L’Encyclopédie/1re édition/JOIEUX AVENEMENT
JOIEUX AVENEMENT, (Jurisprud.) ou droit de joïeux avenement à la couronne, se dit de certains droits dont le roi jouit à son avenement. Ces droits sont de deux sortes ; les uns utiles, les autres honorifiques.
Les droits utiles sont des sommes de deniers que le roi leve sur certains corps & autres personnes.
Cet usage est fort ancien, puisqu’on voit qu’en 1383 les habitans de Cambray offrirent à Charles VI. 6000 l. lors de son joïeux avenement dans cette ville. En 1484 les états généraux assemblés à Tours accorderent à Charles VIII. deux millions cinq cent mille livres, & 300 mille livres pour son joyeux avenement, ce qui fut réparti sur la noblesse, le clergé & le peuple.
Le droit de confirmation des offices & des privileges accordés soit à des particuliers, soit aux communautés des villes & bourgs du royaume, aux corps des marchands, arts & métiers où il y a jurande, maîtrise & privilege, est un des plus anciens droits de la couronne, & a été payé dans tous les tems, à l’avenement des nouveaux rois. François I. par différentes déclarations & lettres-patentes de l’année 1514, Henri II. par des lettres de 1546 & 1547, François II. par celles de 1559 & 1560, Charles IX. par l’édit du mois de Décembre 1560, ont confirmé tous les officiers du royaume dans l’exercice de leurs fonctions. Henri III. ordonna par des lettres patentes du dernier Juillet 1574, à toutes personnes de demander la confirmation de leurs charges, offices, états & privileges. Par une déclaration du 25 Décembre 1589, Henri IV. enjoignit à tous les officiers du royaume, de prendre des lettres pour être confirmés dans leurs offices. Louis XIII. par différentes lettres patentes des années 1610 & 1611, confirma les officiers dans leurs fonctions & droits, & accorda la confirmation des privileges des villes & communautés, & des différens arts & métiers du royaume. Louis XIV. par deux édits du mois de Juillet 1643, & par déclaration du 28 Octobre audit an, confirma dans leurs fonctions & privileges, tous les officiers de judicature, police & finance, les communautés des villes, bourgs & bourgades, les arts, métiers & privileges, ensemble les hôteliers, cabaretiers & autres, à condition de lui payer le droit qui lui étoit dû à cause de son heureux avenement.
La perception du droit de joyeux avenement fut différée par le roi à-présent regnant, jusqu’en 1723, qu’elle fut ordonnée par une déclaration du 23 Septembre, publiée au sceau le 30.
Suivant l’instruction en forme de tarif, qui fut faite pour la perception de ce droit, les offices de finance & ceux qui donnent la noblesse, devoient payer sur le pié du dernier 30 de leur valeur, les offices de justice & police sur le pié du denier 60 ; les vétérans des offices qui donnent la noblesse, sont taxés à la moitié des titulaires des moindres offices jouissans desdits privileges, les veuves au quart, les vétérans des autres offices au quart, leurs veuves au huitieme.
On excepta les présidens, conseillers, procureurs & avocats du roi, leurs substituts & les greffiers en chef, & premiers huissiers des cours supérieures.
La noblesse acquise par lettres depuis 1643, par prevôté des marchands, mairie & echevinage, jurats, consulats, capitouls & autres offices que ceux de secrétaires du roi, fut taxée sur le pié de 2000 l. par tête, des jouissances tant pour les personnes vivantes que pour leurs ancêtres.
Les octrois & deniers patrimoniaux ou subventions des villes, furent taxés sur le pié d’un quart du revenu, les foires & marchés sur le pié d’une demi-année de revenu, les usages & communes sur le pié d’une année.
Les privileges, statuts & jurandes des différentes communautés des marchands & artisans, ainsi que des cabaretiers & hôteliers, furent taxés selon leurs facultés.
Le franc-salé par toutes personnes, y compris les communautés ecclésiastiques, excepté les hôpitaux, payerent sur le pié de la valeur d’une année dudit franc-salé, telle que le sel se vend dans les lieux où le privilégié le leve.
Pour confirmation des lettres de légitimation & de naturalité, chacun des impétrans paye 1000 l.
Les domaines engagés & aliénés avant 1643, payerent le quart du revenu, & ceux engagés depuis la moitié ; les dons, concessions, privileges, aubaines & coufiscations, une année de revenu ; les droits de moulins, forges, venneries, péages, bacs, passagers, pêches & écluses, une demi-année.
Les droits honorifiques dont jouissent nos rois à leur avenement, consistent dans les nouvelles fois & hommages qui leur sont dûes, dans l’usage où ils sont d’accorder des lettres de grace à des criminels, & dans le droit de disposer d’une prébende dans chaque cathédrale. Voyez l’article suivant. (A)
Joyeux avenement. On met aussi au nombre des droits honorifiques dont le roi jouit à cause de son joyeux avenement, le droit qu’il a de nommer un clerc pour être pourvû de la premiere prébende qui vacquera dans chaque cathédrale.
Les dignités & prébendes des églises collégiales où il y avoit ci-devant plus de dix prébendes outre les dignités, sont aussi assujetties au droit de joyeux avenement, par une déclaration du 18 Février 1726, qui n’a été enregistrée qu’au grand conseil.
Cette nomination se fait par un brevet qui est ce que l’on appelle brevet de joyeux avenement.
Le droit de joyeux a assez de rapport avec le droit de premieres prieres, exercé par les empereurs d’Allemagne ; cependant le premier paroît encore plus éminent.
L’origine du droit de joyeux remonte jusqu’à nos premiers rois chrétiens. On trouve des preuves que Charles V. étoit en possession de ce droit, & que Charles VIII. en a usé.
Nous voyons aussi dans les preuves de nos libertés, un arrêt du parlement de Paris de l’année 1494, lors duquel M. le premier président excita le cardinal Archevêque de Lyon, à maintenir auprès du saint-siege, les droits du roi par rapport à ces premieres prieres.
Ceux qui ont voulu fixer l’origine du droit de joyeux avenement aux lettres-patentes d’Henri III. du 9 Mars 1577, n’ont pas fait attention que ces lettres n’introduisent point un droit nouveau, qu’elles ne font que confirmer celui qui étoit déjà établi, & auquel on vouloit donner atteinte.
Le brevetaire de joyeux avenement est préféré au brevetaire de serment de fidélité.
Les contestations qui peuvent survenir au sujet des brevets de joyeux avenement, sont portées au grand conseil. Voyez les lois ecclésiastiques de M. d’Héricourt, part. I. chap. x. Drupier, des bénéfices, tom. I. pag. 240. (A)