L’Encyclopédie/1re édition/LÉPANTE

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LÉPANTE, (Géogr. anc. & mod.) ville de Grece dans la Livadie propre, avec un port sur la côte septentrionale du golfe, qui prend d’elle le nom du golfe de Lépante. Voyez Lépante, golfe de.

Cette ville est appellée des Latins Naupactus, d’un mot grec qui signifie batir un vaisseau, soit que les Héraclides, ou les peuples de la Locride, comme le veulent d’autres autours, ayent construit leur premier navire dans cet endroit-là. Les Grecs modernes nomment Lépante Epactos, & les Turcs Einbachti.

Elle est située dans le pays de Livadia, sur le rivage, peu loin de l’ouverture du golfe de son nom, autour d’une montagne de figure conique, sur le sommet de laquelle est bâtie la forteresse, fermée de quatre rangs de grosses murailles separées par de petits vallons entre deux, où les habitans ont leurs maisons.

Les anciens Grecs avoient à Naupacte quatre temples célebres, l’un consacré à Neptune, l’autre à Vénus, le troisieme à Esculape, & le quatrieme à Diane. Aujourd’hui que Naupacte a pris le nom de Einbachti, qu’elle est sous la domination du sultan, & gouvernée par un vaïvode, il y a sept mosquées, deux églises pour les Grecs méprisés par les Turcs, & trois synagogues de Juifs qui font le commerce du pays, consistant en apprêts de maroquins.

L’attaque de cette place étoit très-difficile avant l’usage du canon. En 1408, elle étoit soumise à l’empereur de Constantinople ; mais l’empereur Emanuel, craignant de ne pouvoir pas la conserver, prit le parti de la céder à la république de Venise qui la munit de maniere à résister à une puissante armée. En effet les Turcs s’y morfondirent en 1475, & furent obligés, au bout de quatre mois d’attaque, d’en lever honteusement le siége. Enfin, Bajazet fut plus heureux, la prit sur les Vénitiens en 1687, & le château de Romélie fut rasé en 1699, en exécution de la paix de Carlwitz.

Lépante est à 45 lieues N O. d’Athenes, 140 S. O. de Constantinople. Long. 39. 48. lat. 38. 34.

Lépante, (Golfe de) Géog. ce golfe pris dans sa longueur du septentrion jusqu’au rivage de l’Achaïe, & au midi jusqu’à celui de la Morée, sépare ces deux grandes parties de la Grèce l’une de l’autre. Il a eu plusieurs noms que les auteurs lui ont donnés selon les différens tems & les occasions particulieres. Quelques anciens l’appelloient Criœsus, Strabon le nomme Mare Alcyonium, &c. Son nom le plus ordinaire étoit le golfe corinthien, corinthiacus sinus.

Ce golfe comprend quatre écueils dans son étendue, & reçoit les eaux de la mer ionienne par l’entrée qui est entre deux promontoires avancés du continent, & sur lesquels sont deux châteaux, qu’on nomme les Dardanelles. Toutes les marchandises qui sortent de ce golfe, comme les cuirs, les huiles, le tabac, le ris, l’orge, payent à l’émir trois pour cent ; & cet officier en rend six milles piastres par an au grand seigneur, mais son entrée n’est plus libre aux navires étrangers.

« Ce fut dans le golfe de Lépante, non loin de Corinthe, que Dom Juan d’Autriche & les Vénitiens remporterent sur les Turcs, le 5 Octobre 1571, une victoire navale, d’autant plus illustre, que c’étoit la premiere de cette espece. Jamais, depuis la bataille d’Actium, les mers de la Grece n’avoient vû ni des flotes si nombreuses, ni un combat si memorable. Les galeres ottomanes étoient manœuvrées par des esclaves chrétiens, qui tous servoient malgré eux contre leur pays. Le succès produisit la liberté à environ cinq milles esclaves chrétiens. Venise signala cette victoire par des fêtes qu’elle seule savoit donner. Larlino composa les airs pour les réjouissances de cette victoire, & Constantinople fut dans la consternation.

Dom Juan, ce célebre bâtard de Charles V. comme vengeur de la Chrétienté, en devint le héros. Il mérita sur-tout cette idolatrie des peuples, lorsque deux ans aprés il prit Tunis à l’exemple de son pere, & fit comme lui un roi africain tributaire d’Espagne. Mais quel fut le fruit de la bataille de Lépante & de la conquête de Tunis ? Les Vénitiens ne gagnerent aucun terrein sur les Turcs, & l’amiral de Selim II. reprit sans peine le royaume de Tunis deux ans après, en 1574. Tous les chrétiens furent égorgés. Il sembloit que les Turcs eussent gagné la bataille de Lépante ». Extrait du chapitre de la bataille de Lépante dans M. de Voltaire, tom. III. (D. J.)