L’Encyclopédie/1re édition/LAPIDATION

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LAPIDATION, s. f. (Théolog.) l’action de tuer quelqu’un à coups de pierre ; terme latinisé de lapis, pierre.

La lapidation étoit un supplice fort usité parmi les Hébreux ; les rabbins font un grand dénombrement des crimes soumis à cette peine. Ce sont en général tous ceux que la loi condamne au dernier supplice, sans exprimer le genre de la mort ; par exemple, l’inceste du fils avec la mere, ou de la mere avec son fils, ou du fils avec sa belle-mere, ou du pere avec sa fille, ou de la fille avec son pere, ou du pere avec sa belle-fille, ou d’un homme qui viole une fille fiancée, ou de la fiancée qui consent à ce violement, ceux qui tombent dans le crime de sodomie ou de bestialité, les idolâtres, les blasphémateurs, les magiciens, les nécromanciens, les violateurs du sabbat, ceux qui offrent leurs enfans à Moloch, ceux qui portent les autres à l’idolâtrie, un fils rebelle à son pere, & condamné par les juges. Les rabbins disent que quand un homme étoit condamné à mort, il étoit mené hors de la ville, ayant devant lui un huissier avec une pique en main, au haut de laquelle étoit un linge pour se faire remarquer de plus loin, & afin que ceux qui avoient quelque chose à dire pour la justification du coupable, le pussent proposer avant qu’on fût allé plus avant. Si quelqu’un se présentoit, tout le monde s’arrêtoit, & on ramenoit le criminel en prison, pour écouter ceux qui vouloient dire quelque chose en sa faveur. S’il ne se présentoit personne, on le conduisoit au lieu du supplice, on l’exhortoit à reconnoître & à confesser sa faute, parce que ceux qui confessent leur faute, ont part au siecle futur. Après cela on le lapidoit. Or la lapidation se faisoit de deux sortes, disent les rabbins. La premiere, lorsqu’on accabloit de pierres le coupable, les témoins lui jettoient les premiers la pierre. La seconde, lorsqu’on le menoit sur une hauteur escarpée, élevée au moins de la hauteur de deux hommes, d’où l’un des deux témoins le précipitoit, & l’autre lui rouloit une grosse pierre sur le corps. S’il ne mourroit pas de sa chûte, on l’achevoit à coups de pierres. On voit la pratique de la premiere façon de lapider dans plus d’un endroit de l’Ecriture ; mais on n’a aucun exemple de la seconde ; car celui de Jézabel, qui fut jettée à bas de la fenêtre, ne prouve rien du tout.

Ce que nous avons dit que l’on lapidoit ordinairement les criminels hors de la ville, ne doit s’entendre que dans les jugemens réglés : car, hors ce cas, souvent les Juifs lapidoient où ils se trouvoient ; par exemple, lorsque, emportés par leur zele, ils accabloient de pierres un blasphémateur, un adultere, ou un idolâtre. Ainsi lorsqu’on amena à Jesus une femme surprise en adultere, il dit à ses accusateurs dans le temple où il étoit avec eux & avec la femme : Que celui d’entre vous qui est innocent, lui jette la premiere pierre. Et une autre fois, les Juifs ayant prétendu qu’il blasphémoit, ramasserent des pierres dans le temple même pour le lapider. Ils en userent de même un autre jour, lorsqu’il dit : Moi & mon pere ne sommes qu’un. Dans ces rencontres, ils n’observoient pas les formalités ordinaires, ils suivoient le mouvement de leur vivacité ou de leur emportement ; c’est ce qu’ils appelloient, le jugement du zele.

On assûre qu’après qu’un homme avoit été lapidé, on attachoit son corps à un pieu par les mains jointes ensemble, & qu’on le laissoit en cet état jusqu’au coucher du soleil. Alors on le détachoit & on l’enterroit dans la vallée des cadavres avec le pieu avec lequel il avoit été attaché. Cela ne se pratiquoit pas toujours, & on dit qu’on ne le faisoit qu’aux blasphémateurs & aux idolâtres ; & encore seroit-il bien mal-aisé d’en prouver la pratique par l’écriture. Calmet, Diction. de la Bibl. tome II. p. 503.