Mais si on le regarde comme venant de ψῆφος calcul, alors il se disoit de certains mots qu’on appelloit ὀνόματα ἱσόψηφα, c’est-à-dire, mots dont les lettres calculées produisent le même nombre. Tout le mystere en ce dernier sens se réduit à ceci.

Les Grecs n’avoient point d’autres chiffres que les lettres de leur alphabeth, de sorte que leur Α signifioit un dans leur arithmétique, Β deux, Γ trois, & ainsi du reste ; cela supposé, ils appelloient deux mots isopsèphes, lorsque les lettres de chacun de ces deux mots, considérées comme chiffres, & calculées par la regle de l’addition, produisoient une même somme.

Mais les anciens grecs n’avoient pas seulement des mots isopsèphes, ils avoient des vers entiers qu’ils appelloient du même nom, & pour les mêmes raisons. C’étoient des vers construits de maniere que les lettres numérales du premier distique, produisoient le même nombre que celles du second.

Un certain Léonide se distingua dans ce genre bisarre de poësies ; il faisoit des épigrammes, dont les deux premiers vers étoient isopsèphes aux deux seconds ; quand l’épigramme étoit de deux vers, il opposoit vers à vers. M. Huet a remarqué l’isopséphisme dans l’épigramme du xij. chap. du VI. liv de l’Antologie, qui commence par ces mots, Εἷς πρὸς ἕνα ; cette épigramme est composée de deux vers, dont chacun forme le nombre de 4111.

On prétend aussi qu’on trouve dans Homere quelques vers isopsèphes ; mais si cela est, ce sont de purs effets du hasard ; un si grand Poëte n’a surément jamais perdu son tems à un amusement qui n’étoit pas moins frivole que celui de nos faiseurs d’anagrammes & d’acrostiches du siecle passé. (D. J.)