L’Encyclopédie/1re édition/JANUS Temple de

La bibliothèque libre.
Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 451-452).
◄  JANVILLE
JAOCHEU  ►

JANUS Temple de, (Hist. rom. Médaill. Littér.) temple que Janus avoit à Rome, & qui avoit été bâti par Romulus ; Numa son successeur lui donna des portes, que l’on n’ouvroit qu’en tems de guerre, & que l’on tenoit fermées pendant la paix. De là cette inscription que l’on voit au revers de plusieurs médailles de Néron, avec le temple de Janus ; pace terrâ marique partâ, Janum clausit ; & cette inscription trouvée à Mérida en Espagne : Imp. Cæsar. Divi F. Augustus, Pont. Max. Cos XI. Tribunic. Pot. X. Imp. VIII, Orbe, mari & terra pacato, templo Jani clauso, &c. De-là les surnoms de Patuleius, & de Clusius, comme qui diroit l’ouvert, & le fermé.

Il paroît par le plus grand nombre des inscriptions, que ce temple se nommoit tout court Janus ; Janum clausit. Horace l’appelle Janum Quirini, c’est-à-dire Janum Romuli, ce qui ne pouvoit pas s’appliquer aux autres temples que Janus avoit à Rome, & dont nous parlerons tout à l’heure.

On remarque que ce temple ne fut fermé que deux fois depuis la fondation de Rome, jusqu’au regne d’Auguste, & huit fois pendant tout le cours de la royauté, de la république & de l’empire. La premiere fois qu’on le ferma, fut sous le regne de Numa, l’instituteur de cette cérémonie ; la seconde fois, à la fin de la premiere guerre punique, l’an 519 de Rome ; la troisieme fois, après la bataille d’Actium, qui rendit Auguste le maître du monde, l’an 725 de Rome ; la quatrieme fois, cinq ans après, au retour de la guerre des Cantabres en Espagne, l’an 730 ; la cinquieme fois, sous le regne du même empereur, l’an 744 de Rome, environ cinq ans avant la naissance de Jesus-Christ ; & la paix générale qui régnoit alors dans l’empire romain, dura douze ans ; la sixieme fois, sous Néron, l’an 811 ; la septieme fois, sous Vespasien, l’an 824 ; la huitieme fois enfin, sous Gordien le jeune, à peu-près vers l’an 994 de Rome.

Il n’est pas bien sûr que les premiers empereurs chrétiens aient observé cette cérémonie. Il est vral qu’Ammian Marcellin dans son hist. liv. XVI. ch. x. semble dire positivement, que Constance II. après ses victoires, vint à Rome l’an 1105 de sa fondation, & ferma le temple de Janus, concluso Jani templo, stratisque hostibus cunctis ; mais comme on assure que ce passage se lit différemment dans les manuscrits, & assez obscurément, il faudroit encore quelque autre autorité pour rendre le fait plus certain.

Je ne trouve que de mauvaises raisons sur l’institution de l’ouverture du temple de Janus en tems de guerre, & de sa clôture en tems de paix. Les uns nous disent que dans un combat de Romulus avec les Sabins, la victoire penchant du côté de ces derniers, un prodige parut sur le champ de bataille, qui les mit en fuite, & Romulus bâtit un temple dans le même lieu, que l’on ouvroit en tems de guerre, afin de tirer toujours du secours de ce temple. D’autres prétendent que Tatius & Romulus bâtirent un temple à frais communs, en mémoire de leur alliance, & que l’usage de l’ouvrir en tems de guerre marquoit l’union des deux rois. J’aime tout autant la pensée d’Ovide : pourquoi, demande le poëte à Janus, ferme-t-on votre temple en tems de paix, & l’ouvre-t-on en tems de guerre ? J’ouvre les portes de mon temple, répond le dieu, pour le retour des soldats romains quand ils sont une fois partis pour l’armée ; & je le ferme en tems de paix, afin que la paix y étant rentrée, elle n’en sorte plus.

Il y avoit à Rome plusieurs autres temples de Janus, outre celui dont nous venons de parler ; les uns portoient le nom de Janus bifrons, ou à deux faces ; les autres de Janus quadrifrons, ou quatre faces : ces derniers étoient à quatre faces égales, avec une porte & trois fenêtres à chaque face. Les quatre côtés & les quatre portes marquoient, dit-on, les quatre saisons de l’année, & les trois fenêtres de chaque côté désignoient les trois mois de chaque saison, ce qui faisoit les douze mois de l’an. Varron nous assure que par rapport à ces douze mois, on avoit érigé douze autels à Janus ; ces autels étoient hors de Rome au-delà de la porte du janicule.

