L’Encyclopédie/1re édition/LECTURE
LECTURE, s. f. (Arts.) c’est l’action de lire, opération que l’on apprend par le secours de fait.
Cette opération une fois apprise, on la fait des yeux, ou à haute voix. La premiere requiert seulement la connoissance des lettres, de leur son, & de leur assemblage ; elle devient prompte par l’exercice, & suffit à l’homme de cabinet. L’autre maniere demande, pour flater l’oreille des auditeurs, beaucoup plus que de savoir lire pour soi-même ; elle exige, pour plaire à ceux qui nous écoutent, une parfaite intelligence des choses qu’on leur lit, un son harmonieux, une prononciation distincte, une heureuse fléxibilité dans les organes de la voix, tant pour le changement des tons que pour les pauses nécessaires.
Mais, quel que soit le talent du lecteur, il ne produit jamais un sentiment de plaisir aussi vif que celui qui nait de la déclamation. Lorsqu’un acteur parle, il vous anime, il vous remplit de ses pensées, il vous transmet ses passions ; il vous présente, non une image, mais une figure, mais l’objet même. Dans l’action tout est vivant, tout se meut ; le son de la voix, la beauté du geste, en un mot tout conspire à donner de la grace ou de la force au discours. La lecture est toute dénuée de ce qui frappe les sens ; elle n’emprunte rien d’eux qui puisse ébranler l’esprit, elle manque d’ame & de vie.
D’un autre côté, on juge plus sainement par la lecture ; ce qu’on écoute passe rapidement, ce qu’on lit se digere à loisir. On peut à son aise revenir sur les mêmes endroits, & discuter, pour ainsi dire, chaque frase.
Nous savons si bien que la déclamation, la récitation, en impose à notre jugement ; que nous remettons à prononcer sur le mérite d’un ouvrage jusqu’à la lecture que nous ferons, comme on dit, l’œil sur le papier. L’expérience que nous avons de nos propres sens, nous enseigne donc que l’œil est un censeur plus severe & un scrutateur bien plus exact que l’oreille. Or l’ouvrage qu’on entend réciter, qu’on entend lire agréablement, séduit plus que l’ouvrage qu’on lit soi-même & de sens froid dans son cabinet. C’est aussi de cette derniere maniere que la lecture est la plus utile ; car pour en recueillir le fruit tout entier, il faut du silence, du repos & de la méditation.
Je n’étalerai point les avantages qui naissent en foule de la lecture. Il suffit de dire qu’elle est indispensable pour orner l’esprit & former le jugement ; sans elle, le plus beau naturel se desséche & se fane.
Cependant la lecture est une peine pour la plûpart des hommes ; les militaires qui l’ont négligée dans leur jeunesse, sont incapables de s’y plaire dans un âge mûr. Les joueurs veulent des coups de cartes & de dés qui occupent leur ame, sans qu’il soit besoin qu’elle contribue à son plaisir par une attention suivie. Les financiers, toujours agités par l’amour de l’intérêt, sont insensibles à la culture de leur esprit. Les ministres, les gens chargés d’affaires, n’ont pas le tems de lire ; ou s’ils lisent quelquefois, ce n’est, pour me servir d’une image de Platon, que comme des esclaves fugitifs qui craignent leurs maîtres. (D. J.)
Lectures ou Discours de Boyle, (Théol.) c’est une suite de discours fondés par Robert Boyle en 1691, dans le dessein, comme lui-même l’annonce, de prouver la vérité de la religion chrétienne contre les Infideles, sans entrer dans aucune des controverses ou disputes qui divisent les Chrétiens. Le but de cet ouvrage est aussi de résoudre les difficultés, & de lever les scrupules qu’on peut opposer à la profession du Christianisme.