L’Encyclopédie/1re édition/LIMOUSIN
LIMOUSIN, s. m. ou le LIMOSIN, (Géog.) en latin Lemovicia ; province de France, bornée nord par la Manche & par l’Auvergne, sud par le Quercy, ouest par le Périgord.
Ce pays & sa capitale tirent leurs noms du peuple Lemovices, qui étoient les plus vaillans d’entre les Celtes du tems de César, ayant soutenu opiniâtrement le parti de Vercengétorix. Auguste, dans la division qu’il fit de la Gaule, les attribua à l’Aquitaine. Présentement le Limousin se divise en haut & bas ; le climat du haut est froid, parce qu’il est montueux ; mais le bas Limousin est fort tempéré, & donne de bons vins : dans quelques endroits, le pays est couvert de forêts de chataigniers. Il a des mines de plomb, de cuivre, d’étain, d’acier & de fer ; mais son principal commerce consiste en bestiaux & en chevaux. Il y a trois grands fiefs titrés dans cette province ; le vicomté de Turenne, le duché-pairie de Vantadour & le duché-pairie de Noailles. Tout le Limousin est régi par le Droit écrit, le Droit romain, & est du ressort du parlement de Bordeaux.
C’est ici le lieu de dire un mot d’un pape Grégoire XI. & de quatre hommes de lettres ; Martial d’Auvergne, Jean d’Aurat, Jacques Merlin, & Pierre de Montmaur, nés tous cinq en Limousin, mais dans des endroits obscurs ou ignorés. Martial d’Auvergne, procureur au parlement de Paris, sur la fin du xv. siecle s’est fait connoître par ses arrêts d’amour, imprimés de nos jours très-joliment en Hollande in-8o. avec des commentaires ingénieux.
D’Aurat, en latin Auratus, servit dans ce royaume au rétablissement des lettres grecques sous François I. A l’âge de 72 ans il se remaria avec une jeune fille de 20 ans, & dit plaisamment à ses amis qu’il falloit lui permettre cette faute comme une licence poétique. Il eut un fils de ce mariage, & mourut la même année, en 1588.
Merlin fleurissoit aussi sous le même prince. L’on trouve de l’exactitude & de la sincérité dans sa collection des conciles, & il a l’honneur d’y avoir songé le premier. Il publia les œuvres d’Origène, avec l’apologie complette de ce pere de l’Eglise, qui n’est pas une besogne aisée ; il mourut en 1541.
Montmaur, professeur en langue grecque à Paris, au commencement du siecle passé, mourut en 1648. On ignore pourquoi tous les meilleurs poëtes & les meilleurs esprits du tems conspirerent contre lui, sans qu’il y ait donné lieu par aucun écrit satyrique, ou par un mauvais caractere. Il ne paroît même pas qu’il fût méprisable, du-moins du côté de l’esprit, car il savoit faire dans l’occasion des reparties très spirituelles. On raconte qu’un jour chez le président de Mesmes, il se forma contre lui une grande cabale, soutenue par un avocat fils d’un huissier. Dès que Montmaur parut, cet avocat lui cria, guerre, guerre. Vous dégénerez bien, lui dit Montmaur, car votre pere ne fait que crier paix-là, paix-là : ce coup de foudre accabla le chef des conjurés. Une autre fois que Montmaur dînoit chez le chancelier Seguier, on laissa tomber sur lui un plat de potage en desservant. Il sut se posséder à merveille, & dit en regardant le chancelier, qu’il soupçonna d’être l’auteur de cette piece ; summum jus, summa injuria ; cette prompte allusion qu’on ne peut rendre en françois est des plus ingénieuses. Enfin les raisons de la conspiration générale contre le malheureux Montmaur, ne sont pas parvenues jusqu’à nous.
Le pape Grégoire XI. limousin comme lui, n’avoit pas autant d’esprit & d’érudition. « On sait les ressorts ridicules qu’employerent les Florentins pour lui persuader de quitter Avignon, & de venir résider à Rome. Ils lui députerent sainte Catherine de Sienne, qui prétendoit avoir épousé J. C. & ils y joignirent les révélations de sainte Brigite, à laquelle un ange dicta plusieurs lettres pour le pontife. Il céda & transfera le saint siége d’Avignon à Rome au bout de 72 ans ; mais ce ne fut pas sans plonger l’Europe dans de nouvelles dissensions, dont il ne fut pas le témoin ; car il mourut l’année suivante 1378 ». Essai sur l’Histoire générale, tome II. (D. J.)