L’Encyclopédie/1re édition/LAVERNE

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LAVERNE, (Mythol. & Littérat.) en latin Laverna, déesse des voleurs & des fourbes chez les Romains.

Les voleurs se voyant persécutés sur la terre, songerent à s’appuyer de quelque divinité dans le ciel : la haine que l’on a pour les larrons, sembloit devoir s’étendre sur une déesse qui passoit pour les protéger ; mais comme elle favorisoit aussi tous ceux qui desiroient que leurs desseins ne fussent pas découverts, cette raison porta les Romains à honorer Laverne d’un culte public. On lui adressoit des prieres en secret & à voix basse, & c’étoit-là sans doute la partie principale de son culte.

Elle avoit, dit Varron, un autel proche une des portes de Rome, qui se nomma pour cela la porte lavernale, porta lavernalis ab ara Lavernæ, quod ibi ara ejus deæ.

On lui donne encore un bois touffu sur la voie salarienne ; les voleurs, ses fideles sujets, partageoient leur butin dans ce bois, dont l’obscurité & la situation pouvoient favoriser leur évasion de toutes parts. Le commentateur Acron ajoute qu’ils venoient y rendre leurs hommages à une statue de la déesse, mais il ne nous dit rien de la figure sous laquelle elle étoit représentée ; l’épithete pulchra, employée par Horace, epist. xvj. l. I. semble nous inviter à croire qu’on la représentoit avec un beau visage.

Enfin une ancienne inscription de l’an de Rome 585, recueillie par Dodwell dans ses Prælect. acad. page 665, nous fournit la connoissance d’un monument public, qui fut alors érigé en l’honneur de Laverne proche du temple de la terre, & nous apprend la raison pour laquelle on lui dressa ce monument. Voici la copie de cette inscription singuliere : I V. K. Aprileis Fasciis penès Licinium..... C. Titinius Æd. Fl. Mulcavit Lanios Quòd Carnem Vendidissent Populo Non Inspectam. De Pecunià Mulcatitia, Cella Extructa Ad Telluris Lavernæ, c’est-à-dire, Cella Extructa Lavernæ, Ad Ædem Telluris.

Cicéron écrivant à Atticus, parle d’un Lavernium, qui étoit apparemment un lieu consacré à Laverne ; mais on ne sait si c’étoit un champ, un bois, un autel ou un temple ; je dis un temple, car si cette déesse avoit des adorateurs qui en attendoient des graces, on la regardoit aussi comme une de ces divinités nuisibles, qu’il falloit invoquer pour être garanti du mal qu’elle pouvoit faire. Cependant c’est seulement comme protectrice des voleurs de toute espece, qu’un de nos savans, M. de Foncemagne, l’a envisagé dans une dissertation particuliere qu’on trouvera dans les mémoires de l’académie des Belles-lettres, tome VII.

Laverna, nom latin de la déesse Laverne, a reçu bien des étymologies, entre lesquelles on donne ce mot pour venir de laberna, qui est le serramentum latronum, selon les gloses ; & laberna peut dériver de λάφορα, dépouilles, butin, ou de λασείν, prendre.

Quoi qu’il en soit, les voleurs furent appellés lavermones, parce qu’ils étoient sub tutela deæ Lavernæ, dit Festus. (D. J.)