La Fable & les historiens ne connoissent point de plus ancien roi, ni de plus ancien dieu de l’Italie que Janus. On le suppose communément originaire de Grece, équipant une flotte, abordant en Italie, où il bâtit une ville qu’il appella de son nom Janicule. Il régna 1330 ans avant l’ere chrétienne, & eut Saturne pour successeur, après un regne de trente-trois ans. Ovide au premier livre de ses Fastes, lui fait raconter ingénieusement, les merveilles de son histoire, de son culte, & de sa souveraine puissance. Ce sont du moins des fictions plus amusantes que celles de nos chrétiens modernes, qui retrouvent Noé dans Janus, & qui forment son nom de l’hébreu jaïn, du vin.

Macrobe croit avoir découvert la raison historique, pourquoi les Romains invoquoient Janus, le premier des dieux, dans leurs sacrifices & leurs prieres ; c’est, dit-il, parce qu’il fut le premier qui bâtit des temples, & qui institua des rites sacrés. « Le seul nom de Janus, suivant le récit de ce mythologue, indique qu’il préside sur toutes les portes qui s’appellent januæ. On le peint tenant d’une main une clé, & de l’autre une baguette, pour marquer qu’il est le gardien des portes, & qu’il préside aux chemins ; quelques-uns prétendent que Janus est le soleil maître des portes du ciel, qu’il ouvre le jour en se levant, & qu’il le ferme en se couchant. Ses statues le représentent offrant de la main droite le nombre de CCC, & de la main gauche celui de LXV, parce qu’il est le dieu de l’année. Dans le culte que nous lui rendons, continue Macrobe, nous invoquons Janus geminus, Janus pater, Janus junonius, Janus consivius, Janus Quirinus, Janus Patuleius, & Janus Clusivius ». Tous ces noms s’entendent d’eux-mêmes.

Comme Janus passa pour un roi sage, prudent & éclairé, on supposa qu’il savoit le passé, & qu’il prévoyoit l’avenir, & en conséquence de cette idée, on le peignit avec une tête à deux visages, l’une devant, l’autre derriere.

Plutarque dans ses questions romaines, rapporte deux opinions différentes sur les deux têtes adossées de Janus ; c’est, dit-il, ou parce que ce prince étant grec & natif de Perrhebe, il vint en Italie, s’établit parmi des Barbares, & changea de langue & de genre de vie ; ou parce qu’il persuada au peuple grossier du Latium, de s’appliquer à l’Agriculture, & de se policer. Quoi qu’il en soit, on représentoit presque toujours Janus avec deux visages ; d’où vient qu’Ovide le félicite fort plaisamment d’avoir seul le privilege de se voir par-devant & par-derriere, solus de superis qui tua terga vides.

Sa monnoie étoit de l’espece que l’on appelloit ratita, parce qu’elle portoit d’un côté sa tête, & au revers un navire, ou la proue d’un vaisseau. Cette monnoie désignoit apparemment l’arrivée de Saturne en Italie, quand il se réfugia dans les états de Janus, après avoir été détrôné par son fils Jupiter. On trouve encore aujourd’hui de cette ancienne monnoie dans les cabinets des curieux. (D. J.)

Janus, (Littérat. rom.) les Latins ont donné quelquefois le nom de janus à de grandes arcades fort exhaussées, qui traversent une rue d’un côté à l’autre, comme des arcs de triomphe, & sous lesquelles on passe. Ces janus étoient pour la plûpart incrustés & ornés de statues ; Suetone & Publius Victor le disent expressément. Il y avoit plusieurs de ces sortes d’arcades dites janus, dans différentes rues de Rome. La seule place romaine, cette place qui formoit le quartier des banquiers, des marchands & des usuriers, avoit trois janus ou arcades, au rapport de Tite-Live, liv. XLI. savoir une à chaque bout & une troisieme au milieu : forum porticibus, tabernisque claudendum, & Janos tres faciendos locavere ; ce sont les paroles de cet historien, qui signifient que Flavius Flaccus enferma la place romaine de portiques & de boutiques, & y fit faire trois janus. Le troisieme de ces janus nommé janus medius, étoit célebre ; Horace en parle dans une de ses satyres, & Cicéron en plusieurs endroits de ses offices. Le janus medius, dit ce dernier dans sa VI. Philippique, est sous la protection d’Antoine, Antonius jani medit patronus est. On peut voir si l’on juge à propos, l’ancienne Rome du Nardini. (D. J.)