L’Encyclopédie/1re édition/LUCRIN le

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LUCRIN le, (Géog. anc.) Lucrinus lacus, lac d’Italie, qui étoit sur les côtes de la Campanie, entre le promontoire de Misène & les villes de Bayes & de Pouzzoles, au fond du golphe Tyrrhénien.

Il communiquoit avec le lac Averne, par le moyen d’un canal qu’Agrippa fit ouvrir l’an 717 de Rome. Il construisit dans cet endroit un magnifique port, le port de Jules, portus Julius, en l’honneur d’Auguste, qui s’appelloit alors seulement Julius Octavianus ; la flatterie ne lui avoit pas encore décerné d’autre titre.

Outre Pline & Pomponius Méla, nous avons Horace, qui parle plus d’une fois du lac Lucrin ; tantôt ce sont les huitres de ce lac qu’il vante, à l’imitation de ses compatriotes : non me Lucrina juverint conchilia, Ode xj. liv. V. « Non, les huitres du lac Lucrin ne me feroient pas faire une meilleure chere ». En effet, les Romains donnerent longtems la préférence aux huitres de ce lac ; ils s’en régaloient dans les festins de nôces, nuptiæ videbant ostreas lucrinas, dit Varron ; ils les regardoient comme les plus délicates, concha Lucrini delicatior stagni, disoit Martial de son tems : ensuite ils aimerent mieux celles de Brindes & de Tarente ; enfin ils ne purent plus souffrir que celles de l’Océan atlantique.

Horace portant ses réflexions sur les progrès du luxe dit, qu’il avoit formé de grands viviers & de vastes étangs dans les maisons de plaisance, des étangs même d’une plus grande étendue que le lac Lucrin.

. . . . . Undique latius
Extincta visentur Lucrino
Stagna lacu.

Ode xv. liv. II.

Mais nous ne pouvons plus juger de la grandeur de ce lac, ni du mérite de ses coquillages. En 1538, le 29 Septembre, le lac Lucrin fut presque entierement comblé ; la terre, après plusieurs secousses, s’ouvrit, jetta des flammes & des pierres brûlées en si grande quantité, qu’en vingt-quatre heures de tems il s’éleva du fond une nouvelle montagne qu’on nomma Monte nuovo di Cinere, & que Jules-César Capaccio a décrite dans ses antiquités de Pouzzoles, historia Puteolana, cap xx. Ce qui reste de l’ancien lac, autour de cette montagne, sur laquelle il ne croît point d’herbes, n’est plus qu’un marais qu’on appelle lago di Licola. Voyez Licola, (Géog.) (D. J.)